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Aravind Srinivas, fondateur de Perplexity: «ChatGPT n’est pas la fin du jeu, c’est le commencement»

La start-up américaine Perplexity, qui propose un moteur de recherche boosté par l’intelligence artificielle, vient de réussir une nouvelle levée de fonds qui la fait entrer dans le club des sociétés valorisées à plus d'un milliard de dollars. Comment expliquer cette réussite fulgurante ? RFI a rencontré son fondateur. Il détaille son parcours et partage ses prévisions pour un secteur en plein essor.

Aravind Srinivas, cofondateur de Perplexity, était de passage en France lors de la conférence Raise Summit, le 8 avril 2024.
Aravind Srinivas, cofondateur de Perplexity, était de passage en France lors de la conférence Raise Summit, le 8 avril 2024. © Thomas Bourdeau/RFI
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Mais que s’est-il passé pour qu'Aravind Srinivas, Indien de 29 ans, ose avec Perplexity créer un concurrent du moteur de recherche Google ? Sa réponse coule de source techniquement, voire s'avère terriblement logique : « Je rêvais de démarrer une entreprise comme Google dont le moteur de recherche a des qualités profondes mais n’est pas un produit en soi. » L'expérience utilisateur était bien trop limitée.

À l’époque, il était certain que les LLM (en français, modèles massifs de langage) allaient révolutionner beaucoup de domaines, alors pourquoi pas les moteurs de recherche ? « La recherche sur le web est nécessaire tous les jours, alors on s’est focalisé sur des critères étroits, des bases de données spécifiques, on a utilisé les datas du web, Twitter [X], Facebook, mais aussi LinkedIn. Mais c’est l’arrivée de ChatGPT 3,5 qui a tout changé pour nous, on en a été amené à modifier notre modèle de base. Rien n’a été changé fondamentalement, mais ça marchait tellement mieux pour les utilisateurs. »

À l'école des géants de la tech

Aravind Srinivas est un chercheur avec un esprit d’entrepreneur, il le démontrera, après cette rencontre, lors de son passage sur la scène du Raise Summit. Il est sérieux, excessivement, avec une rigueur sans doute liée à son acharnement durant ses études : « Je suis né en Inde, j’ai vécu à Madras, dans le sud du pays, d’ailleurs pas loin de la maison du CEO actuel de Google Sundar Pichai. »

Pour accéder à l'éducation supérieure publique en Inde, le JEE (Joint Entrance Examination) est une épreuve cruciale, en particulier dans les domaines de la science, de la technologie, de l'ingénierie et des mathématiques. « Il y a des millions de postulants au JEE et à peine 500 qui y parviennent à Madras. »

Aravind Srinivas a expliqué dans une interview à Business Today combien les écoles indiennes sont exigeantes et à quel point il a souffert lors de son échec à cet examen sur QCM pour seulement 0,01 point. Cela lui a néanmoins permis de modifier ses choix universitaires, de se passionner pour l’IA et de se retrouver dans les premiers dans le domaine. « J’ai fait mon PHD à Berkeley, puis je suis parti travailler à OpenAI, Deepmind et Google. J’ai pu découvrir les meilleurs laboratoires en IA. D’ailleurs, quand Perplexity était à NY, on a rencontré Yann LeCun [précurseur français en IA, NDLR] qui est quelqu’un d’exceptionnel dans le domaine. »

« Chat GPT, ce n’est pas la fin du jeu, c’est juste le commencement »

Rigoureusement, dans un anglais à fort accent indien, l’entrepreneur parle : « La technologie dans le domaine de l’IA est en croissance constante, il faut être prêt pour la nouvelle vague, car si on ignore les courants, si on ne se positionne pas pour les nouvelles tendances, on n’est pas une bonne entreprise. La compétition, c’est toujours difficile, mais avec Perplexity, on ne pense pas aux compétiteurs, essentiellement aux utilisateurs. » C’est son mantra en entrepreneuriat : les utilisateurs. Ainsi, selon lui, « même si Chat GPT s’améliore, et capte l’attention du monde – certains disent que Chat GPT c’est l’Apple de l’IA –, ce n’est pas la fin du jeu, c’est juste le commencement. »

Privilégier les meilleures sources

Le succès de Perplexity repose sur un détail, mais de taille : « Chat GPT, c’est l’accès à la connaissance en temps réel, mais l’IA peut engendrer des hallucinations. Alors, de notre côté, on a décidé de vérifier les réponses et de sourcer nos informations. Cette idée des sources apparentes vient de mon parcours universitaire, en PHD [doctorat] les citations sont très importantes, quand vous écrivez vous devez citer les bonnes sources. Les gens ont adoré, ce qui n’était pas forcément notre premier choix. Mais beaucoup disaient "à quoi bon aller chez Google alors qu’avec Perplexity, on a l’origine des sources de la recherche et un meilleur critère de vérité". » 

Mais encore faut-il savoir privilégier les meilleures sources, pour des personnes qui ne baignent pas dans le journalisme, ni dans la recherche. « Il y a un page rank, sur le web [un classement d'autorité en fonction des liens et des citations qui renvoient vers la source, NDLR], certains ont plus de crédibilité que d’autres. On utilise ces résultats. On a alors senti qu’on tenait une idée importante. On s’est dit : "peut-être que le paradigme est cool". Alors, on a continué l’expérimentation. »

Plus de 10 millions d'utilisateurs mensuels sollicitent ce moteur de recherche qui repose sur le traitement du langage naturel. Perplexity interprète le contexte des requêtes des utilisateurs pour fournir un résultat de recherche personnalisé en utilisant un texte prédictif (comme une conversation). Les sources les plus récentes sont privilégiées pour éviter les informations obsolètes et les utilisateurs peuvent poser des questions de suivi qui sont interprétées dans le même contexte.

Un nouveau statut de licorne

Mais comment peut-on faire tourner un tel modèle, et combien cela coûte-t-il ? « Au début, il fallait dépenser beaucoup d’argent pour faire tourner les LLM et y avoir accès, maintenant non. Et ces modèles deviennent meilleurs, les puces sont plus rapides, meilleures et moins chères. On n’est pas attaché au hardware, les compagnies louent les datacenters, d’ailleurs personne en IA n'en possède. C’est un pari qu’on a fait en 2022 lors de la création de Perplexity : les prix vont baisser, donc ça a été facile de lever de l’argent pour un service où les prix baissent et les possibilités augmentent. »

Aravind Srinivas, fondateur de Perplexity, lors de son passage au Raise Summit à Paris le 8 avril.
Aravind Srinivas, fondateur de Perplexity, lors de son passage au Raise Summit à Paris le 8 avril. © Thomas Bourdeau/RFI

Mardi 23 avril, Perplexity a officialisé sa deuxième levée de fonds de l’année, d’un montant de 63 millions de dollars. Jeff Bezos (Amazon) et l'entreprise Nvidia font partie des investisseurs. Yann LeCun fut un des premiers à croire dans ce projet. Avec déjà 74 millions de fonds levés, la valorisation a doublé pour atteindre la barre symbolique du milliard. La start-up de 52 personnes basée en majorité à San Francisco et New York est donc devenue une « licorne ». « On va venir en Europe, c’est mon premier séjour à Paris. J’ai pas mal de rendez-vous et je vais en Allemagne après. » Depuis notre rencontre et la lancée de Perplexity pro, des partenariats avec Deutsche Telekom et Softbank Japon ont été signés.

« Le raisonnement va changer, de même les humains vont évoluer »

Des emplois supplémentaires dans le secteur, mais combien, ailleurs, vont-être supprimés à cause de l'IA ? « Cela rend la vie plus facile. Regardez ce que vous faites en ce moment, vous m'enregistrez mais si vous donnez cet audio à une IA, elle va le retranscrire et vous pouvez lui demander d'écrire à votre place. Néanmoins, ça ne veut pas dire qu’elle va vous remplacer, tente-t-il de rassurer. Au contraire, elle vous rend la vie plus facile, la première version sera un brouillon et après, vous éditez, éditez, éditez… »

« Bon, ça, c’est le regard utopique, concède-t-il en conclusion, il y aura forcément des conséquences, surtout chez ceux qui font des tâches que l’IA peut entièrement prendre en charge. Mais les humains sont très forts en adaptation : avant les ordinateurs, ceux qui étaient considérés intelligents étaient les forts en calcul mental ; avec les machines, ce talent n’est plus utile. Le raisonnement va changer, un chat ne réfléchit pas pour franchir les obstacles, de même les humains vont évoluer avec l’IA. »

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