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Reportage

Aux Maldives, la course pour protéger les coraux contre le blanchiment

Les océans du globe se réchauffent de manière inquiétante, ces dernières semaines. Cela menace la survie des coraux, et pourrait mettre en péril l’ensemble de la vie aquatique. C'est particulièrement préoccupant dans les États insulaires comme les Maldives, qui dépendent complètement des ressources maritimes. Là-bas, une équipe de biologistes essaie de sauver une partie des coraux.

Kate Sheridan, biologiste marine de Reefscapers, devant l’un des lagons où l’association a déployé des structures de coraux, aux Maldives.
Kate Sheridan, biologiste marine de Reefscapers, devant l’un des lagons où l’association a déployé des structures de coraux, aux Maldives. © Sébastien Farcis/RFI
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De notre envoyé spécial à Malé,

La vision fait froid dans le dos. Dans son petit bureau, situé sur une île au large de Malé, la capitale des Maldives, Kate Sheridan nous montre deux images : sur la première, on voit plusieurs colonies de coraux en bonne santé, arborant leur gamme de couleurs, de l’orange au violet. La photo a été prise il y a six mois.

Une structure de coraux installée par Reefscapers : ici, il y a six mois, les coraux étaient colorés.
Une structure de coraux installée par Reefscapers : ici, il y a six mois, les coraux étaient colorés. © Reefscapers

Mais sur l’autre photo, les mêmes coraux sont tout blancs, signe d’un dépérissement. Cette dernière a été prise par son équipe, le 20 avril. « C’est une réponse dramatique au réchauffement », s’inquiète cette biologiste marine. Et les exemples sont nombreux dans cette zone.

Ici, la même structure prise en photo le 20 avril : les coraux ont presque complètement blanchi, signe du dépérissement entrainé par le réchauffement de la mer.
Ici, la même structure prise en photo le 20 avril : les coraux ont presque complètement blanchi, signe du dépérissement entrainé par le réchauffement de la mer. © Reefscapers

Les Maldives, un archipel situé au sud-ouest de l’Inde, connaissent un réchauffement soudain de leurs fonds marins, qui entraîne une vague de blanchiment de leurs coraux. Et cela n’est pas un phénomène isolé : l’Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique a lancé une alerte le 15 avril dernier, selon laquelle les régions tropicales du monde connaissaient la quatrième vague de blanchiment des coraux depuis 1985, et la seconde en dix ans. Un rythme de plus en plus rapide de ces épisodes de canicule aquatique, qui met en péril ces animaux essentiels.

Les coraux sont des organismes extrêmement riches et essentiels à la vie du quart des espèces marines, car ils les protègent et leur offrent des nutriments. Et quand les océans dépassent les 31°C, cela entraine une poussée de fièvre difficilement supportable pour eux, ce qui entraine leur blanchiment. Les coraux rejettent les polypes qui se trouvent à l’intérieur de leur squelette et qui les alimentent, et ils entrent alors en « jeûne ». Si la température ne baisse pas pendant plusieurs semaines, ils meurent.

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Déplacer les coraux pour les sauver

Kate Sheridan lutte contre cela. Elle fait partie de l’équipe de l’association Reefscapers, fondée en  2000 et dirigée par un Français, Thomas Le Berre. Après le terrible épisode de blanchiment des coraux en 1998, qui a tué presque toutes les colonies des eaux maldiviennes, ce résidant des Maldives a lancé ce programme de propagation et d’observation des coraux dans l’archipel. Reefscapers a créé des structures métalliques en cône, sur lesquelles sont attachés des fragments de coraux, pour leur permettre de grandir. Plus d'un million de colonies ont ainsi été placées sous l’eau. Cette technique a un avantage unique en ces temps de crise : ces structures sont mobiles, ce qui permet de déplacer les coraux vers des zones plus fraîches. Soit à l’ombre, soit en profondeur.

Sur l’île de Furanafushi, située à quelques milles marins au nord de Malé, Kate et sa collègue vivent dans l’urgence. Elles vont tous les jours en mer observer les colonies qui commencent à blanchir, et bougent ces lourdes structures à l’aide d’un contrepoids artisanal et d’une corde, depuis les bords du lagon turquoise vers les eaux plus profondes, où il fait plus frais. « Quand les coraux commencent à blanchir, nous avons entre une et deux semaines pour les bouger » avant qu’ils ne se soient trop faibles pour être déplacés, estime Kate. « Mais nous devons faire attention à ne pas leur faire subir un choc thermique, alors nous les descendons de manière progressive, à cinq mètres plus bas, au maximum », explique-t-elle.

Reefscapers a ainsi bougé près de 500 structures depuis un mois, sur plusieurs sites où opère l’association, ce qui représente plus de 30 000 colonies de coraux. Et cette intervention semble offrir des résultats : « Les colonies que nous avons placées à l’ombre ne s’améliorent pas, mais n’empirent pas non plus, décrit Kate Sheridan. Mais celles qui sont placées plus profond répondent mieux et ne blanchissent pas autant que celles plus en surface. »

« Notre vie dépend des coraux »

Cette solution ne peut toutefois pas être utilisée pour protéger les coraux naturels, qui représentent la vaste majorité, car ces derniers ne peuvent pas être déplacés. « Il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour lutter contre ce blanchiment » des coraux naturels, déplore Aya Naseem, biologiste marine et vice-présidente de l’ONG Maldives Coral Institute.

Après le blanchiment désastreux de 1998, les coraux sont revenus aux Maldives, car ils ont eu le temps de se régénérer avant la vague suivante de 2016. Mais maintenant, ils n’ont eu que huit ans pour se remettre du dernier assaut. « Les coraux pourraient s’adapter, mais le rythme de ce réchauffement est trop rapide », alerte Aya Naseem.

« Notre pays est constitué de récifs coralliens, et nous n’existerons plus s’ils disparaissent. 90% des vagues sont absorbées par ces coraux, qui se régénèrent naturellement quand ils sont endommagés, et ceci nous protège de l’érosion entraînée par la montée du niveau des mers. Notre vie entière dépend de ces coraux, que ce soit pour le tourisme ou la pêche. Tous les habitants des Maldives deviendront des réfugiés climatiques si nous perdons les coraux », conclut la biologiste marine.

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