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Centrafrique: comment les pygmées Ba'Akas préservent et valorisent leur mode de vie traditionnel

Dans les Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS), dans l'extrême sud-ouest de la République centrafricaine, les Ba'Akas et les Sanghas Sanghas, deux populations autochtones, tentent de préserver leur mode de vie traditionnel tout en s'ouvrant au reste du monde. Rencontre.

Richard Mouandja (à gauche) est le secrétaire de l’Union des communautés Ba’Akas de Bayanga. Le site des Aires protégées de Dzanga-Sangha (à droite) a été créé en 1990 afin de préserver sa biodiversité exceptionnelle.
Richard Mouandja (à gauche) est le secrétaire de l’Union des communautés Ba’Akas de Bayanga. Le site des Aires protégées de Dzanga-Sangha (à droite) a été créé en 1990 afin de préserver sa biodiversité exceptionnelle. © Bérenger Sylvère Romaric Kouzoundji et Laurent Padou.
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La forêt des Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS), dans l'extrême sud-ouest de la République centrafricaine, est tout pour les pygmées Ba'Akas. 

Sans elle, c’est leur culture, leur identité qu’ils perdraient. « Toutes nos activités se font en forêt et beaucoup d'entre nous y sommes nés », explique Richard Mouandja, le secrétaire de l’Union des communautés Ba’Akas de Bayanga, ville située à 500 kilomètres de Bangui, la capitale. À commencer par la recherche de nourriture. « Nous mangeons beaucoup de miel, mais aussi des ignames, des légumes et de la viande comme les antilopes, les porcs-épics, les tortues. » 

D'une vie traditionnelle en forêt...

Pour capturer leurs proies, les Ba’Akas ont recours à la chasse et la pêche traditionnelle. « Avant les hameçons, nous utilisions un poison traditionnel, sans danger pour l'homme, qui va "saouler" le poisson et nous permettre de l’attraper, explique M. Mouandja. Nous utilisons aussi des plantes médicinales pour soigner le paludisme, la tuberculose, mais aussi les maux de ventre et de tête. »

Mais la forêt est bien plus qu’un simple moyen de subsistance. Elle leur permet surtout d’entretenir un lien étroit avec leurs ancêtres. « Quand nous y allons, nous préférons dormir à même la terre. Nous entrons ainsi en communication avec nos ancêtres. Par exemple, si nous n’avons pas trouvé de nourriture, le soir, je vais leur parler et ils me répondent à travers les rêves. »

... aux bancs de l'université

Mais la création du site des APDS en 1990 et les nombreux projets d’appui (lire ci-dessous), qui en ont découlé, ont cependant bouleversé le mode de vie traditionnel des Ba’Akas. « Avant, on ne savait pas lire et écrire. Mais si aujourd’hui, je parle en français, c’est grâce à l’école où je suis allé jusqu'en 4e. Je connais trois Ba’Akas qui étudient à l’université, dit-il fièrement, nous pouvons rencontrer et discuter avec des étrangers. » 

En effet, beaucoup de Ba'Akas sont aujourd'hui employés comme écogardes ou pisteurs de primates (lire ici). « Pour ça, nous utilisons notre connaissance de la forêt, notre savoir-faire, cela valorise notre culture, se réjouit M. Mouandja. Donc, l’éducation ba’Aka et celle de l’école améliorent nos conditions de vie. »

Valoriser leur culture

Et ce n'est pas que leurs connaissances de la forêt qui ont pu ainsi être valorisées. « Nous avons réussi à identifier les valeurs culturelles des Ba'Akas et des Sanghas Sanghas ; puis, nous les avons capitalisées comme produits touristiques », explique Gervais Pamongui, expert national et directeur adjoint des APDS.

Les danses, les navigations en pirogue, la récolte de vin de raphia ou de miel, la cuisine, la chasse traditionnelle, les tam-tams dans l’eau, les plantes médicinales... toutes ces activités communautaires sont aujourd'hui proposées aux touristes. « Et les prestations, toutes réglementées, sont directement payées aux communautés. C'est vraiment un modèle de réussite. »

Bérenger Sylvère Romaric Kouzoundji 

Journaliste-Technicien à la radio Ndjoku, 

Bayanga, République centrafricaine

berenger_kouzoundji@yahoo.com

Un changement de vie parfois mal vécu

Si cette ouverture vers le monde semble réussir à la communauté Ba'Aka, des résistances se font encore sentir. Des parents sont toujours réticents à l’idée d’envoyer leurs enfants à l’école. Quant à l'accès aux soins, bien qu'il soit gratuit, « ils y vont qu'en dernier ressort, regrette Gervais Pamongui, le directeur adjoint des APDS. Donc, nous avons mis en place des cliniques mobiles avec des médecins, des infirmiers qui sillonnent les villages. Prescrire des ordonnances et donner des médicaments, c'est une chose, mais s'assurer que les patients respectent la posologie en est une autre. Donc, des relais communautaires suivent les prises de médicaments ». Robert Sambo, membre de l'ethnie Sangha Sangha, estime que sa communauté vit avec plus de difficultés ce changement de vie. « Nous sommes nés près de la rivière. Nous vivions surtout de la pêche traditionnelle. C'était facile d'attraper du poisson, de trouver de quoi manger. Tout était à proximité : bois de chauffe, gibier, légumes. Nous nous soignions avec des écorces et nos voyages se faisaient principalement en pirogue. Nous n'avions pas besoin d'argent pour vivre ». Mais aujourd'hui, les Sanghas Sanghas auraient beaucoup perdu de leur mode de vie traditionnel. « Les jeunes générations ont tout oublié, regrette M. Sambo. Aujourd'hui, il faut aller à l'école pour trouver un emploi et à l'hôpital pour se soigner. Il faut copier le mode de vie des autres pour vivre correctement ; alors, certains préfèrent vivre simplement, loin des villes ».

Protéger la biodiversité du site

Situé dans la préfecture de la Sangha-Mbaéré, à l'extrême sud-ouest de la République centrafricaine, le site des Aires protégées de Dzanga-Sangha (APDS) a été créé en 1990 afin de préserver sa biodiversité exceptionnelle. Mais dès 1981, le gouvernement centrafricain a reconnu l'unicité du site et sa fragilité. Qu'il s'agisse d'éléphants et de buffles de forêt, de bongos ou de gorilles des plaines, plusieurs études avaient démontré que ces espèces étaient en danger. Le ministère des Eaux, Forêts, Chasse et Pêche et le WWF (World Wide Forest) ont alors signé un accord pour créer le site des APDS dans la zone de Bayanga avec, d'un côté, la Réserve spéciale de Dzanga-Sangha et, de l'autre, le Parc national de Dzanga-Ndoki. « La réserve est composée d'une zone de chasse communautaire et d'une zone consacrée à la culture pour les populations autochtones. Elle a aussi une zone d'exploitation forestière et un secteur de safari-chasse », précise Gervais Pamongui, directeur adjoint des APDS. Environ 12 000 habitants répartis dans onze villages y vivent, dont les Ba'Akas, peuple de chasseurs-cueilleurs, et les Sanghas Sanghas, communauté de pêcheurs (lire ci-dessus). Le site et les communautés autochtones ont bénéficié de divers appuis (Banque mondiale et Agence allemande pour la coopération internationale (GTZ)) afin de préserver le site et d'intégrer au mieux les populations autochtones dans sa gestion.

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