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Brésil

Brésil: Dilma Rousseff face à son destin

A Brasilia, le procès en destitution contre Dilma Rousseff entre dans sa phase finale. Avec un moment fort ce lundi 29 août 2016 : la présidente suspendue se rend au Sénat pour assurer personnellement sa défense. Accusée, entre autres, d’avoir maquillé les comptes publics, elle fait face à une majorité hostile au Sénat. Alors que son sort semble être scellé, la présidente a décidé d’affronter les sénateurs transformés en juges et de clamer une dernière fois haut et fort son innocence. Elle sera soutenue par des militants qui commencent à affluer dans la capitale.

La présidente suspendue Dilma Rousseff au palais de l'Aurore, la résidence présidentielle, le 18 août 2016, à Brasilia.
La présidente suspendue Dilma Rousseff au palais de l'Aurore, la résidence présidentielle, le 18 août 2016, à Brasilia. ANDRESSA ANHOLETE / AFP
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Sous un soleil de plomb, syndicalistes et militants des mouvements sociaux installent ce qu’ils appellent « le campement contre le coup d’Etat ». Situé à 5 kilomètres du Sénat, ce QG des « pro-Dilma » sera le point de départ de toutes les manifestations, à commencer par la marche vers le Parlement prévue ce lundi. Bruno Pilon, membre du mouvement des petits agriculteurs, raconte que les militants ont prévu une surprise pour Dilma Rousseff : « Quand elle arrivera au Sénat, on va l’accueillir avec des roses. Ce sera un geste symbolique pour dénoncer le coup d’Etat et montrer à la présidente notre affection et la lutte du peuple. »

Les organisateurs attendent plusieurs milliers de personnes, qui viendront en autocars de toutes les régions du pays. Everan habite lui à Brasilia. Ce fonctionnaire est en train de mettre sur sa voiture un quatrième autocollant contre la destitution de Dilma Rousseff, et contre celui qui prendrait sa succession, Michel Temer. « Il y a déjà « Temer dehors » et aussi « Non au coup d’Etat contre la démocratie ». Pour Everan, c’est une façon d’exprimer son indignation mais aussi une manière de résister.

Le destin de Dilma Rousseff entre les mains des sénateurs

Alors que les sympathisants de Dilma Rousseff se mobilisent contre sa destitution, les sénateurs eux s’apprêtent à lui porter le coup de grâce. Selon le social-démocrate Cassio Cunha Lima du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), le fait que la présidente suspendue assure personnellement sa défense n’aura pas d’impact sur le vote final. « Je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit, explique-t-il. Car elle n’a pas le pouvoir de changer les faits. Ce que nous appelons les "crimes de responsabilité", elle les a déjà commis. » Avec des conséquences graves pour le pays, d’après le sénateur : « Douze millions de chômeurs, des entreprises qui font faillite, l’inflation est en hausse et le pouvoir d’achat des salariés en baisse. »

Les sénateurs qui soutiennent la présidente suspendue persistent et signent : il s’agit bel et bien d’un coup d’Etat parlementaire. Pour Gleisi Hoffmann, sénatrice du Parti des travailleurs, ce procès est tout simplement une farce : « J’ai dit que le Sénat n’a pas l’autorité morale pour juger Dilma Rousseff. Une partie des sénateurs, y compris moi-même, fait l’objet de poursuites ou est visée par des enquêtes lancées par la Cour suprême. Donc si vous êtes vous-même mise en examen, comment pouvez-vous juger quelqu’un d’autre ? Cela ne se fait pas. »

Quelle stratégie de défense ?

L’un des moments forts sera sans doute la confrontation entre la présidente et Janaina Pascoal, l’avocate de l’accusation qui est aussi à l’origine de la procédure de destitution. Pour Janaina Pascoal, il est difficile de prévoir la stratégie de la défense de Dilma Rousseff.

« On ne sait pas si la présidente vient pour faire un discours ou pour se taire. Si elle répondra aux questions ou pas. Elle a le droit de comparaître sans dire le moindre mot. Et elle a le droit aussi de mentir. »

Mais, selon les proches de Dilma Rousseff, la présidente n’a pas envie de se présenter aux sénateurs et de rester silencieuse. Elle aurait déjà préparé un discours plein d'émotion, sans doute dans l’espoir de gagner les voix des sénateurs encore indécis. Le vote final pour ou contre la destitution est prévu au plus tard mercredi.


Retour sur la carrière de Dilma Rousseff

Devant le Sénat, Dilma Rousseff aura le droit de parler pendant 30 minutes. Alors que la majorité des sénateurs lui est hostile, elle peut compter sur un soutien de poids dans les tribunes de l'hémicycle : l’ancien président Lula qui assistera à la séance. Un geste de solidarité envers celle qui a été sa dauphine. Retour sur la carrière de la présidente suspendue.

Dilma Rousseff face à ses juges. Cette image qui rentrera dans l’histoire rappelle étrangement une photo en noir et blanc très connue au Brésil. Celle d’une jeune militante d’extrême gauche assise dans un tribunal militaire en 1970 après avoir été torturée en prison.

Dilma Rousseff, militante d'extrême gauche dans sa jeunesse, jugée dans un tribunal militaire en 1970
Dilma Rousseff, militante d'extrême gauche dans sa jeunesse, jugée dans un tribunal militaire en 1970 HO / Fondo UH Arch. Pub. Estado de SP / AFP

De cette période sombre, Dilma Rousseff garde une réputation de guerrière. Jeune économiste, elle s’engage rapidement dans la politique après le retour de la démocratie. Son sérieux et sa grande capacité de travail n’échappent pas au président Lula qui la nomme numéro deux du gouvernement, avant de l’imposer comme sa dauphine.

Grâce à la popularité de son mentor, elle devient en 2010 la première femme présidente au Brésil. Réélue de justesse en 2014, alors que les clignotants de l’économie passent du vert au rouge, elle doit affronter une contestation citoyenne sans précédent. Des millions de Brésiliens défilent dans les rues, aux cris de « Dilma dehors ». Le Congrès reprend le slogan et lance une procédure de destitution. Lâchée par ses alliés, l’ancienne guérillera ne cesse de clamer son innocence. Ce lundi devant les sénateurs, Dilma Rousseff poursuivra donc son dernier combat politique, en défendant sa dignité.

Dilma Rousseff, quand elle était ministre d'Etat et cheffe de cabinet du président Lula, son mentor politique, le 17 novembre 2005 à Brasilia.
Dilma Rousseff, quand elle était ministre d'Etat et cheffe de cabinet du président Lula, son mentor politique, le 17 novembre 2005 à Brasilia. EVARISTO SA / AFP

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