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Éclairage

Amérique du Sud, Afrique: des continents entiers subissent une vague de chaleur record

Le chiffre a fait le tour du monde : 62,3°C ressentis le week-end dernier à Rio de Janeiro, un record. Cependant, ces derniers s’accumulent un peu partout sur la planète, du Maroc à la République démocratique du Congo, en passant par la Thaïlande, le Costa Rica ou encore l’Afrique du Sud.

Un thermomètre affiche les 39 degrés dans une rue de Sao Paulo, le 17 mars 2024, alors que le Brésil, ainsi que de nombreuses autres régions du monde, font face à une vague de chaleur sans précédent.
Un thermomètre affiche les 39 degrés dans une rue de Sao Paulo, le 17 mars 2024, alors que le Brésil, ainsi que de nombreuses autres régions du monde, font face à une vague de chaleur sans précédent. © MIGUEL SCHINCARIOL / AFP
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38 degrés au Maroc, 42,3 en Afrique du Sud, 35,9 à Franceville au Gabon, 45 au Soudan du Sud… De l’autre côté de l’Atlantique, 39,7 en Colombie, 37,4 au Guyana, 39,2 au Costa Rica. Si l'on traverse l’océan Pacifique, 36,2 en Indonésie, ou encore 36,3 au Vietnam. La litanie pourrait se poursuivre encore et encore, triste répétition de records de températures battus ces derniers jours autour du monde, qu’il s’agisse de records mensuels ou même absolus.

« C’est le réchauffement climatique d’origine humaine, qui est en train de les faire battre, notamment dans l’hémisphère sud et autour de l’équateur », explique Davide Faranda, chercheur CNRS au laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. « Toute l’Afrique est concernée avec des températures bien au-delà de ce qu’on a vu récemment. »

Juba, au Soudan du Sud, écrasée par la canicule

En témoignent ces 45 degrés annoncés au Soudan du Sud, qui ont amené les autorités à fermer les établissements scolaires jusqu’à nouvel ordre, car la grande majorité ne sont pas raccordées à l’électricité et ne peuvent même pas actionner des ventilateurs. Si la canicule qui frappe Juba, la capitale sud-soudanaise, est durement ressentie par tous, les musulmans en souffrent d’autant plus en ce mois de ramadan.

Sadik Umar Mohammed, commerçant soudanais au marché de Souk Libya, vient de terminer sa prière : « Il fait vraiment une chaleur atroce, on lutte pour tenir. Cette canicule épuise tout le monde ici. Car même la nuit, la chaleur ne baisse pas », raconte-t-il à notre correspondante à Juba, Florence Miettaux.  

Sous le soleil écrasant de midi, tout est un peu en suspens dans le marché, comme le rapporte Keflé, un autre commerçant originaire d’Erythrée : « Cette chaleur est totalement insupportable ! Nos clients restent chez eux. Ils ne viennent qu’à partir de 16h… Pendant toute la journée, nous ne vendons pratiquement rien. »

Assise sous un parasol, des petits tas de mangues disposés sur une natte, Khamisa Suleiman tient une grande bouteille d’eau à portée de main. Elle préférerait évidemment ne pas être là, mais elle n’a pas le choix. « Cette situation est difficile. Mes enfants n’ont pas assez à manger, je n’ai pas de quoi leur payer l’école. Alors me voilà obligée de venir travailler ici sous le soleil », confie-t-elle.  Les autorités ont recommandé aux parents de ne pas laisser leurs enfants jouer en extérieur. La canicule devrait continuer pendant au moins dix jours.

Les footballeurs des clubs locaux, quant à eux, ne semblent pas trop se soucier de la chaleur, et continuent leurs matchs en plein cagnard. Moïse Eric joue pour les Congolais de Gudele qui s’apprêtent à affronter le Munuki FC dans la chaleur brûlante de midi : « Nous allons jouer ! Et des gagnants vont en sortir, c’est ça ! Nous avons acheté beaucoup de bidons d’eau. »

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Reportage à Juba, où les écoles ont dû fermer à cause de la chaleur

Florence Miettaux

L'Afrique étouffe

Mais le phénomène ne se cantonne pas qu’au Soudan du Sud, « la vague de chaleur est continentale en ce moment, précise Davide Faranda. Des records sont battus sur une grande majorité du continent africain. »

 

Carte de l’Afrique du Nord représentant les anomalies de températures par rapport à la moyenne, le 18 mars 2024 à 18 heures TU.
Carte de l’Afrique du Nord représentant les anomalies de températures par rapport à la moyenne, le 18 mars 2024 à 18 heures TU. © WXCharts / European Centre for Medium-range Weather Forecasts (ECMWF)

 

Ainsi, dans la plupart des capitales du continent, on suffoque : Kinshasa a par exemple égalé son record absolu de température le 17 mars dernier, avec 37,2 degrés atteints. De l’autre côté du fleuve Congo, la situation est similaire.

À Brazzaville, le thermomètre affiche jusqu’à 36 degrés, contre 29 à 30 degrés à la même période de l’année dernière. En bras de chemise, dos tourné à la place de la République, au cœur de la ville, cet enseignant n’arrive plus à supporter la chaleur : « Il y a deux jours, j’ai dormi dans ma cour. J’ai étalé un pagne et j’ai passé toute ma nuit ou presque là. Parce qu’il fait très chaud ; trop chaud pas possible », a-t-il expliqué au micro de notre correspondant à Brazzaville, Loïcia Martial.

Soleil brûlant, chaleur suffocante... les Brazzavillois ne savent plus où donner de la tête. Ces dernières semaines, l’eau coule rarement du robinet et les longues coupures de courant rendent le quotidien invivable : « C’est peut-être pour la première qu’on vit une canicule au Congo. C’est insupportable. C’est encore plus insupportable à cause des conditions de vie : pas d’électricité pour pouvoir se rafraichir. Pas d’eau, c’est invivable », se lamentent certains. « On ne peut pas supporter ce soleil. C’est très difficile pour nous », se désolent les autres.

Selon les services de météo, en plus du réchauffement climatique, le mois de mars marque le début du solstice d’été. Le soleil est sur l’Equateur, donc plus près de la Terre ; ce qui explique en partie les fortes chaleurs.

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Reportage à Brazzaville, où les habitants suffoquent à cause de la vague de chaleur extrême

Loïcia Martial

« En ce qui concerne ces extrêmes de chaleur, c’est attribué au réchauffement climatique », ajoute Omar Badour, responsable du suivi climat à l’Organisation météorologique mondiale (OMM). À ce mouvement de fond s’ajoute en plus un événement météorologique particulier, El Niño : « Il amplifie les vagues de chaleurs naturelles. C’est d’ailleurs une continuité entre les années 2023 et 2024 », ajoute-t-il.

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Records de températures en Amérique du Sud

Ces effets s’observent ailleurs sur la planète et notamment en Amérique du Sud. Paraguay, Guyana, Colombie, Costa Rica … Les records tombent aussi les uns après les autres ces derniers jours.

Carte des températures mesurées le 18 mars 2024 à 18 heures TU, en Amérique du Sud.
Carte des températures mesurées le 18 mars 2024 à 18 heures TU, en Amérique du Sud. © Capture d'écran / WXCharts

Le Brésil n’est pas en reste : si le thermomètre n’affichait réellement « que » 42 degrés à Rio de Janeiro le week-end dernier, la température ressentie a en revanche été estimée comme bien plus élevée, à 62,3 degrés. Cette notion intègre en effet les conséquences de l’humidité dans l’air ; une chaleur sèche étant plus supportable qu’une chaleur humide : « Plus la température ressentie est élevée, plus on a du mal à transpirer. Cela peut même être physiquement impossible. Le corps ne peut plus rééquilibrer sa température intérieure », explique Davide Faranda.

Un phénomène qui est loin d’être sans conséquences : « Si certains seuils limites sont dépassés, comme on l’a vu au Brésil, cela peut complétement arrêter la transpiration et entraîner la mort », avertit-il. 

Malheureusement, rien de tout cela n’est très surprenant, et a été documenté et expliqué à plusieurs reprises par le Giec dans ses rapports. Chaque dixième de degré de réchauffement a des conséquences. Passé un certain seuil, certaines régions de la planète seront inhabitables pour l’homme du fait de ces chaleurs humides.

« La fréquence des événements auxquels nous assistons aujourd’hui augmente », développe Davide Faranda. « À cause du réchauffement climatique, ces vagues de chaleurs sont non seulement plus fréquentes, mais également plus intenses. Ce qui était auparavant exceptionnel devient désormais la norme. On voit très bien qu’il y a des limites à l’adaptation à ces conditions. Elles ne sont pas fixées par nos technologies, mais par la physiologie humaine. C’est très alarmant et ça nous met en garde dès 2024 contre un réchauffement climatique qui va se poursuivre et qui nous fera donc dépasser ces limites plus fréquemment et plus intensément dans les années à venir », alerte le chercheur. 

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Le réchauffement climatique lié à l'activité humaine accentue et rend plus probable la vague de fortes chaleurs qui déferle sur le sud de l'Afrique de l'Ouest depuis février :  c'est la conclusion d'une étude faite par le World Weather Attribution, un organisme qui étudie le lien entre certains phénomènes météorologiques et le changement climatique.

Au pic de l'épisode du 11 au 15 février, la température humide a tourné autour des 50°, un niveau inhabituel pour février. Or, la fréquence et l'intensité de ce genre d'événement tend à augmenter.

Le réchauffement climatique lié aux activités humaines a en moyenne accru de 4° la température humide ressentie dans la région. La température humide correspond à la chaleur perçue par le corps en fonction de la quantité d'eau présente dans l'air.

Toujours selon le rapport du World Weather Attribution, ces épisodes de fortes chaleurs humides devraient survenir une fois tous les dix ans, dans le climat actuel ; dix fois plus souvent que ce à quoi l'on pouvait s'attendre auparavant. On passe donc d'un événement par siècle à un événement par décennie.

Et cela pourrait bien s'accentuer. Si la planète se réchauffe de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels, les vagues de chaleur seront encore plus intenses. La température humide pourrait grimper d'encore 3,4 degrés supplémentaires par rapport à la vague de chaleur de février. Des vagues plus intenses et encore plus fréquentes. De tels épisodes pourraient survenir tous les deux ans.

S'adapter à ces épisodes dangereux pour la santé, si tant est qu'on puisse le faire complètement, nécessitera de lourds investissements. Entre 215 et 387 milliards de dollars par an d'ici 2030, selon une estimation des Nations unies, et ce rien que pour les pays en développement.

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