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Epidémie de choléra au Yémen: les ONG inquiètes avant la saison des pluies

Les Yéménites, qui souffraient déjà de la guerre et de la famine, sont frappés depuis avril par un troisième fléau : une épidémie de choléra sans précédent dans cette région du monde, qui a causé en trois mois la mort de 1 800 personnes. Selon l’OMS et les ONG sur place, la situation devrait empirer à l’arrivée de la saison humide.

Un homme atteint du choléra hospitalisé à Sanaa, la capitale du Yémen.
Un homme atteint du choléra hospitalisé à Sanaa, la capitale du Yémen. REUTERS/Mohamed al-Sayaghi/File Photo
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Le Yémen subit actuellement la pire épidémie de choléra au monde, depuis celle qui a frappé Haïti en 2010. Entre avril et juillet, plus de 368 200 cas présumés de choléra ont été recensés par l’Organisation mondiale de la Santé, et 1 828 personnes en sont mortes. D'après les prévisions de l'ONG Oxfam, plus de 600 000 personnes pourraient être infectées - soit plus, sur une même année, que les victimes de l’épidémie de 2010 à Haïti.

Non traité, le choléra est l'une des maladies infectieuses les plus rapidement mortelles. Transmis par l’ingestion d’eau contaminée par le bacille du choléra, les vibrions colonisent les intestins et y provoquent une infection aiguë très contagieuse. Les malades contractent alors des diarrhées liquides et des vomissements, provoquant une déshydratation sévère extrêmement rapide. « Les personnes atteintes peuvent perdre 10 litres d’eau en 12 heures, explique à RFI Caroline Seguin, qui coordonne les programmes de Médecins sans Frontières au Yémen. Mais la maladie n’est pas difficile à traiter. Dans nos centres, nous mettons en place un traitement symptomatique. Les patients reçoivent des sels de réhydratation à diluer dans de l’eau chlorée et à absorber par voie orale. S’ils vomissent, on les place sous perfusion, 10 litres par patient. » En trois mois, ces perfusions ont atteint un volume de 70 000 litres.

La guerre entrave l’action des ONG

Depuis deux ans, le conflit armé au Yémen qui oppose les milices houthistes, proches de l'Iran, et les forces loyalistes soutenues par l’Arabie saoudite a fait plus de 10 000 morts, sans compter les dégâts matériels et l’effondrement du système de santé. Jusqu’à mars 2015, des soins étaient prodigués gratuitement dans les salles d’urgence des hôpitaux publics, notamment contre le diabète, l’hypertension et la tuberculose. Depuis, les bombardements prenant pour cible les hôpitaux et les ambulances ont conduit à la destruction de la plupart des structures médicales. Financièrement exsangue, le système de santé ne rémunère plus son personnel médical.

Même pour les ONG, les conditions matérielles restent difficiles. Human Rights Watch a longtemps été la seule organisation à lutter aux côtés de MSF contre l’épidémie de choléra, mais les problèmes financiers ont freiné son action. « Souvent, le personnel n’était pas payé, témoigne Caroline Seguin. La gestion des structures médicales était compliquée, ils manquaient de supervision et d’approvisionnement. On s’est retrouvés avec des patients atteints du choléra qui s’étaient rendus dans des centres de HRW, mais qui en étaient partis parce qu’ils n’avaient pas de traitement. »

Un infirmier soigne par perfusion un enfant de 9 ans souffrant de déshydratation à cause du choléra, dans un centre de MSF au Yémen, en mai 2017.
Un infirmier soigne par perfusion un enfant de 9 ans souffrant de déshydratation à cause du choléra, dans un centre de MSF au Yémen, en mai 2017. Nuha Haider/MSF

Pour MSF, les procédures administratives sont complexes, notamment à cause des exigences du gouvernement du Sud. L’accès physique au pays est difficile. « L’aéroport El Rahaba de Sanaa, la capitale, a été fermé, explique Caroline Seguin. Heureusement, MSF dispose de son propre avion, mais les autres ONG n’ont pas cette chance. » Même ainsi, l’approvisionnement en matériel médical est coûteux : le premier avion de MSF destiné à enrayer l’épidémie a nécessité un investissement de 260 000 euros. Depuis avril, 80 000 personnes ont été traitées par l’ONG.

Le département pour femmes du centre MSF de traitement du choléra, à Khamer (Yémen).
Le département pour femmes du centre MSF de traitement du choléra, à Khamer (Yémen). Nuha Haider/MSF

« L’épidémie a empiré avec le ramadan : les gens se déplaçaient, se retrouvaient en famille. Mais depuis deux semaines, on observe une baisse du nombre de cas », se réjouit Caroline Seguin. L'épidémie semble notamment reculer légèrement à Amanat al Asimah, Amran et Sanaa, les gouvernorats les plus touchés. Les ONG craignent cependant que l’embellie soit de courte durée. « Chaque jour, plus de 5 000 Yéménites tombent malades, avec des symptômes de diarrhée aqueuse aiguë ou de choléra. Même si l'épidémie a commencé à ralentir dans certaines régions, la situation reste alarmante, a déclaré la porte-parole de l’OMS Fadela Chaib, lors d'une conférence de presse à Genève le 21 juillet. La saison humide vient de débuter et devrait favoriser la transmission. Il faut maintenir nos efforts pour stopper l'épidémie ».

Une aide financière mondiale insuffisante et inadaptée

Des 250 millions de dollars que les Nations unies espéraient récolter pour le Yémen, 47 millions seulement ont été réunis. Et les organisations doivent combattre un autre fléau : la famine, qui aggrave l’épidémie. Affaiblis par le manque de nourriture et la maladie, les personnes âgées et les mineurs sont particulièrement vulnérables. Selon l'OMS, les enfants de moins de 15 ans représentent 41% des personnes infectées par le choléra et 25% des décès. « Beaucoup d’enfants au Yémen souffrent de malnutrition chronique, explique Caroline Seguin. Quand ils contractent le choléra, cela devient une malnutrition aiguë qui peut leur être fatale. » Or pour son programme de lutte contre la malnutrition, l’ONU n'a reçu qu'un tiers des 2,1 milliards de dollars prévus pour venir en aide aux 20 millions de personnes victimes de malnutrition au Yémen, au Nigeria, en Somalie et au Soudan du Sud. « Par conséquent, les ONG qui se trouvent dans les secteurs les plus touchés par le choléra doivent piocher dans les fonds qu'ils gardaient pour des programmes de vulnérabilité alimentaire ou de malnutrition », expliquait le 11 juillet Jamie McGoldrick, le coordinateur humanitaire de l'ONU au Yémen, dans un appel à l'aide internationale relayé par l'AFP. « Nous sommes à court de financement, en train de déshabiller Pierre pour habiller Paul »

Quant au programme visant à utiliser des vaccins contre le choléra, il a été mis de côté, selon Christian Lindmeier, porte-parole de l'OMS cité par l’AFP. « Le gouvernement décide en ce moment s'il doit les utiliser ou pas. Il y a de fortes chances qu'ils ne soient pas utilisés du tout au Yémen et qu'ils soient redirigés vers d'autres pays où la menace est plus urgente. »

« La réponse n’est pas bonne depuis le début, déplore Caroline Seguin. Pourtant, ce n’est pas très compliqué de faire de la prévention contre le choléra. Il suffit de sensibiliser la population aux mesures d’hygiène et de leur donner de l’eau chlorée. »

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