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Bangladesh / Rohingyas

Retour des Rohingyas en Birmanie: un accord qui soulève beaucoup de questions

La Birmanie et le Bangladesh se sont donnés ce mardi 16 janvier deux ans pour mener à bien le rapatriement de centaines de milliers de Rohingyas, cette minorité musulmane chassée depuis août 2017 de l’Etat de l’Arakan, dans l’ouest de la Birmanie, par l’armée birmane. Une campagne qualifiée d’épuration ethnique par les Nations unies. Les Rohingyas se sont réfugiés au Bangladesh voisin, et c’est leur retour que les deux pays organisent en ce moment.

Au Bangladesh, des réfugiés rohingyas font la queue pour obtenir des couvertures à l'extérieur du camp de Kutupalong près de Cox's Bazar, le 24 novembre 2017.
Au Bangladesh, des réfugiés rohingyas font la queue pour obtenir des couvertures à l'extérieur du camp de Kutupalong près de Cox's Bazar, le 24 novembre 2017. REUTERS/Susana Vera
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Au moins 650 000 personnes ont fui les exactions de l’armée birmane depuis l’été 2017. Elles se sont réfugiées au Bangladesh, dans des camps, près de la frontière avec la Birmanie. Suite aux pressions de la communauté internationale, les deux pays avaient convenu en novembre dernier de se mettre d’accord pour un retour des réfugiés en Birmanie, s’ils peuvent prouver qu’ils y habitent.

Cela s'annonce pour le moins difficile. Les Rohingyas ont dû fuir en catastrophe leurs maisons, qui ont la plupart du temps été incendiées. Pas sûr, donc, qu’ils aient pu emporter avec eux d’éventuels papiers prouvant qu’ils habitent en Birmanie. D’autant plus que depuis le vote d’une loi au début des années 80, la Birmanie considère les Rohingyas comme non-birmans, apatrides, ils n’ont donc pas de papiers d’identité. Ils ne peuvent pas non plus voyager ou se marier sans autorisation et n’ont pas accès au marché du travail, aux écoles ou aux hôpitaux.

Dans ce que dit le Bangladesh de l’accord conclu ce mardi, rien n’est précisé sur la nature des preuves que les Rohingyas devront présenter pour montrer qu’ils habitent en Birmanie. Il est juste indiqué que les formulaires à remplir seront basés sur « les unités familiales », et qu’ils prendront en compte les cas des orphelins et des bébés nés d’« incidents injustifiés », un euphémisme pour parler des viols subis par les femmes Rohingyas.

Construire des camps pour accueillir les réfugiés

Dacca va mettre en place cinq camps de transit pour accueillir les réfugiés qui veulent retourner en Birmanie. Des réfugiés qui seront ensuite envoyés dans deux camps birmans où ils seront retenus le temps que leurs demandes soient examinées. Certains craignent déjà de rester coincés dans ces camps, comme cela avait été le cas pour beaucoup après un premier accord de rapatriement conclu entre les deux pays au début des années 90.

Il y a aussi la question du nombre de personnes concernées par l’accord, qui ne concerne pas les quelque 200 000 Rohingyas réfugiés avant 2016 au Bangladesh. Alors que Dacca demandait que Naypyidaw accueille 15 000 réfugiés par semaine, la Birmanie en acceptera dix fois moins. On en est donc à 156 000 personnes rapatriées sur deux ans, bien loin des 650 000 (au moins) arrivées depuis août dernier. Selon l'accord, les premiers Rohingyas devraient entamer leur retour dès mardi prochain. Mais à raison de 1500 par semaine, cela prendrait neuf ans pour que les quelque 700 000 réfugiés rentrent en Birmanie.

Un accord qui ne règle pas la situation des Rohingyas

L’accord ne s’attaque aux racines du problème, c’est-à-dire à la raison pour laquelle les Rohingyas ont dû fuir la Birmanie. Aucune garantie n’est donnée quant à leur sécurité. L’armée birmane continue de nier son implication dans les viols, meurtres et incendies de villages, et affirme n’avoir mené dans l’Etat de l’Arakan que des opérations contre les rebelles de l’ARSA, « l’armée du salut des Rohingyas de l’Arakan », qui avait attaqué en août 2016 des postes-frontière.

La semaine dernière, pour la première fois, l’armée a reconnu son implication dans le meurtre de dix Rohingyas. Une enquête interne est en cours, mais elle paraît bien faible au regard des exactions commises dans la région.

Et puis qu’en est-il du statut de ces Rohingyas qui reviendraient ? S’ils ne sont toujours pas considérés comme des citoyens birmans, les discriminations auxquelles ils font face vont continuer, ce qui paverait la voie vers un nouveau cycle de violences, à moyenne ou brèves échéances.

Certains réfugiés rohingyas refusent de rentrer

« Même si ici je n’ai rien à manger, au moins je suis en sécurité », explique un réfugié. « Tant qu’ils ne nous considèrent pas comme des citoyens birmans nous ne reviendrons pas », affirme un autre. Certains craignent même d’être accusés de terrorisme et arrêtés s’ils retournent en Birmanie. Notre correspondant régional, Sébastien Farcis, a pu parler avec l'un de ces réfugiés réticents à rentrer.

Mayu Ali est arrivé début septembre avec la gigantesque vague de Rohingyas qui ont fui les violences de l'Arakan. Sa famille vit maintenant sous la tente au Bangladesh, dans une situation sanitaire précaire. Mais il ne veut pas pour autant repartir en Birmanie.

Je ne rentrerai jamais tant que je n'ai pas de garanties concernant ma sécurité et le respect de ma citoyenneté dans l'Arakan. Sans ces garanties, retourner là bas, c'est aller vers une mort certaine.

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Ecoutez le témoignage d'un réfugié rohingya refusant de rentrer en Birmanie

Sébastien Farcis

Sans compter que leur rapatriement ne se ferait manifestement pas sous l’égide de l’ONU, dont les enquêteurs n’ont pas d’accès libre à l’Etat Rakhine. Yanghee Lee, la rapporteur spéciale de l’ONU sur situation des droits de l’homme en Birmanie, a d’ailleurs annoncé ce mardi que pour enquêter sur les victimes de violations des droits de l’homme dans le pays, elle allait se rendre à partir de jeudi 18 janvier chez ses voisins, le Bangladesh et la Thaïlande, puisque Naypyidaw lui interdit l’accès à son sol et refuse de coopérer avec elle. Yanghee Lee doit présenter un rapport au Conseil des droits de l’homme en mars prochain.

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