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Littérature / Prix Goncourt

Jérôme Ferrari reçoit le prix Goncourt 2012

C’était serré, mais mérité. Choisi au deuxième tour, avec 5 voix contre 4 pour Patrick Deville, Jérôme Ferrari a été couronné ce mercredi 7 novembre avec le prix Goncourt, la plus prestigieuse récompense littéraire en France. Le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud) nous parle d’un petit bar en Corse et de la maladie des empires. C'est la grande Histoire, magistralement racontée à partir d’un microcosme. Le prix Renaudot a été décerné à Notre Dame du Nil (Gallimard), de Scholastique Mukasonga, écrivaine rwandaise, rescapée du massacre des Tutsi.

Jérôme Ferrari, l’auteur du roman « Le Sermon sur la chute de Rome » lors de la remise du prix Goncourt 2012 au restaurant Drouant.
Jérôme Ferrari, l’auteur du roman « Le Sermon sur la chute de Rome » lors de la remise du prix Goncourt 2012 au restaurant Drouant. AFP / Eric Feferberg
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Ecouter la première impression de Jérôme Ferrari après l'annonce du prix Goncourt

Catherine Fruchon-Toussaint

La première réaction de Jérôme Ferrari après avoir été élu prix Goncourt 2012 ? Il a lancé « Obama a été reélu ! » aux journalistes, avant de revenir à son destin personnel : « Je n'ai pas encore mesuré ce que c'est ». Son livre ambitionne être une « belle parabole sur la désespérance contemporaine, dont la morale est optimiste: la fin d'un monde n'est pas la fin du monde ».

Le sermon sur la chute de Rome se déroule sur deux cents pages qui nous plongent dans la grande Histoire, l’apanage de l’humanité. À partir du destin de deux jeunes hommes qui tiennent un bar dans un petit village en Corse, Jérôme Ferrari crée un mythe contemporain. On assiste, impuissant, à une petite histoire de grands espoirs qui se révèle fatale, savamment imbriquée dans la fin de l’empire colonial français et l’histoire de la chute de l’empire romain comme il est raconté par Augustin dans ses sermons, quatre siècles après Jésus-Christ.

« Le monde ne souffrait pas de la présence de corps étrangers mais de son pourrissement interne, la maladie des vieux empires ». Voilà une des phrases qui nous hantent encore longtemps après la lecture de ce livre. Et pourtant, l’histoire est vite racontée : Mathieu et Libero, au lieu de suivre leurs prometteuses études sur Augustin et Leibniz, décident de rentrer au « pays » et de faire renaître un bar à l’abandon dans un endroit perdu de la Corse où les gens adorent se gaver de couilles de porc grillé au feu de bois. En servant du pastis aux clients, les deux apprentis-philosophes étaient résolument décidés de devenir « les maîtres d’un monde parfait », d' « un pays béni, ruisselant de lait et de miel », mais ils apprendront ce que cela veut dire: « des chances méprisables » et « des cœurs pleins de ténèbres ».

Une petite trahison

À travers  leur destin se reflèteront les attitudes de gloire et de honte face aux obstacles et résistances de la vie. On suit les chemins de leur famille à travers des tragédies, des guerres et des pays : la Corse, la France, l’Italie, l’Algérie, l’Indochine ou l’Afrique avec ses maladies tropicales. Et comme une flèche qui guette sa cible, le récit finira sa destination : il nous emmène à cette petite trahison qui déclenchera inévitablement leur chute.

Jérôme Ferrari est né à Paris en 1968. Actuellement professeur de philosophie au lycée français d’Abu Dhabi aux Emirats arabes unis, il a enseigné aussi en Algérie et en Corse. Et une partie de son roman est empruntée à sa biographie. Comme son personnage de roman, Matthieu, Ferrari a fait le chemin de Paris en Corse, destination de vacances prisée par sa famille. Et « ce roman, qui n’existerait pas sans lui », est dédié à son grand-oncle Antoine Vesperini.

« Ce que l’homme fait, l’homme le détruit ».

Jérôme Ferrari : "Le sermon sur la chute de Rome".
Jérôme Ferrari : "Le sermon sur la chute de Rome". Actes Sud

Avec sa langue somptueuse, l’auteur ne se contente pas de descriptions, de portraits ou de chroniques de la vie ordinaire, il accouche des atmosphères, des tonalités, qui poursuivent leur propre vie à l’intérieur du livre. Souvent, ce sont des flots de mots avec des phrases d’une page et demie qui nous entraînent dans ce tourbillon de narration, seulement interrompu par des citations d’Augustin qui servent comme titres des chapitres. Des citations qui sonnent comme des exécutions de la nature humaine : « Ce que l’homme fait, l’homme le détruit ».

Dans Le sermon sur la chute de Rome émergent des identités qui se chevauchent, se transforment, se recroquevillent, se trahissent : « Matthieu se comportait comme s’il lui fallait s’amputer de son passé, il parlait avec un accent forcé qui n’avait jamais été le sien. » L’auteur nous inflige les petites et grandes lâchetés de la nature humaine qui reste chez lui un univers sans issue : « Nous ne savons pas, en vérité, ce que sont les mondes. Mais nous pouvons guetter les signes de leur fin ». À la fin, Ferrari nous laisse dans un embarras total quand il déclare avec Augustin : « Et si tu aimes le monde, tu périras avec lui ». 

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Jérôme Ferrari : Le sermon sur la chute de Rome, Actes Sud, 202 pages.

 

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