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Centrafrique: habituer les gorilles aux humains grâce au savoir traditionnel des pygmées Ba'Akas

Par le passé, les pygmées Ba'Akas pistaient les gorilles pour les manger. Aujourd'hui, s'ils les suivent, c'est pour permettre aux touristes et chercheurs de les observer en toute quiétude dans leur habitat naturel. Terence Fuh Neba est responsable d’habituation des primates, de recherche et de surveillance au sein des Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS). Il explique en quoi consistent son travail et surtout le rôle clé des Ba'Akas dans le pistage des gorilles.

Afin d'éviter toute contamination, une distance minimum doit être respectée avec les gorilles et des procédures très strictes sont appliquées. De nombreux éléphants sont observables dans la saline Dzanga-Baï, lieu très apprécié des touristes et qui fait la réputation des Aires protégées de Dzangha-Sangha (APDS).
Afin d'éviter toute contamination, une distance minimum doit être respectée avec les gorilles et des procédures très strictes sont appliquées. De nombreux éléphants sont observables dans la saline Dzanga-Baï, lieu très apprécié des touristes et qui fait la réputation des Aires protégées de Dzangha-Sangha (APDS). © Laurent Padou.
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Combien de gorilles vivent dans le secteur ?

En 2012 et en 2016, il y a eu des inventaires fauniques dans toute l’APDS. C’est assez difficile de connaître leur nombre exact, mais il reste stable. Aujourd’hui, on a trois groupes qui peuvent être observés par les touristes et les chercheurs.

Quelles actions sont mises en place pour habituer les gorilles à la présence humaine ?

Il y a des équipes qui les suivent de 6h du matin à 6h du soir. On évite toute interaction pour qu’ils continuent à manger, à se déplacer, à se reposer et que leurs petits jouent. Le but est qu’ils nous acceptent comme une partie de la forêt, qu'ils ne fassent pas de différence. Et les équipes collectent beaucoup de données concernant leur alimentation, les déplacements, leur comportement et leur état de santé.

Pouvez-vous nous présenter ces groupes ?

Le travail avec le groupe de Makoumba a commencé il y a 22 ans. Makoumba a deux femelles adultes et, avec leurs progénitures, ils sont huit individus. Beaucoup de jeunes matures ont déjà quitté le groupe pour fonder leur famille. Des jumeaux sont nés en 2016, ce qui est très rare. On n'avait jamais vu cela avant ! Les gorilles étant menacés d’extinction, cela nous rassure qu’ils puissent faire des jumeaux. Il y a un deuxième groupe de huit individus, Mata, le dos argenté. Il a quatre femelles. Ils vivent ensemble avec leurs progénitures. Et le troisième groupe est composé de Mayelé et ses femmes. Mais l'une d'elles est partie après la mort d'un petit, tombé d'un arbre.

Quels rapports les populations autochtones, notamment les Ba'Akas, entretiennent-elles avec les gorilles ?

Avant le projet, elles n’imaginaient même pas que les gorilles puissent s’habituer à la présence humaine. Elles les suivaient pour les manger ou pour des coutumes. Mais, aujourd’hui, ce n’est plus le cas, parce qu'elles comprennent leur importance et leur valeur. Aujourd'hui, sur les 60 personnes employées, 40 sont Ba’Akas, car le programme d'habituation des primates dépend entièrement de leurs connaissances. Ils maîtrisent très bien la forêt (lire ici) et assurent le suivi des gorilles en journée. Le pistage des animaux, pour eux, c’est quelque chose de traditionnel. Pendant des années, leurs parents ont vécu en forêt. Quand ils étaient jeunes, ils y passaient leur temps pour suivre les animaux, les tuer et les manger. Mais aujourd’hui, ces compétences leur donnent du travail et font vivre leurs familles. Ils continuent à pister les animaux, mais pour les protéger. Et ils le font avec joie !

Mais la présence humaine ne représente-t-elle pas une menace pour les gorilles ?

On partage le même milieu. Donc, toutes les maladies peuvent être transmises et vice versa

Alors, comment évitez-vous les contaminations ?

On suit des procédures très strictes. On garde une distance de sept mètres minima avec les gorilles. On porte des masques avant de les approcher, parce que nos maladies respiratoires peuvent être dangereuses. Aux campements, il faut désinfecter les chaussures et les mains. Et quand on est au milieu des gorilles, on évite de jeter les déchets à terre et de toucher les feuilles que les gorilles mangent. On fait des efforts pour ne rien emmener dans la forêt et au campement.

Propos recueillis par Bérenger Sylvère Romaric Kouzoundji 

Journaliste-Technicien à la radio Ndjoku, 

Bayanga, République centrafricaine

berenger_kouzoundji@yahoo.com

Le tourisme, des dons et des subventions permettent de financer les Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS)

Le continent africain regorge de magnifiques parcs, notamment en Afrique de l'Est et australe, réputés pour leur faune, leur flore et leurs communautés autochtones. Pourtant, c'est en République centrafricaine qu'Alfonso, touriste venu d'Espagne, a choisi de venir. « Le directeur du parc, également espagnol, nous avait dit qu'il y avait la plus belle forêt d'Afrique. Alors, nous sommes venus pour le constater ! ». Pendant son séjour, il s'est rendu à la saline Dzanga-Baï, qu'il a trouvée « impressionnante », et a observé les nombreux animaux qui font la réputation de la réserve. 

Crises politiques et pandémie

« Nous sommes aussi allés en forêt et avons passé une nuit avec les Ba'Akas pour découvrir leur culture et la réalité du pays. La nature est vraiment exceptionnelle ici. C'est un pays très beau ! », s'enthousiasme Alfonso qui a promis d'en faire la promotion, une fois de retour en Europe, afin que ce site soit notamment appuyé financièrement et continue à être préservé. « Soutenir financièrement les Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS), c'est contribuer à la protection de l'environnement pour donner la chance aux générations futures de voir, par exemple, des gorilles et des éléphants, explique Gervais Pamongui, le directeur adjoint des APDS. Cela permet aussi aux États de drainer d'autres financements pour leurs activités de développement ». En 2021, un budget d'environ 3 milliards de francs CFA avait été estimé pour mener à bien toutes les activités du site, dont une partie devait être financée par l'activité touristique. Mais, cet objectif n'a pu être atteint. En raison des crises politiques et de la pandémie, il n'est pas toujours simple pour les touristes de se rendre en RCA.

Jusqu'à 500 touristes par an 

Pourtant, en période d'accalmie, entre 200 à 500 touristes viennent chaque année, notamment pour voir les gorilles. « Ils déboursent 300 euros (200 000 francs CFA) pour une heure d’observation. Cet argent est très important, précise Terence Fuh Neba, responsable d’habituation des primates (lire ci-dessus), car toutes les recettes sont utilisées pour la gestion des APDS, le développement durable, le paiement du personnel soignant et enseignant, l'appui dans les écoles, etc. Le programme d'habituation des gorilles coûte environ 300 000 euros par an, ce qui est beaucoup. Pendant la pandémie, nous avons perdu ces recettes, mais les bailleurs de fonds nous ont appuyés pour éviter toute rupture. Ensuite, il y a les droits d’entrée pour aller en forêt, dont 40% vont à la population locale, 10% dans une taxe touristique de l’État et 50% à la gestion des APDS. L’objectif est que les recettes dépassent les charges et que les bénéfices soient versés aux populations locales. »

 

La radio Ndjoku (95.5 FM) : « Mieux informer pour mieux vivre ensemble »

La radio communautaire Ndjoku a vu le jour après la mobilisation de l'équipe de l'Association des Radios communautaires de Centrafrique (ARC) et RFI Planète Radio. Créée en 2011 à Bayanga grâce à des financements de l'Union européenne, de la World Wide Forest (WWF) et d'Électricité sans frontières, la radio a commencé à émettre en 2015. Installée dans une région où l'environnement et les droits de l'homme sont particulièrement menacés, la radio Ndjoku a pu jouer un rôle de porte-voix et de média favorisant la circulation, la collecte et l'échange d'informations. Elle permet une prise de conscience et une participation active de la population en matière de bonne pratique. Elle contribue ainsi à la cohabitation pacifique des communautés. Son rayon de couverture, qui s'étend normalement au-delà de 105 kilomètres, permet à la radio d'être entendue dans des villages situés au Cameroun et au Congo, ce qui représente un bassin d'environ 50 000 auditeurs. Mais après la chute du pylône en mars 2020, son rayon de couverture est descendu à 60 kilomètres et la radio ne compterait plus que 22 000 auditeurs.

En savoir plus 
Courriel : didier.yetendji@yahoo.fr
Tél : +23675398237; +23675123555

Dix personnes travaillent à la radio Ndjoku, à Bayanga, à temps plein ou bénévolement. Bérenger Sylvère Romaric Kouzoundji (à gauche) est journaliste et responsable technique.
Dix personnes travaillent à la radio Ndjoku, à Bayanga, à temps plein ou bénévolement. Bérenger Sylvère Romaric Kouzoundji (à gauche) est journaliste et responsable technique. © Radio Ndjoku

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