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«Les Japonais renouvellent leur confiance en Shinzo Abe»

Au Japon, les premiers résultats sortis des urnes annoncent la victoire du parti conservateur (PLD) du Premier ministre Shinzo Abe lors des législatives anticipées. Très large victoire même puisqu'avec ses alliés, il obtiendrait 327 des 475 sièges en jeu à la Chambre des représentants. Ils conserveront donc la majorité des deux tiers. Guibourg Delamotte, maître de conférences à l'Institut national des langues et civilisations orientales de Paris (Inalco) répond aux questions de Marine de La Moissonnière.

Shinzo Abe au siège du PLD, à Tokyo, le 14 décembre 2014.
Shinzo Abe au siège du PLD, à Tokyo, le 14 décembre 2014. REUTERS/Issei Kato
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RFI : Selon les premières estimations, Shinzo Abe devrait rafler une large majorité des sièges. Est-ce qu’il sort renforcé de ce scrutin ou affaibli malgré tout ?

Guibourg Delamotte : Il sort tout de même renforcé. On a dit que ces élections avaient valeur de référendum, c’est vrai. Ça signifie que la population reste derrière lui, mais il est vrai que la population n’a pas tellement le choix parce que l’opposition, en définitive, ne fait pas le poids face au PLD, on le voit bien dans ces élections.

Le parti contrôle aussi la majorité au sénat. Est-ce que Shinzo Abé aura les mains libres et des moyens renforcés pour mener à bien sa politique ?

Sa politique, il pouvait déjà la mener avec la majorité des deux tiers mais il avait une opposition au sein même de son parti pour réaliser un certain nombre de réformes. C’est vrai que le fait de voir sa légitimité renouvelée devrait le mettre en position de faire passer certaines réformes difficiles.

Par exemple ?

Une réforme du milieu du travail, de l’emploi, de l’emploi des femmes en particulier, mais aussi mettre un peu plus de flexibilité dans le monde du travail et en même temps de trouver un équilibre satisfaisant entre les besoins des salariés pour une certaine sécurité, un besoin de rationalisation des entreprises, un certain niveau de protection sociale. Il y a tout un équilibre à revoir.

Et puis du côté des femmes, son ambition est d’essayer de faire en sorte que les femmes soient plus présentes dans les entreprises, dans la vie active de manière générale, parce que le taux de participation des femmes est très bas. Donc c’est très intéressé : il s’agit de renflouer les caisses de retraites et de sécurité sociale, et de les faire participer davantage à l’économie. Pour ce faire, il ne se donne pas tout à fait les moyens de ses ambitions.

Il va aussi y avoir des réformes sur le plan diplomatique, un changement par rapport au pacifisme adopté par le pays après la Seconde Guerre mondiale. Est-ce que cela va être facile à mettre en œuvre ?

Non, cela va être difficile à mettre en œuvre, c’est vrai que c’est un aspect du programme qui lui tient à cœur, essayer de réviser la Constitution. A cet égard, les choses ne progressent pas tellement, la population reste très attachée à la rédaction actuelle de l’article pacifiste de la Constitution, l’article 9. Abe Shinzo a l’aval de la population mais plutôt pour un mandat concernant ses réformes économiques.

C’est vrai que sur la révision de la Constitution, il faut de toute façon qu’il fédère au sein des deux chambres et puis après qu’il remporte la majorité dans un référendum. Il y a des obstacles formels qui sont difficiles à lever et il faut s’entendre sur une rédaction de l’article qui soit consensuelle. Il y a le fait aussi que, malgré tout, un certain nombre de choses qui peuvent être faites en l’absence, sans révision de la Constitution, comme ça a été fait depuis des années déjà. On peut donc continuer avec cette manière de faire et c’est probablement ce que va faire Abe Shinzo, dans un premier temps en tout cas.

On l’a compris, ce qui l’attend risque d’être compliqué. Est-ce que les électeurs, qui n’ont pas vraiment compris pourquoi ils étaient appelés aux urnes deux ans avant l’échéance. Vont-ils le suivre, n’y aurait-il pas un divorce entre Shinzo Abe et les Japonais malgré ces résultats encourageants ?

Il y a bien un divorce qui démarre. La politique économique qu’il a engagée, que l’on a appelé abenomics, de relance monétaire massive, n’a pas vraiment porté ses fruits parce qu’il y a une très légère sortie de la déflation, mais ça n’a pas été suffisant pour avoir un effet d’entraînement sur l’économie. Il n’y a pas eu notamment de hausse des salaires, ou très légère dans certains secteurs seulement, pas suffisante.

Et puis une hausse de la TVA qui était planifiée avant et que le PLD avait d’ailleurs votée, donc Abe a décidé de la mettre en œuvre, de la conserver. Et bien cette hausse de la TVA en avril a entraîné une augmentation de la croissance dans un premier temps, un peu artificielle, mais une récession ensuite. Ses électeurs ne sont pas contents, ils tiennent rigueur à Abe de cette augmentation de la TVA alors même qu’elle était prévue depuis quelque temps, depuis 2012, avant l’arrivée d’Abe au pouvoir.

Les électeurs sont à la fois surpris et pas surpris. C'est la règle en définitive de ne pas attendre la fin d'une législation pour provoquer des élections au Japon. C’est vrai que le fait qu’il y ait des élections ne change pas la majorité d’Abe, mais c’est un acte qui le renforce vis-à-vis de son parti. Les électeurs acceptent de renouveler leur confiance, il va falloir qu’Abe tienne ses promesses maintenant, sinon le PLD sera sanctionné aux prochaines élections. Sachant que néanmoins, il a une grande marge de manœuvre car pour le moment, l’opposition ne convainc pas. Mais elle pourrait reprendre du poil de la bête si le PLD était décrédibilisé.

Les électeurs ne sont pas totalement convaincus par la politique économique, ils savent qu’il va y avoir des réformes impopulaires... Pourquoi ne pas avoir utilisé les urnes aujourd’hui pour manifester leur contentement?

D’abord, ils ont choisi celui qui avait le plus de personnalité actuellement, et incontestablement Abe a l’étoffe d’un leader maintenant, ça n’était pas le cas il y a quelques années. Il a maintenant une forme de charisme. Ça apporte une prime auprès des électeurs, c’est ce qu'ils récompensent, c’est ce qu’ils recherchent et c’est relativement rare au Japon actuellement. Ils ont le sentiment de trouver là quelqu’un qui est prêt à prendre les choses en main, en particulier face à son parti et face à l’administration, c’est pour ça qu’ils lui renouvellent leur confiance.

Une deuxième raison, c’est qu’ils n’ont pas confiance en quelqu’un d’autre. Le quelqu’un d’autre aurait pu être le premier parti de l’opposition, le parti démocrate japonais qui a été au pouvoir entre 2009 et 2012. Ce parti démocrate japonais, malheureusement pour lui, a mal démarré. Il a été confronté à la triple catastrophe de mars 2011, ce n’était vraiment pas de chance pour la première alternance de l’histoire récente, post-1955. Ce parti s’est ensuite affaibli lui-même, il a souffert de divisions. Il faut donc que ce parti se recompose, il faut qu’il se reconstitue. L’opposition est vraiment faible actuellement.

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