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Mort de Robert Badinter: «Une figure du siècle, une conscience républicaine, l'esprit français»

S'il est un nom associé à un changement profond de la société française, c'est bien celui de Robert Badinter, artisan de l'abolition de la peine de mort en France en 1981. Avocat de profession, ministre de la Justice sous la présidence de François Mitterrand, président du Conseil constitutionnel, son nom est associé aux combats pour la défense de la justice, des libertés fondamentales. Les premières réactions au sein de la classe politique et de la société française dans son ensemble saluent l'homme, son humanisme et ses convictions profondes.

Robert Badinter, ministre de la Justice, interviewé à la sortie du Conseil des ministres sur le projet de loi abolissant la peine de mort, le 26 août 1981, à Paris
Robert Badinter, ministre de la Justice, interviewé à la sortie du Conseil des ministres sur le projet de loi abolissant la peine de mort, le 26 août 1981, à Paris AFP - MICHEL CLEMENT
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Pour beaucoup, Robert Badinter était perçu comme un « Sage de la République ». Régulièrement invité dans les médias pour donner son avis sur des sujets de société, des évènements politiques majeurs, ou pour rappeler son combat contre la peine de mort, Robert Badinter était l'une des grandes figures de la gauche française.

Le président de la République, tout en précisant qu'un « hommage national lui serait rendu » n'a pas manqué de souligner qu'il était un « repère pour beaucoup de générations », « une conscience ». « La nation a perdu à coup sûr un grand homme, un très grand avocat », en marge d'un déplacement à Bordeaux consacré à la justice et la police.

Le Premier ministre Gabriel Attal salue « l'homme de droit et de valeurs ».

Jean-Luc Mélenchon affirme de son côté n'avoir « jamais croisé un autre être de cette nature ».

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Réserves à droite

« Pour l'opinion publique, j'étais l'avocat des assassins », reconnaissait-il en évoquant son combat contre la peine de mort. Une phrase définitive, mais qui illustre combien ce débat clivant est encore sous-jacent dans la société française et au sein de l'extrême droite française : 81 % des sympathisants du Rassemblement national se disent en effet favorables à son rétablissement, de même que 51 % des sympathisants de LR, un chiffre comparable à la population globale -, selon l'étude Fractures françaises (Ipsos) parue en octobre 2023.

Celui qui n'eût de cesse de dénoncer les dangers de l'extrême droite ne manquera donc guère à la classe politique de droite. Marine Le Pen salue timidement l'ancien garde des Sceaux, tout comme le président du RN, Jordan Bardella.

Le patron des Républicains, Eric Ciotti, a sobrement salué une « figure emblématique de la justice », en reconnaissant que « sa lutte pour l'abolition de la peine de mort restera gravée dans nos mémoires et nos institutions ».

D'autres combats pour la démocratie

Il inspira bien sûr bon nombre d'avocats pour bon nombre d'autres combats aussi, comme celui sur la dépénalisation de l'homosexualité, sur la fin des juridictions d'exception comme la Cour de sûreté de l'État. « Un engagement, un engagement constant pour la reconnaissance d'un certain nombre de valeurs sur les droits de l'homme, sur les droits de la défense, tout ce qui constitue ces valeurs fondamentales d'une démocratie et sur lesquels il faut encore aujourd'hui être particulièrement vigilant. C'était son combat, un combat constant de sa vie, et ça, ça restera », estime l'avocat Me Patrick Maisonneuve.

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Me Patrick Maisonneuve

Raphaël Delvolve

Le combat de Robert Badinter ne s'est, de plus, pas limité au territoire français. Le nombre d'exécutions encore enregistrées dans le monde avait poussé Robert Badinter à s'exprimer à l'international, et notamment en Afrique, où il avait rencontré et échangé avec de nombreux juristes et défenseurs des droits humains. Ses talents d'orateur et sa droiture ont particulièrement inspiré l'Ivoirien Paul Angaman, président de la Fédération internationale de l'organisation ACAT, Action des chrétiens pour l'abolition de la torture.

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L'Ivoirien Paul Angaman, président de la Fédération internationale de l'organisation ACAT: «C'est une grande perte...»

François Mazet

Un travail auprès des pouvoirs publics, des ministres, des chefs d'État pour l'abolition universelle partout dans le monde qui se poursuivra avec l'ONG Ensemble contre la peine de mort dont il était président d'honneur. « Nous travaillons sur des missions d'enquête dans les couloirs de la mort en Afrique, en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, mais aussi en Asie. Robert Badinter a toujours été là à nos côtés, mais il n'a pas été seulement une figure tutélaire. Il a surtout été celui qui a guidé nos pas. Il nous a accompagnés, il nous a engagés à aller sur des thématiques qui ne sont pas forcément évidentes, travailler avec les parlementaires de tous les pays. Il nous happait par son charisme », partage Raphaël Chenil Hazan, le directeur d'Ensemble contre la peine de mort.

C'est un homme extraordinaire dans tous les sens du terme.  Il était notre mentor et notre vigie pour nous rappeler notre combat, hier, aujourd'hui et demain.

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Raphael Chenil Hazan, directeur d'Ensemble contre la peine de mort

Laurence Théault

Christiane Taubira : « Robert Badinter est la première personne que j'ai appelée en arrivant à la chancellerie »

RFI : Vous êtes ancienne ministre de la Justice, sous la présidence de François Hollande. Vous avez eu la lourde tâche de succéder à une grande figure qu'est Robert Badinter qui nous a quittés ce 9 février. Vous avez pensé à lui quand vous avez été nommée garde des Sceaux ?

Christiane Taubira : J'ai tellement pensé à lui que la première personne que j'ai appelée en arrivant à la chancellerie, c'est Robert Badinter. Je l'ai appelé pour le saluer, pour lui exprimer à nouveau tout mon respect, mon admiration. Et puis lui dire que chaque jour, j’allais essayer de m’élever à la hauteur des belles missions de ce ministère de la Justice auquel il avait donné une telle substance, une telle dimension, une telle consistance.

Quand on est ministre de la Justice, de surcroît socialiste, après Robert Badinter, on a envie de marcher dans ses pas ou surtout de s'en inspirer ?

Inévitablement, on finit par marcher dans ses pas. S’en inspirer, oui, mais pas par mimétisme, parce qu'il s'agit d'assumer sa fonction, être à la hauteur des obligations, des défis de sa propre époque à soi. On a évidemment besoin de figures tutélaires. Mais la meilleure façon d'être à la hauteur de ces figures, c'est de faire au mieux ce que l'on doit faire au moment où l'on est en responsabilité. Je savais qu'il y avait des choses qu'il avait faites. Pour l'abolition de la peine de mort, heureusement, c'était déjà fait, c'était déjà consolidé dans la Constitution, mais il y avait d'autres tâches. 

Un point commun que vous avez avec Robert Badinter, c'est vos efforts pour les droits des homosexuels, la loi Taubira a ouvert le mariage pour tous. Pour lui, c'est une loi qui a dépénalisé l'homosexualité en 1982. Quand vous faites adopter le mariage pour tous, vous vous sentez dans la lignée de Robert Badinter ?

Absolument. Il a eu ce courage. Il avait deux alliés de qualité et de choix. Il avait, à l'Assemblée nationale, Gisèle Halimi qui était députée, et Raymond Forni. C'est vrai que c'était aussi un combat très courageux qu’il a mené en sortant l'homosexualité du Code pénal. Parce que l'homosexualité, qui est une sexualité, n'avait rien à faire dans un code pour les délits et la délinquance. J’ai toujours dit très clairement et avec constance que j'inscris mes combats dans une lignée. Donc, ce combat pour l'égalité et pour la citoyenneté, je l’inscris dans la lignée des luttes qui avaient été conduites avant. Je fais ma part du mieux que je peux, mais avec humilité, parce que je sais que je suis dans une chaîne de combat.

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