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La Chine ouvre une nouvelle ère dans ses relations avec l'Asie centrale

Pour la première fois, le régime communiste accueille les cinq capitales d’Asie centrale – longtemps considérées comme sous influence russe – à Xi'an, dans le centre de la Chine. Le président chinois a parlé de l’entrée dans une « nouvelle ère », jeudi 18 mai au soir, lors de l’accueil des délégations.

Le président chinois au sommet Chine-Asie centrale de Xi'an, le 19 mai 2023.
Le président chinois au sommet Chine-Asie centrale de Xi'an, le 19 mai 2023. REUTERS - FLORENCE LO
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Avec notre envoyé spécial à Xi'an, Stéphane Lagarde

C'est une sorte de G6 : six drapeaux sur l’estrade, six dirigeants qui, depuis jeudi, se sont vus en bilatéral avant de se retrouver ensemble dans le centre des expositions de Xi’an.

Costume gris, masques blancs des délégations devant, appareils photos et caméras derrière, après une très longue attente, ils brandissent ensemble une pochette rouge contenant un mémorandum de ce « C + C5 », comme disent les diplomates chinois (la Chine + les cinq pays d’Asie centrale). Un format appelé à durer, puisque dans ses dix minutes de prise de parole, le président chinois a donné rendez-vous dans deux ans au Kazakhstan. Le signe, au-delà des panneaux en cyrilliques partout en ville, que cette ouverture à l’ouest est très importante pour Pékin.

« Exploiter pleinement les possibilités de coopération »

S'adressant aux chefs d'État de cinq républiques ex-soviétiques, le président chinois les a exhortés à « exploiter pleinement les possibilités de coopération traditionnelle en matière d'économie, de commerce, de capacité industrielle, d'énergie et de transport », selon un extrait du discours fourni par l'agence de presse Chine Nouvelle. Il a également souligné la nécessité de développer « de nouveaux moteurs de croissance [...] tels que la finance, l'agriculture, la réduction de la pauvreté, la baisse des émissions de carbone, la santé et l'innovation numérique ».

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L’appétit eurasiatique de la Chine a été marquée dès 2013 par le premier voyage de Xi Jinping au Kazakhstan pour lancer les « nouvelles routes de la soie ». En 2022, pour sa première sortie post-Covid, le numéro un chinois avaient également choisi l’Asie centrale.

On ne sait pas quels accords ont été conclus. La propagande veut faire oublier que les hydrocarbures comptent pour 60% à 80% des échanges de la Chine avec les pays de la région. Ici, on parle panneaux solaires, véhicules électriques, les géants chinois du secteur ont des usines près de Xi’an. La guerre en Ukraine a renforcé le commerce régional : 64 milliards d’euros d’échanges l’an passé entre la Chine et le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan, soit +22% depuis le début de cette année.

Sommet inédit

Et l'ancienne capitale impériale Xi'an n'a pas été choisie au hasard. C'est de là que partaient les caravanes des routes de la soie autrefois et que partent aujourd'hui les « rails de la soie », avec le train « Chang’an », l’ancien nom de la capitale impériale où se tient ce sommet. Un train qui transporte notamment des véhicules électriques vers ces pays, et surtout en Europe.

Xi Jinping a également souligné la nécessité d'élargir la coopération en matière de sécurité pour lutter contre ce que Pékin appelle les « trois maux » de la région : le séparatisme, le terrorisme et l'extrémisme. « Les six pays doivent s'opposer résolument aux ingérences extérieures dans les affaires intérieures des pays de la région et aux tentatives d'instigation de "révolutions de couleur" », a-t-il ajouté.

Ce sommet inédit était encore impensable il y a dix ans. La Chine entend montrer que le futur s’écrit ici, que le passé, c’est la Russie, même si Moscou conserve une forte influence auprès des élites des pays invités. Et puis Xi’an, c’est aussi, dans ses murs, l’histoire de la Chine glorieuse, la dynastie des Tang, des Ming qui envoyaient leurs émissaires, leurs marchands traverser les steppes d’Asie centrale jusqu’en Europe. Et l’avenir que veut Pékin pour la région est donc lié à ce passé beaucoup plus ancien.

Des « positions » sur tout

La diplomatie chinoise a des plans et des « positions » sur tout, depuis que la Chine est sortie du « zéro Covid » : Moyen-Orient, Ukraine et aujourd’hui l’Asie centrale. « Ce sommet a donné un nouvel élan au développement et à la revitalisation de nos six pays, injectant une énergie positive pour la paix et la stabilité régional », a déclaré Xi Jinping à la fin de cette rencontre inédite. « Le monde a besoin d’une Asie centrale stable. Le centre du continent eurasien est à la croisée des chemins reliant l’est à l’ouest, le nord au sud » poursuit le numéro un chinois devant les présidents des pays invités.

À l’occasion du 10e anniversaire de l’initiative « ceinture et route », le président chinois a proposé un plan de développement en huit points après le retrait des Américains d’Afghanistan et que les Russes ont décidé d’envahir l’Ukraine. Il passe par une meilleure connectivité. La Chine s’engage à améliorer les capacités des autoroutes reliant l’ouest chinois à l’Ouzbékistan via le Kirghizistan, ou via le Tadjikistan. Et à relancer les négociations enlisées du chemin de fer Chine-Kirghizistan-Ouzbékistan. Aide également à l’amélioration des capacités de sécurité et de défense des États. L’Ukraine, qui faisait pourtant partie de l’Union soviétique comme les Républiques d’Asie centrale, n’a pas été mentionnée à cette occasion.   

Le sommet a en revanche amené son lot de déclarations et d’accords bilatéraux, en plus de la « déclaration de Xi’an ». « La rencontre est un succès pour les dirigeants d’Asie centrale, note Temur Umarov. Ils repartent avec un paquet de documents qui plairont à leur opinion publique. Le Tadjikistan a obtenu un prêt de 500 millions de dollars de la Banque asiatique de développement pour la reconstruction du barrage de Rogun, le Kirghizstan a signé un mémorandum sur une ligne de chemin de fer, le Kazakhstan a vu ses commandes de pétrole pour la Chine augmenter. Côté chinois, poursuit ce spécialiste de la Chine et de l’Asie centrale à la fondation Carnegie, Pékin a obtenu plusieurs déclarations confortant sa politique, notamment au Xinjiang de la part du Kirghizstan ou encore la réunification pacifique avec Taïwan chez l’ensemble des pays hôtes. Mais tout cela ne veut pas dire que la Chine est forcément devenue plus influente dans la région. Je pense que l’équilibre des pouvoirs entre la Chine et la Russie reste le même en Asie centrale. » 

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