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Histoire

Missak et Mélinée Manouchian, symboles de la résistance étrangère en France

Le 21 février 2023, les cendres de Missak et Mélinée Manouchian entrent au Panthéon. Celui qui fut le responsable opérationnel des résistants étrangers communistes en France a été fusillé le 21 février 1944 au Mont Valérien près de Paris, avec 21 autres partisans. Sa femme, devenue française en 1946, lui a survécu jusqu’en 1989.

Photographie de police de Missak Manouchian, deux jours après son arrestation à Paris, le 18 novembre 1943.
Photographie de police de Missak Manouchian, deux jours après son arrestation à Paris, le 18 novembre 1943. © Olivier Favier RFI
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Missak Manouchian naît en 1909 dans ce qui est alors l’Empire ottoman - il se vieillira de trois ans pour travailler à son arrivée en France. Comme sa future épouse Mélinée qu’il rencontre en 1934, au lendemain de l’émeute d’extrême droite du 6 février, laquelle les amènent l’un et l’autre à adhérer au parti communiste français, c’est un orphelin rescapé du génocide arménien perpétré pour l'essentiel en 1915 et 1916.

Tous deux ont un passeport Nansen, un certificat d'identité et de voyages pour les apatrides, depuis le milieu des années 1920. Tous deux ont adhéré aussi au Comité de secours pour l’Arménie, qui avec 7000 membres constitue la première section de langue de la MOI, la Main d’œuvre immigrée, qui organise les militants communistes étrangers en France. Ils se marient en 1937. Missak Manouchian est un ouvrier, mais aussi un intellectuel, poète, traducteur, rédacteur en chef d’un journal militant.

La guerre déclarée entre la France et l’Allemagne nazie le 2 septembre 1939 place les militants communistes dans une situation inconfortable, plus encore les étrangers. Hitler et Staline ont en effet signé un pacte de non-agression, connu sous le nom de pacte germano-soviétique, qui fait de l’URSS un ennemi potentiel de la France.

De réfugiés apatrides à « étrangers indésirables »

Arrêté par les autorités françaises, Missak choisit de s’engager dans l’armée contre les directives du parti. Comme beaucoup de réfugiés, Missak et Mélinée peuvent entrer dans la catégorie des « étrangers indésirables », selon un décret-loi de novembre 1938, et rejoindre ainsi les camps d’internement qui depuis novembre 1939 incarcèrent aussi des militants communistes. Comme beaucoup de militants étrangers antinazis, leur entrée dans la clandestinité a précédé l’Occupation, sinon la guerre.

En juin 1941, Missak Manouchian est de nouveau arrêté, de nouveau comme communiste, cette fois parce que l’Allemagne nazie a déclenché l’Opération Barbarossa contre l’URSS. Les Soviétiques deviennent des ennemis de l'Allemagne occupante et de ses collaborateurs français. Libéré, il rejoint la Main d’œuvre immigrée clandestine et devient le responsable politique de la section arménienne. Jusqu’en février 1943, le couple s'active dans ce qu’on nomme « le travail allemand ».

Il s’agit de favoriser l’aide voire la désertion de militaires antinazis enrôlés dans la Wehrmacht, jusqu’à leur entrée dans la Résistance. En avril 1942, les partisans étrangers communistes ont fondé les Francs-tireurs partisans, main d’œuvre immigrée (FTP-MOI). Beaucoup sont juifs, condamnés de fait à vivre cachés, quand ils le peuvent sous une fausse identité. Dès la fin 1942, les FTP-MOI mènent une action tous les deux jours.

De militants communistes à partisans

Versé contre son gré dans la lutte armée, Missak Manouchian mène sa première attaque en mars 1943. Malgré son indiscipline, il se retrouve à la tête des FTP-MOI durant l’été à la place de Boris Holban, démis de ses fonctions pour avoir contesté les directives du parti. C’est sous son commandement que Julius Ritter, un colonel SS en charge du STO (service du travail obligatoire) en France est abattu en pleine rue en septembre.

Si les résultats militaires des FTP-MOI restent modestes, leur impact symbolique est exceptionnel. La police française, experte en filature, est chargée de démanteler le réseau. Après deux premières vagues d’arrestations au printemps et à l’été 1943, elle choisit de se faire discrète, tissant discrètement sa toile jusqu’aux têtes du réseau. Le 16 novembre, elle parvient à démanteler l’ensemble du groupe parisien. Missak et 67 autres membres des FTP-MOI sont arrêtés.

La veille, Mélinée avait été interpellée dans le métro avec un sac rempli d’armes. Au policier qui lui demandait ce qu’elle faisait, elle avait répondu : « Je transporte des pistolets. » L'agent l’avait laissée filer en la réprimandant pour cette mauvaise plaisanterie. Le soir de l’arrestation de Missak, elle trouve refuge chez les parents de celui qui deviendra après la guerre le chanteur Charles Aznavour.

De membres de « l’armée du crime » à symboles de la résistance française 

Torturé, Missak est condamné à mort après une parodie de procès. À ses accusateurs collaborationnistes, il lance : « Vous avez hérité la nationalité française. Nous l’avons méritée. » Après sa mort, son image et son nom font partie des dix profils sélectionnés par les Nazis pour réaliser l’affiche rouge placardée dans Paris pour dénoncer « l’armée du crime ». Pour chacun, on insiste sur l’origine étrangère. Sept d’entre eux sont juifs, prend-on évidemment soin de préciser.

Avant de mourir, Missak écrit une dernière lettre à Mélinée : « Bonheur à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la Liberté et de la Paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. »

De cette lettre, Aragon fera un poème en 1955 qui sera mis en chanson par Léo Ferré. Mélinée rejoindra un temps la République soviétique d’Arménie avant d’être rapatriée en France, horrifiée par la réalité du stalinisme et de ses suites. Durant les procès de Prague en 1952, Artur London, un autre ancien des FTP-MOI, alors ministre en Tchécoslovaquie, est condamné à la prison à vie, expérience qu’il relatera dans le livre L’Aveu, publié en France en 1968. Mélinée sera faite chevalier de la Légion d’honneur en 1986, trois ans avant sa mort à Fleury-Mérogis, en banlieue parisienne.

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