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Football: «On ne réalise pas un match de Coupe du monde comme un match de L1»

C’est l’un des réalisateurs de match de foot les plus réputés de la planète : Laurent Lachand officie depuis une vingtaine d’années sur les chaînes françaises et c’est l’un des huit réalisateurs de télévision qui a été sélectionné par la Fifa pour mettre en images les matches de Russie 2018. Daniel Vallot, le correspondant de RFI en Russie, l’a rencontré.

Laurent Lachand est l'un des huit réalisateurs à avoir été choisi pour mettre en images les matches de la compétition.
Laurent Lachand est l'un des huit réalisateurs à avoir été choisi pour mettre en images les matches de la compétition. RFI/Daniel Vallot
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En régie, il dirige plus de 30 caméras et plus de 150 techniciens pour offrir le spectacle le plus alléchant possible, mais aussi le plus fidèle au jeu. Laurent Lachand est l’un des huit réalisateurs TV de la Coupe du monde 2018 et son rôle est de faire vivre aux téléspectateurs les matches de la compétition depuis leur canapé preque comme s'ils étaient au stade.

RFI : Quel est votre dispositif pour réaliser un match de Coupe du monde ? 

Laurent Lachand : On a une dizaine de caméras sur le terrain et une vingtaine de caméras en tribunes, à différentes hauteurs, pour couvrir les autres aspects du jeu dont le plan large, les hors-jeu etc… Plus une « spider-cam », qui est la caméra aérienne au-dessus du stade. Et enfin un hélicoptère pour accompagner les équipes depuis l'hôtel, et faire le coup d’envoi.

En outre, une partie des caméras est organisée pour suivre en permanence les supporters, pour avoir des contrastes entre les deux groupes. C’est ce qui caractérise d’ailleurs une Coupe du monde par rapport à tout autre évènement sportif : c’est cette extraordinaire ferveur, cette extraordinaire amitié entre supporters.

Quelle est votre manière de réaliser un match ?

Dans un match de foot, il y a deux niveaux : le niveau tactique du match, avec le respect des schémas de jeux, et le niveau émotionnel. C’est particulièrement le cas dans une compétition comme celle-ci qui est absolument émotionnelle. On voit bien que les gens sont pris, que ça noue le ventre ! Je ne crois pas qu’il y ait beaucoup d’évènements au monde qui ont cette puissance. Le propre de la réalisation d’un match de Coupe du monde c’est donc d’arriver à intégrer ça dans un match, ce qui est assez différent d’un match de championnat français, ou de quelque pays que ce soit. 

En définitive, la façon de réaliser un match c’est toujours l’approche la plus simple possible. Il faut respecter le jeu, mais en même temps mettre en perspective les émotions.

Quelle est la différence entre un match de Coupe du monde et un match de Ligue 1 ?

Je crois que l’approche est différente parce qu’un match de Ligue 1 est lié à une continuité sur une saison. C’est une histoire qui va se répéter de semaine en semaine, avec des récurrences et avec des fils qu’il faut tirer sur plusieurs mois. Alors qu’un match de Coupe du monde ne dure que 90 minutes et il est absolument unique ! Donc ce n’est pas tout à fait la même construction, la même perception, la même écriture.

Pour la réalisation des matches de cette Coupe du monde, il y a des réalisateurs français, allemands et anglais… Existe-t-il une façon de réaliser un match propre à chacun de ces trois pays ?

Pour bien réaliser un match, il faut avant tout aimer le foot et bien le comprendre et ça, ça nous unit. Alors bien sûr, il y a des différences de culture, il y a des approches qui sont différentes dans la façon de le traiter. Mais le grand mérite de cette compétition, c’est que chacun va apporter sa spécificité et donner un peu aux autres. C’est plutôt vertueux, et je pense qu’il y a une identité « Coupe du monde » plutôt qu’une réalisation allemande ou française ou anglaise. En outre, on a un travail de préparation important, des séminaires, un plan de caméra qui est le même et ça compte beaucoup. De ce fait, l’expression est avant tout celle d’un match de Coupe du monde et je crois qu’il y a une façon de traiter les matchs qui est propre à cet évènement.

Malgré tout on parle souvent d’une école de réalisation « à la française »…

Une réalisation à la française, c’est une réalisation éditorialisée. On se pose les questions suivantes : quels sont les bons fils à tirer ? Quelle est la bonne histoire à raconter à l’intérieur de ce match ? Quels sont les deux joueurs qui vont incarner cette rencontre plus que les autres ? Et dans l’approche « française » on va peut-être mettre tout cela en perspective de façon différente.

Par opposition à l’approche anglaise ?

L’approche anglaise, c’est l’histoire du football ! C’est une réalisation qui est très à cheval sur le sport lui-même et c’est une grande qualité. Dans notre approche française, on a ça également mais on essaie d’y ajouter des petites histoires, des petits moments d’échange, des petites prises de tête entre joueurs… Et on va leur donner peut-être un peu plus d’importance que dans d’autres pays.

Des puristes vous reprochent trop de gros plans, trop de ralentis ?

Je crois que c’est un débat franco-français et je pense qu’il n’a pas lieu d’être. Les millions de personnes qui sont devant les matches ne se posent pas cette question. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, un match de foot ne peut pas se contenter d’être un plan large, et ne doit pas non plus se transformer en clip.  Donc je crois que la qualité d’une réalisation bien équilibrée, c’est de s’adapter au moment. Il y a un moment pour choisir de faire des plans larges et pour les garder, et un moment pour avoir plus « d’inserts »,  plus d’histoires, plus de plans séquences. C’est ça la qualité d’une réalisation, c’est de ne pas être un archétype et de savoir s’adapter.

Comment préparezvous le match, existe-t-il une préparation spécifique pour chaque match ?

L’équipe qui vient avec moi, une cinquantaine de personnes qui vient avec moi depuis la France pour réaliser ces matchs, ce sont des amoureux du foot. Donc il y a des échanges entre nous, les angles éditoriaux sont préparés. Et puis nous avons un gros travail sur le système statistique, qui est très novateur sur cette Coupe du monde. On rejoint ce qui je vous disais au début sur l’écriture d’un match. C’est comme un article de presse, d’une certaine façon. En quelques images, on va raconter quelque chose.

Est-ce qu’il y a des images que vous évitez de tourner, des plans que vous évitez de faire ?

Je crois qu’il faut être bon juge de la situation. Une blessure ou une émotion forte il faut la partager ! Une blessure peut avoir un impact sur le reste de la saison. Je prends l’exemple de la blessure de Neymar, que j’ai filmée cette année, et dont les images ont fait le tour du monde. En quatre images, je crois qu’on a compris quelle était l’implication de la blessure de Neymar à ce moment de la saison. Ces quatre images c’est : le joueur blessé, le ralenti de la blessure, le visage du président du PSG et celui de l’entraîneur. Je crois qu’en quatre plans on comprend que c’est quelque chose de fort et qui aura de l’impact sur le reste de la saison du PSG. En quelques images on va raconter quelque chose.

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