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France: Missak et Mélinée Manouchian, deux résistants étrangers, font leur entrée au Panthéon

Le poète apatride Missak Manouchian et son épouse Mélinée ainsi que 23 de ses compagnons d'armes entrent, ce mercredi 21 février, au Panthéon à Paris. Quatre-vingts ans après leur mort, cet événement est une reconnaissance ultime de la France pour ces symboles de la résistance étrangère en France.

Lors de l'hommage rendu au Mont Valérien, le 20 février 2024.
Lors de l'hommage rendu au Mont Valérien, le 20 février 2024. AFP - STEPHANE DE SAKUTIN
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« Un Français de préférence », c'est ainsi que l'Élysée décrit Missak Manouchian qui entre ce mercredi avec son épouse au Panthéon, sanctuaire républicain dont la devise, « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », orne le fronton. Un message qui n'est pas neutre dans une France divisée par le débat sur l'immigration.

Né en Turquie dans une famille arménienne, Missak Manouchian est mort apatride après avoir demandé deux fois la nationalité française, sans succès. Et pourtant, c'est pour défendre la France qu'il a sacrifié sa vie en entrant dans la résistance au nom des valeurs de son pays de cœur.

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Une fresque représentant Missak Manouchian dans le 20e arrondissement de Paris.
Une fresque représentant Missak Manouchian dans le 20e arrondissement de Paris. AFP - MIGUEL MEDINA

Présence de l'extrême droite

Avec Missak Manouchian et son épouse Mélinée, ce sont aussi les 23 combattants de son groupe de résistants, fusillés avec lui au Mont-Valérien, qui entrent au Panthéon de manière symbolique. Ils étaient de diverses nationalités et religions. Les honorer, c'est pour le président de la République rappeler « qu'être Français, ça ne tient pas à l'origine, mais à la volonté ».

Un message à peine caché à l’extrême droite car la présence de Marine Le Pen, invitée comme cheffe du groupe du Rassemblement national à l'Assemblée comme lors des précédents hommages nationaux, fait polémique. C’est même « inacceptable » et « insupportable », déplorent le comité de soutien à la panthéonisation de Missak Manouchian et les familles, qui accusent le Front national, dont le RN est l'héritier, d'avoir été fondé par des « nazis et des collaborationnistes ».

Emmanuel Macron a également pris position, estimant que « les forces d'extrême-droite seraient inspirées de ne pas être présentes compte-tenu de la nature du combat de Manouchian », c’est-à-dire la « résistance communiste et étrangère » à laquelle la France rend aujourd'hui hommage.

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« Un travail de trois ans qui aboutit »

Malgré ce débat, cette panthéonisation est « un sentiment de joie, puisque c'est un travail de trois ans qui aboutit », témoigne Jean-Pierre Sakoun, le président d'Unité laïque. Il y a quelques années, une précédente tentative de faire entrer Manouchian et ses compagnons résistants étrangers au Panthéon n'avait pas été concluante. « En 2014, l'initiative de l'époque avait proposé l'entrée au Panthéon des 23 exécutés du 21 février au Mont-Valérien. J'ai toujours pensé que c'était une des raisons de l'échec de cette initiative parce que le Panthéon n'est pas un cimetière, c'est un lieu symbolique. Il fallait reconnaitre l'arménité de Missak Manouchian mais ne pas en faire un élément essentiel de son entrée au Panthéon. Missak Manouchian ne rentre pas au Panthéon parce qu'il est arménien mais pour ce qu'il a fait pour la France », ajoute-t-il.

« Il fallait que ces résistants, étrangers, communistes, ouvriers, fusillés du Mont-Valérien – quatre catégories qui jusqu'à présent n'étaient pas présentes au Panthéon – viennent rejoindre leurs compagnons d'armes et leurs compagnons de douleur pour que l'hommage de la nation à ceux à qui nous devons notre liberté soit complet », conclut-il.

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Quelque 2 000 personnes ont été invitées à la cérémonie, dont les responsables du Parti communiste, le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et de nombreux représentants de la communauté arménienne ainsi que 600 élèves. Prévue pour durer plus de deux heures, la cérémonie comprendra de nombreux flash-back en images et chansons sur la vie de Missak Manouchian et « une scénographie innovante » représentant les membres du groupe Manouchian. « Ce sera une manière de les réunir avant d’entrer dans l’édifice », a expliqué l’Élysée. La dernière lettre de Missak à Mélinée sera lue et la chanson l’Affiche rouge, de Louis Aragon et Léo Ferré, écrite en 1961 en hommage aux martyrs de la Résistance, sera également interprétée, avant le discours du président de la République.

 

 

Avant l'entrée au Panthéon de Missak et Mélinée Manouchian ainsi que les 23 compagnons d'armes du poète apatride, une cérémonie d'hommage a eu lieu mardi au Mont-Valérien, près de Paris, où une veillée a été organisée en présence du cercueil de Missak Manouchian.

Par Baptiste Coulon

Un drapeau tricolore enveloppe le cercueil de Missak Manouchian qui entre dans la clairière du Mont-Valérien. Cette même clairière, où lui et ses compagnons d'armes furent exécutés, il y a 80 ans. Lucas, en CM2, ne rate rien de l'hommage à ce résistant découvert tout récemment : « J'ai regardé une vidéo sur lui. Je sais qu'il a été fusillé ici, au Mont-Valérien, par les Allemands, à cause de ce qu'il a fait pour la France ».

À ses côtés, Delphine, sa maman honore l'homme : « C'est quelqu'un qui a lutté pour qu'on soit libres ». Pour cette professeure d'espagnol au collège, être là en famille est important. « Les jeunes et les moins jeunes, c'est important qu'on soit tous là aujourd'hui. Ce sont les futurs adultes qu'on forme là et qu'on éduque. Donc, ça me paraît très important qu'il y ait ce devoir de mémoire pour commémorer cet engagement qu'il a eu pour la France », estime-t-elle.

Au Mont-Valérien résonnent ces derniers mots du résistant à sa femme : « Ma chère Mélinée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde. On va être fusillés cet après-midi à 15 heures ». Des mots rédigés dans une lettre d'adieu adressé à sa femme. « J'ai trouvé ça magnifique », réagi Éliane, militante communiste. Elle écoute attentivement et voit dans l'entrée de Manouchian au Panthéon une résonance avec l'actualité : « Dans une période où l’on est en train de vouloir virer les gens de France de toute façon, c'est un message très fort pour montrer ce qu'ont pu apporter ces résistants étrangers, et c'est tout à fait salutaire ». Et même si cette reconnaissance intervient 80 ans après, dit-elle, il vaut mieux tard que jamais.

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