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Analyse

Russie: la Chine surfe sur le tourisme militaire à Vladivostock

La fin de la Seconde Guerre mondiale et la victoire contre le nazisme sont célébrées ce jeudi 9 mai en Russie. Parade sur la Place rouge, mais aussi dans d’autres villes dont Vladivostok, dans l’Extrême-Orient russe, où des groupes envoyés par des agences touristiques chinoises assisteront au défilé. Ce tourisme militaire en Russie suscite la controverse sur les réseaux chinois.

Des participants portant des uniformes historiques à bord d'un véhicule datant de la Seconde Guerre mondiale lors d'un défilé militaire marquant le 78ᵉ anniversaire de la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Vladivostok, Russie, le 9 mai 2023. Photo d'illustration.
Des participants portant des uniformes historiques à bord d'un véhicule datant de la Seconde Guerre mondiale lors d'un défilé militaire marquant le 78ᵉ anniversaire de la victoire soviétique sur l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale. Vladivostok, Russie, le 9 mai 2023. Photo d'illustration. © AFP - PAVEL KOROLYOV
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De notre correspondant à Pékin, avec la contribution de Chi Xiangyuan

Avec le ralentissement de l’économie, l’exotisme bon marché attire de nombreux candidats au voyage en Chine. La « Grande parade de la victoire » à Vladivostok, à une centaine de kilomètres de la frontière chinoise, en fait partie. Depuis quelques jours, des publicités d’agences touristiques vantent la beauté des uniformes et des paysages sibériens, sur la plateforme xiǎohóngshū, le « petit livre rouge » en français. Madame Wang travaille pour un tour-opérateur situé à Harbin, dans le nord-est chinois.

« Pour assister au défilé militaire à Vladivostok, on vous propose une formule de quatre jours en partant le 7 ou le 8 mai. On envoie des groupes de 40 personnes. Il faut juste que vos passeports soient valables plus de six mois. »

Les départs se font généralement vers midi depuis la ville district de Suifenhe, dans la province chinoise du Heilongjiang.

Au plus près des armes et des uniformes

Les bus pour Vladivostok sont complets, ont affirmé à RFI les agences que nous avons contactées. La prestation inclut la découverte de l’architecture néoclassique de la ville portuaire russe, des découvertes gastronomiques et une observation rapprochée des armes et des matériels. Pour le plus grand bonheur d'An. Cet ingénieur a pu assister à une répétition de la parade. Il se dit « à la fois excité et heureux. C'est la première fois que je vois un défilé d’aussi près. Nous avons été autorisés à prendre des photos librement pendant la répétition. On a pu aussi s’approcher de très près des matériels et des armes. Ce ne serait pas possible de faire cela en Chine. J’ai bien aimé ce voyage, je n’ai subi aucune discrimination et les Russes que j’ai pu rencontrer étaient plutôt sympathiques. »

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Vladivostok était chinoise

Enthousiasme des uns, critiques des autres. Les « patriotes du clavier », sur internet, et les amoureux de la chose militaire sont divisés en Chine. Pour certains, aller voir des soldats russes en Sibérie est une honte et rappelle le traité inégal d’Aïgoun signé par la dynastie Qing en 1858, et confirmé par la convention de Pékin en 1860.

En deux paraphes, la Chine impériale a cédé à la Russie tsariste près de 400 000 km2 de territoires chinois, dont fait partie Vladivostok. « Après avoir vu ces publicités, j’ai ressenti un chagrin profond et une douleur lancinante », écrit ainsi un internaute. Cette blessure nationale a conduit à des affrontements armés dans les zones frontalières entre l’URSS et la Chine en 1969.

Avant que les deux voisins n’enterrent la hache de guerre, avec le traité de bon voisinage signé entre Vladimir Poutine et Jiang Zemin en 2001, prorogé en 2021 par Vladimir Poutine etXi Jinping.

Le dernier litige sur les 4 300 kilomètres de frontière entre les deux pays a été réglé en 2008, précise Alice Eckman dans Chine-Russie, le Grand Rapprochement paru dans la collection Tracts chez Gallimard.

« La Chine a récupéré l’île de Yinlong/Tabarov et la moitié de l’île Heixiazi/Bolchoi Oussouriski sur le fleuve Amour, frontalier avec la Russie, souligne l’analyste responsable de l’Asie à l’Institut des études de sécurité de l’Union européenne. Les représentants des deux pays ont inauguré le tracé définitif de quelques kilomètres de frontières communes, au nord de la Mandchourie chinoise et aux confins de la Sibérie. »

Vladimir Poutine attendu à Pékin

Depuis le 1ᵉʳ juin 2023, la Chine utilise le port de Vladivostok pour son commerce intérieur. Les échanges entre les deux pays ont bondi de 64% pour atteindre 240 milliards de dollars au cours des deux dernières années et le nombre de voitures chinoises vendues en Russie a été multiplié par sept.

Malgré ce boom des échanges, malgré les accords évoqués précédemment et la propagande chinoise qui mouline depuis plus d’une décennie sur le thème de l’amitié sino-russe solide comme un roc, une petite partie des internautes chinois n’a pas oublié l’histoire.

Voulant anticiper l’arrivée du président russe qui devrait effectuer son premier voyage à l’étranger en Chine, après sa reconduction à la tête du pays, en Chine avant la fin du mois, Alexandre Douguine a ouvert un compte Weibo le week-end dernier.

L’évènement n’est pas passé inaperçu. Il a même entraîné une pluie de commentaires négatifs, parfois même insultants de la part de commentateurs rappelant qu’autrefois l’idéologue préféré du Kremlin plaidait pour une colonisation du nord de la Chine. « Vous osez venir sur une plateforme chinoise ! Parlez-nous de votre théorie de l’eurasisme. Pourquoi vouloir inclure le nord de la Chine dans la sphère d’influence russe ? », lit-on dans les commentaires. Ces derniers sont très loin de représenter l’opinion générale, mais ils traduisent une certaine humeur lancée entre les ciseaux de la censure : « Le lac Baïkal était le nôtre autrefois », « Rendez-nous notre patrie » ou encore « Vive l’Ukraine ! ».

En 2022, un peu plus de deux mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, aucun dirigeant étranger n’était venu aux célébrations de la Seconde Guerre mondiale à Moscou. Cette année, les cinq présidents d’Asie centrale ont répondu présent, ainsi que les dirigeants cubain, laotien et de Guinée-Bissau.

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