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France / ENA

France: qu’est-ce que l’ENA, la «fabrique des élites» que Macron veut supprimer?

Selon le texte de l’allocution qu’Emmanuel Macron devait prononcer lundi 15 avril,  et qui a fuité dans la presse le lendemain, le président se disait notamment favorable à la suppression de l'ENA (l'École nationale d'administration). Depuis des années, la prestigieuse école, formant les cadres de l’administration française, est critiquée pour son élitisme. Le point sur cette école contestée.

Le bâtiment de l’École nationale d’Administration (ENA), située à Strasbourg, créée en 1945 par le général de Gaulle.
Le bâtiment de l’École nationale d’Administration (ENA), située à Strasbourg, créée en 1945 par le général de Gaulle. AFP
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Supprimer l’ENA, un vieux serpent de mer en France qui n’a jamais abouti. Cette mesure est pourtant envisagée par Emmanuel Macron, en réponse à la crise des « gilets jaunes ». Créée il y a 75 ans, cette école est régulièrement décriée. De quoi parle-t-on exactement ? Histoire, rôle, critiques : éclairage.

► Qu’est-ce que l’ENA ?

L’École nationale d’Administration (ENA) a été créée par ordonnance le 9 octobre 1945 par le général de Gaulle. Son projet originel : démocratiser l’accès à la haute fonction publique et professionnaliser la formation des hauts fonctionnaires, appelés à reconstruire la France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

D’abord située à Paris, la délocalisation de l’ENA à Strasbourg, initiée en 1991 par la Première ministre Édith Cresson, est achevée à la rentrée 2005. Cette mesure est censée symboliser la décentralisation étatique et l’ouverture sur l’Europe.

Quatre concours, très sélectifs, sont proposés pour intégrer l'établissement. Près de la moitié des énarques entrent grâce au concours externe, ouvert aux étudiants, qui viennent en majorité de Sciences Po.

► Qui a fait l'ENA ?

De nombreux hommes et femmes politiques de la Ve République sont énarques. Quatre présidents en sont sortis : Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac, François Hollande et Emmanuel Macron.

Huit Premiers ministres ont aussi fait l’ENA : Jacques Chirac encore, Laurent Fabius, Michel Rocard, Édouard Balladur, Alain Juppé, Lionel Jospin, Dominique de Villepin, et Édouard Philippe.

De nombreux ministres, de gauche comme de droite, sont aussi passés sur les bancs de la prestigieuse école comme Ségolène Royal, Michel Sapin, Bruno Le Maire ou encore Laurent Wauquiez. L’école a d’ailleurs été dirigée de 2012 à 2017 par Nathalie Loiseau, ex-ministre chargée des Affaires européennes et actuelle tête de liste LaREM aux européennes.

► Pourquoi cette école est-elle critiquée ?

Pour ses détracteurs, l’ENA est le symbole d’une nouvelle aristocratie, formant des élites qui seraient déconnectées de la réalité. L’école est aussi souvent pointée du doigt pour son manque de diversité sociale et de parité.

Face aux critiques, l’ENA a répondu mercredi 17 avril qu’au sein de la promotion actuelle, 26 % des élèves étaient boursiers dans l’enseignement supérieur, et que 14 % des élèves sont « petits-enfants d'ouvrier ».

« Quand on en est à se justifier sur plusieurs générations et à parler des petits-enfants d’ouvriers à l’ENA, c'est qu'il y a un problème dans la diversité des élites », a ironisé le lendemain le député LaREM Aurélien Taché, sur France 2.

La plus vaste étude menée sur les profils et les parcours des anciens élèves remonte à 2015. Elle révèle une forte homogénéité sociale. Selon les chercheurs de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et de l’ENA, ayant étudié les promotions entre 1985 et 2009, près de 72 % des élèves sont enfants de cadres, moins de 10 % sont enfants d’agriculteurs et d’artisans, et 6 % seulement sont enfants d’ouvriers et d’employés.

► Quelle structure remplacerait l’ENA ?

D’autres grandes écoles devraient aussi disparaître, comme l'École nationale de la magistrature (ENM). Elles seraient remplacées par une nouvelle structure, issue de leur fusion.

L’objectif serait de créer une « école des services publics », recrutant des profils davantage diversifiés. A la sortie de l’école, les meilleurs élèves n’iraient pus automatiquement dans les grands corps de l'État (Conseil d'État, Cour des comptes...).

En 2007, le candidat du MoDem, François Bayrou, aujourd’hui proche d’Emmanuel Macron, proposait aussi de remplacer l’ENA par une « école des services publics » accueillant « des gens d’expériences différentes, ayant fait leurs preuves à tout âge, et pas seulement des jeunes diplômés ».

► Qu’en pensent les futurs candidats au concours ?

Les étudiants qui préparent actuellement le concours de l’ENA expriment leur désarroi. « Il y a eu un mouvement de panique quand on a appris ça », confie Clément, élève à la Prépa Concours de Sciences Po. « Cela nous inquiète, car on a investi du temps, de l’argent, beaucoup d’énergie pour un projet sur plusieurs années. Il y a de l’amertume, car on en bave. On espère qu’on n’a pas fait tout ça pour rien. »

Victor, dans le même cursus, évoque aussi une « panique générale » parmi les futurs candidats, qui, sans annonce officielle, sont « plongés dans l’incertitude ». Selon lui, cette mesure est de la « démagogie pure et simple de la part d’Emmanuel Macron », dans un contexte de défiance envers les élites. « La principale revendication des « gilets jaunes » est plus d’État. Et la réponse du président est de le démanteler en enlevant une école, certes critiquable, mais qui forme des fonctionnaires qui ont théoriquement le sens de l’État. »

► À lire aussi : A la Une  : faut-il supprimer l’ENA ?

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