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Inde

Inde: 11 morts dans un nouveau drame de stérilisation

Onze femmes sont décédées et des dizaines d’autres ont été hospitalisées à la suite d’un programme de stérilisation de masse effectué samedi 8 novembre dans l’Etat de Chhattisgarh, dans le centre du pays. Ce drame relance le débat en Inde sur la planification familiale.

Les femmes indiennes subissent au quotidien de nombreuses violences. Elles font régulièrement l'objet de campagnes de stérilisation.
Les femmes indiennes subissent au quotidien de nombreuses violences. Elles font régulièrement l'objet de campagnes de stérilisation. Gettyimages
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L’Inde affiche le taux le plus élevé de stérilisations dans le monde. Chaque année, plus d’un million de femmes, issues pour la plupart des régions les plus pauvres du pays, sont stérilisées dans le cadre des campagnes nationales de planification familiale. Comme ces opérations sont en général effectuées dans des conditions d’hygiène déplorables, de nombreuses femmes succombent aux complications postopératoires. C’est ce qui s’est passé le samedi 8 novembre lorsqu’après une campagne de stérilisation de masse dans un village reculé de l’Etat de Chhattisgarh, dans le centre-est de l’Inde, onze femmes sont mortes et une soixantaine d’autres ont dû être hospitalisées, nombre d’entre elles dans un état grave.

Selon la presse indienne, 83 femmes avaient subi une stérilisation par voie laparoscopique (également appelée cœlioscopie) dans un camp, organisé par le gouvernement local. Les patientes se sont plaintes de vomissements et d’autres symptômes peu après leurs opérations. Les responsables de la campagne réfutent toute accusation de négligence et affirment que l’opération avait été faite par un médecin expérimenté. Les familles des victimes indiquent, pour leur part, que les 83 candidates à la stérilisation avaient été opérées en environ cinq heures par le même chirurgien et son assistant. L'opposition appelle le gouvernement à sanctionner sévèrement les responsables. Le porte-parole du parti du Congrès a demandé comment le médecin a pu opérer 83 personnes en cinq heures, alors que chaque opération dure au moins vingt minutes.

Ce n’est pas la première fois que la presse indienne attire l’attention sur des décès liés aux campagnes de stérilisation. L’année dernière déjà, les autorités du Bengale-Occidental avaient été vivement critiquées après la diffusion d’images montrant des patientes laissées inconscientes dans un champ après une opération de stérilisation de masse. Les médecins interrogés avaient déclaré alors à la télévision qu’il n’y avait pas assez de places à l’hôpital. En janvier 2012, trois hommes avaient été arrêtés dans l’Etat du Bihar pour avoir opéré 53 femmes en deux heures. Ces opérations avaient eu lieu dans un terrain vague à ciel ouvert et sans aucune anesthésie.

Défi démographique

Les autorités indiennes s’inquiètent de ne pouvoir maîtriser la croissance démographique de leur pays. L’Inde compte environ 1,25 milliard d’habitants et pourrait devenir le pays le plus peuplé de la planète. Selon les projections de l’Onu, la population indienne avoisinerait 1,50 milliard en 2050 et dépasserait celle de la Chine. Si l’on en croit les analystes, dans un pays déjà sous pression en termes de ressources et d’opportunités, notamment dans ses mégalopoles surchargées et grouillantes comme Bombay ou Calcutta, la croissance démographique constitue un défi majeur pour le pouvoir indien.

Or les efforts déployés jusqu’ici par New Delhi pour trouver des réponses à la problématique de la démographie galopante ont eu des résultats mitigés et souvent controversés. On se souvient comment durant l’état d’urgence, dans les années 70, sous l’égide du fils cadet du Premier ministre de l’époque Indira Gandhi, des vasectomies ou des opérations par ligature des trompes furent effectuées sur des milliers d’hommes et de femmes, la plupart du temps contre leur gré. Ces campagnes de stérilisation par contrainte ont profondément marqué l’imaginaire indien et ont retardé la mise en place d’un système de contrôle des naissances cohérent et efficace.

En rouge, l’Etat indien du Chhattisgarh, dont la capitale est la ville de Raipur.
En rouge, l’Etat indien du Chhattisgarh, dont la capitale est la ville de Raipur. Planemad/ Wikimedia Commons

Aujourd’hui encore, la planification familiale se réduit souvent à la stérilisation. Malgré les complications souvent mortelles, les femmes continuent de se faire stériliser faute d’information sur d’autres moyens de contraception. Dans certaines régions, les autorités proposent des interventions gratuites et parfois même des incitations financières ou matérielles pour encourager la stérilisation volontaire. Les hommes reçoivent 1 100 roupies (environ 18 euros) et les femmes 600 roupies (environ 10 euros) au titre de dédommagements. Certains Etats se sont illustrés ces dernières années en organisant des loteries pour attirer des candidats hésitants. Le premier prix était une voiture Nano.

Pour les ONG qui sont très actives dans les régions rurales, ces incitations sont « une forme déguisée de contrainte ». Elles militent pour une meilleure prise de conscience des questions de contrôle des naissance par le biais de l’éducation des filles et rappellent que le programme de planification familiale est déséquilibré, car il est trop centré sur les femmes. L’Inde est une société patriarcale où la stérilisation des hommes n’est pas acceptée socialement.

Il faut espérer que les drames à répétition que connaît le pays, comme celui qui vient d’avoir lieu à Chhattisgarh, vont relancer le débat sur l’élimination des pratiques à risque et sur la stérilisation tout court.

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