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Zimbabwe

Zimbabwe: les dernières élections seront-elles celles du changement?

Le Zimbabwe attend les résultats de ses élections. Des élections historiques, les premières sans l’ancien président Robert Mugabe, forcé de démissionner en novembre dernier suite à un coup d’Etat. Un scrutin qui a cristallisé beaucoup d’attentes dans le pays.

Des habitants d'un township de Harare regardent les résultats des élections générales dans leur quartier, au Zimbabwe, le 31 juillet 2018.
Des habitants d'un township de Harare regardent les résultats des élections générales dans leur quartier, au Zimbabwe, le 31 juillet 2018. REUTERS/Philimon Bulawayo
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De notre envoyée spéciale à Harare,

Les enjeux de ces élections générales sont importants. La Zanu-PF, au pouvoir depuis l’indépendance, arrivera-t-elle à se maintenir au pouvoir ? Ou le pays, tenu d’une main de fer pendant des décennies, passera-t-il à l’opposition ? Plus de 5 millions d’électeurs ont voté ce lundi 30 juillet. Le taux de participation est élevé, environ 75%, selon la Commission électorale zimbabwéenne et surtout, le vote a eu lieu dans le calme, sans violence, contrairement aux scrutins précédents, entachés de violence.

La Commission électorale a désormais jusqu’à vendredi pour publier les résultats définitifs, mais dès le lendemain du vote, les deux principaux candidats, le président Emmerson Mnangagwa, du parti au pouvoir, et le leader de l’opposition Nelson Chamisa ont revendiqué leur victoire.

Beaucoup d’attentes

Durant la campagne, tous les deux revendiquaient comme le candidat du changement dans un Zimbabwe fatigué par 37 ans de régime Mugabe, un pays a genou économiquement. Samedi devant lors d’un dernier rassemblement dans le grand stade foot d’Harare, le chef de l’Etat a promis s’il était élu de lutter contre la corruption et de relancer l’économie.

Meeting d'Emmerson Mnangagwa, à Harare, au Zimbabwe, lors de la campagne présidentielle en juillet 2018.
Meeting d'Emmerson Mnangagwa, à Harare, au Zimbabwe, lors de la campagne présidentielle en juillet 2018. RFI/Alexandra Brangeon

Dans la foule, de nombreux sympathisants venus de province s’enthousiasment : « C’est le meilleur candidat, acquiesce un jeune homme sans travail. Pendant que les autres se battent pour le pouvoir, lui travaille. Il fait venir des entreprises pour que les jeunes puissent travailler. Je vais enfin pouvoir avoir un travail alors que cela fait quatre ans que j’ai fini mes études ». Pour cette femme venue dans un bus affrété par la Zanu-PF, « Mnangagwa est mieux que Mugabe. Depuis qu’il est au pouvoir, cela va mieux dans les zones rurales », dit-elle avant d’avouer que le parti au pouvoir a récemment distribué de la nourriture et des couvertures dans son village.

A quelques kilomètres de là se tient le rassemblement de l’opposition. Devant près de 20 000 personnes, son leader, Nelson Chamisa, qui vient tout juste de fêter ses 40 ans, lance « j’incarne l’avenir », « j’ai les mains propres » a une foule jeune avide de changement. « Je vais voter pour Chamisa », indique Sheperd, un jeune au chômage. « On nous promet des nouveaux emplois. Mais jusqu’à présent, il n’y a rien. Nous avons des gens diplômés qui vendent dans la rue. Ça ne va pas. Nous voulons quelque chose de nouveau ».

De nombreuses incertitudes

Le jour J, dès six heures du matin, on pouvait voir de longue file d’attende devant les bureaux de vote de la capitale Harare. Signe de l’enthousiasme de la population. Un vote dans le calme, et sans violence aux grands soulagements de nombreux électeurs qui avaient encore en souvenir les dramatiques évènements de 2008 et 2013.

A Harare South, une circonscription au sud de la capitale, bastion de la Zanu-PF, on se rappelle évidemment des violences des dernières élections, où des sympathisants de l’opposition avaient été sérieusement battus par des jeunes du parti au pouvoir. Mais cette fois, l’ambiance semble s’être un peu détendue, comme l’explique discrètement un électeur : « En 2008, l’opposition ne pouvait pas faire campagne ici, mais cette fois-ci, ils ont pu faire un rassemblement, et coller leurs posters, même si depuis, ceci ont été déchirés. C’est tout de même un gros changement ».

Dans les bureaux de vote, difficile cependant de trouver un observateur d’un parti autre que la Zanu-PF. Voter pour l’opposition reste encore tabou. Personne ne veut en parler ouvertement. Mais le changement est là.

Un bureau de vote à Harare, Zimbabwe, pendant la présidentielle, le 30 juillet 2018.
Un bureau de vote à Harare, Zimbabwe, pendant la présidentielle, le 30 juillet 2018. RFI/Alexandra Brangeon

Richard vote pour la première fois et, contrairement à sa famille, il ne votera pour le parti au pouvoir même s’il a financé ses études : « Je ne déteste pas la Zanu-PF, au contraire. Mais pour changer, je ne vais pas voter pour eux. Je veux voir des changements dans ce pays, et je ne veux pas être le seul à en profiter. C’est une question de génération. Dans ma famille, tout le monde est membre de ce parti, certains ont participé à la guerre de libération. Mais pas moi et j’en ai assez qu’on utilise cette guerre comme une excuse ».

Tout le monde ici se félicite du calme dans lequel se sont déroulés la campagne et le scrutin. Signe d’une ouverture démocratique depuis l’arrivé au pouvoir d’Emmerson Mnangagwa estiment ses sympathisants.

Dans le centre-ville d’Harare, cette fois bastion de l’opposition, on est confiant en la victoire du MDC de Nelson Chamisa. « Tout le monde veut du changement », témoignent trois jeunes gens appartenant à la classe moyenne, éduqués, et qui travaillent. Mnangagwa ne représente pas cette coupure avec le passé. « Il a été le bras droit de l’ex-président Mugabe pendant des décennies ».

« J’ai moins de 40 ans et je voyage beaucoup, dit l’un d’eux, Dereck, un auto entrepreneur de 31 ans. Je peux comparer, je vois comment les gens vivent ailleurs, leur niveau de vie. Et je voudrais qu’on puisse avoir la même chose. Et pour cela, il faudrait qu’il y ait du changement, un vrai changement ».

Lundi soir, les bureaux ont fermé à l’heure dans la capitale Harare. Le dépouillement est depuis toujours en cours.

Un scrutin salué

« Cette élection semble être un succès », se félicite l’ancien président du Ghana, John Mahama, qui dirige la mission d’observation du Commonwealth. Plusieurs centaines d’observateurs internationaux, de l’Union européenne, de l’Union africaine, des organisations régionales comme la SADC, d’ONG, ont été invités à observer le scrutin après avoir été interdits dans le pays pendant 16 ans sous l’ère Mugabe. Les élections ont-elles été libres et transparentes ? « Oui », affirme sans détour la présidente de la Commission électorale Priscilla Chigumba, dont l'institution a été très critiquée par l'opposition pendant tout le processus.

De toute façon, cette élection se joue loin de la capitale, loin des regards de la communauté internationale. Le nom du futur président se joue dans les zones rurales, qui représentent 60% des électeurs, et qui votent traditionnellement pour le parti au pouvoir.

Celui qui contrôle les campagnes contrôle l’élection, indique l’analyste politique Derek Matyszak, de l’Institut pour les études de sécurité à Pretoria en Afrique du Sud. De toute façon, « la Zanu-PF a une longueur d’avance. Elle contrôle les ressources de l’Etat pour financer les campagnes, contrôle les médias, l’aide alimentaire distribuée dans les villages, les fonctionnaires de la Commission électorale ». C’est elle qui dicte les règles du jeu.

Et pour Pedzisai Ruhanya, analyste politique à l’université de Johannesburg : « Vous pensez réellement que l’armée va accepter que son candidat, Emmerson Mnangagwa, soit battu dans les urnes, dix mois après l’avoir mis au pouvoir par un coup d’Etat ».

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