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France / Santé

France: un «mouton-méduse» de l’Inra est passé du labo à l’assiette

A cause de deux employés peu scrupuleux de l’Inra en Ile-de-France, l’agnelle Rubis, descendante d’une brebis génétiquement modifiée au moyen d’une protéine fluorescente de méduse, s’est retrouvée à l’automne 2014 dans la chaîne alimentaire. La bête, prise en charge par un abattoir, avait été ensuite vendue à un particulier, pour l’instant inconnu. L’affaire qui interroge à nouveau sur la traçabilité de la viande en France a été révélée ce mardi 23 juin 2015 en Une du Parisien.

S'il ne présente aucun risque de toxicité, l'agneau-méduse qui finit dans une assiette est une mauvaise publicité pour l'Inra.
S'il ne présente aucun risque de toxicité, l'agneau-méduse qui finit dans une assiette est une mauvaise publicité pour l'Inra. Inra / Sophie Normant
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On a mangé Rubis ! Cette agnelle, née d’une brebis de l’Institut national de recherche agronomique (Inra) génétiquement modifiée au moyen d’une protéine fluorescente de méduse, a très probablement fini dans une assiette en octobre ou en novembre 2014 au lieu d’être euthanasiée et incinérée sur le site de l’Inra, comme le veut le protocole scientifique.

A la base de cette erreur de parcours, des « difficultés relationnelles », selon Benoît Malpaux, directeur du site de l’Inra de Jouy-en-Josas – où avait débuté en 2009 le programme Mouton vert –, entre deux employés dévolus au suivi du cheptel des ovins et des caprins de l'Unité commune d'expérimentation animale (UECA), un centre de recherches thérapeutiques pour l’homme de l’Inra.

L’un des agents, pour nuire à son supérieur direct, aurait délibérément ajouté Rubis aux animaux, dont les gènes n’étaient pas modifiés, qui allaient à l’abattoir. Le supérieur se serait aperçu de la disparition du petit « mouton-méduse » quelques jours plus tard et aurait été averti de son acheminement à l’abattoir Sarovi par son subordonné. Mais pour ne pas risquer de perdre ses chances d’être définitivement titularisé, le supérieur n’aurait rien dit. Son subordonné aurait lui aussi gardé le silence… Jusqu’au 5 novembre 2014, quand il avertit le directeur de l’UECA, plus d'une semaine après qu'un particulier est venu acquérir la bête abattue, Rubis, à l'abattoir.

Actes de malveillance

« Après enquête administrative, les faits démontrent qu’il y a eu des actes individuels inacceptables. Il y a une présomption forte d’actes de malveillance. Des mesures ont déjà été prises : suspension administrative de l’un des agents, changement de poste et de lieu de travail pour l’autre sans contact avec des animaux. Suivra une procédure disciplinaire courant juillet 2015 pour chacun d’eux. Le PDG de l’Inra décidera au final de leur sanction », détaille Benoît Malpaux. L’Inra a saisi la justice pour « mise sur le marché d’un produit consistant en organismes génétiquement modifiés ou contenant de tels organismes ». Dans Le Parisien, Benoît Malpaux a précisé : « Nous avons pris contact avec le parquet de Meaux dès que nous avons eu connaissance des faits, qui sont punissables d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende ». Le parquet de Meaux a, lui, transmis l’affaire au pôle de santé publique du tribunal de grande instance de Paris.

Et Rubis, qui est-elle ? Sa mère, Emeraude, est née en 2010, à Jouy-en-Josas, dans les Yvelines, pour servir le programme Mouton vert au sein de l’UECA. Génétiquement modifiée au moyen d'une protéine provenant d'une méduse, la Green Fluorescent Protein (GFP), la brebis Emeraude était porteuse de cellules rendues fluorescentes selon un éclairage particulier. Ces cellules ont été utilisées lors de greffes sur le cœur d’un autre animal afin de suivre le devenir de ces greffes avec précision. La visée médicale de cette expérience était le traitement de l’infarctus du myocarde par le développement de greffes sur des cœurs lésés. En 2014, Emeraude est transférée au centre de Bressonvilliers dans l’Essonne. Elle y met bas plusieurs agneaux et agnelles, tous génétiquement modifiés, car porteurs de la moitié des génomes de leur mère. Rubis naît au printemps 2014, mais elle ne « fonctionnait pas », résume le directeur de l’Inra de Jouy-en-Josas. Sa protéine n’a pas synthétisé.

Pas de risques sanitaires

« Cette protéine, la GFP, est largement utilisée en laboratoires, et ne présente aucune toxicité. Et toutes les protéines, en général, sont très vite cassées dans le tube digestif par les acides aminés », explique Benoît Malpaux. « Bien qu'elle n'aurait jamais dû être mise sur le marché, Rubis ne présente pas de risques sanitaires à la consommation », a rassuré le directeur.

Quoi qu’il en soit, cette « folle affaire du mouton-méduse qui a fini dans une assiette », comme titrait ce mardi 23 juin 2015 Le Parisien, n’est pas une bonne publicité pour l’Inra. Et ne rassure pas sur la traçabilité, non plus sur la qualité sanitaire de la viande en France.

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