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édition spéciale

France: le couple Manouchian entre au Panthéon lors d'une cérémonie en l'honneur des résistants

Pour la première fois, des résistants étrangers entrent au Panthéon. Quatre-vingts ans après avoir été fusillé par l’Allemagne nazie, Missak Manouchian pénètre dans le temple des grands de la nation, accompagné de son épouse Mélinée et de leurs frères d’armes, résistants communistes durant la Seconde Guerre mondiale.

Cette photo montre les piédestaux où les cercueils de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée Manouchian seront installés avant le début de la cérémonie d'État pour leur intronisation au Panthéon à Paris le 21 février 2024.
Cette photo montre les piédestaux où les cercueils de Missak Manouchian et de son épouse Mélinée Manouchian seront installés avant le début de la cérémonie d'État pour leur intronisation au Panthéon à Paris le 21 février 2024. © CHRISTOPHE PETIT TESSON / AFP
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« Je meurs à deux doigts de la victoire ». Quatre-vingts ans jour pour jour après son exécution par les nazis, le résistant Missak Manouchian, communiste, poète et apatride d'origine arménienne, a rejoint ce mercredi soir le Panthéon, pour une ultime reconnaissance de la Nation. Côte à côte avec son épouse, Mélinée, résistante et survivante comme lui des massacres d'Arméniens dans l'Empire ottoman, il a entamé son ultime procession sur quelques centaines de mètres jusqu'au temple des grands hommes de la République.

Dès la fin d'après-midi, le public était déjà présent le long de la rue Soufflot, qui mène au Panthéon. La cérémonie en leur honneur a débuté à 18h30, et s'est achevée aux alentours de 20h. Les deux cercueils, drapés aux couleurs de la France et portés par des soldats de la Légion étrangère, ont été portés par des soldats de la légion étrangère vers le monument, à l'intérieur duquel le président Emmanuel Macron leur a rendu un ultime hommage avant qu'ils ne rejoignent la crypte.

Le portrait en noir et blanc du communiste panthéonisé a été projeté sur la façade d'un Panthéon illuminé des couleurs du drapeau français – bleu, blanc, rouge – spécialement pour l'occasion. Les cercueils du couple de résistants se sont arrêtés à trois reprises, pour marquer les trois moments clés de la vie de Missak Manouchian : le génocide arménien, son arrivée en France, et enfin, son engagement dans la résistance française, raconte notre envoyé spécial, Baptiste Coulon

« Ma chère Mélinée, dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde »

Au premier arrêt, 90 enfants de la chorale de la maîtrise populaire de l’opéra comique de Paris ont interprété « Ils sont tombés », une chanson du chanteur franco-arménien Charles Aznavour, dont le thème principal est le génocide arménien. Au deuxième arrêt, quatre comédiens ont lu des extraits de textes issus des carnets de Missak Manouchian dans lequel il raconte son amour de la France, de sa culture et de sa langue. 

Enfin, au troisième arrêt, c’est Missak Manouchian le résistant qui a été évoqué. « Le Chant des partisans » est entonné par le chœur de l’armée française : l’interprétation de « L’Affiche rouge » par le groupe Feu Chatterton, une reprise d’une musique de Léo Ferré, qui reprend les derniers mots de Missak Manouchian adressé à son épouse dans une ultime lettre quelques heures avant d’être fusillé. « Ma chère Mélinée, ma petite orpheline bien-aimée. Dans quelques heures, je ne serai plus de ce monde » : les premiers mots de sa lettre à sa bien-aimée, lus par Patrick Bruel, ont percé le silence, à la nuit tombante, dans un moment saisissant d'émotion.

Les noms des 23 compagnons d'armes gravés 

Au pied de ces cercueils, une photo en noir et blanc de Missak et Mélinée Manouchian. Des écrans géants ont ensuite diffusé un visuel représentant les 23 membres du groupe Manouchian, dont les noms ont été égrenés un par un, de manière très solennelle. Comme le couple Manouchian, la plupart n’étaient pas français. Ils étaient polonais, hongrois, mais aussi roumains, espagnols ou encore italiens... Fusillés avec Missak Manouchian le 21 février 1944 au Mont-Valérien, ces 23 compagnons entrent au Panthéon sous une forme plus symbolique : leurs noms seront gravés dans le caveau où les Manouchian vont reposer.

Vue des cercueils de Missak Manouchian, devenu une figure de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, exécuté au Mont-Valérien en février 1944, et de son épouse Mélinée Manouchian, recouverts du drapeau français, placés devant l'Affiche Rouge avant la cérémonie d'intronisation de Missak Manouchian au Panthéon, où sont honorées les grandes figures de l'histoire de France, à Paris, le 21 février 2024.
Vue des cercueils de Missak Manouchian, devenu une figure de la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, exécuté au Mont-Valérien en février 1944, et de son épouse Mélinée Manouchian, recouverts du drapeau français, placés devant l'Affiche Rouge avant la cérémonie d'intronisation de Missak Manouchian au Panthéon, où sont honorées les grandes figures de l'histoire de France, à Paris, le 21 février 2024. © REUTERS - SARAH MEYSSONNIER

 

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« Hommage à 23 étrangers, nos frères pourtant », s'est exclamé le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel, en arrivant sous la pluie pour l'hommage. « Enfin la résistance communiste entre au Panthéon », a-t-il lancé en remerciant Emmanuel Macron pour ce geste. Ils rejoignent ainsi Jean Moulin et la résistance gaulliste, panthéonisés dès les années 1960.

Un « Français de préférence »

« Est-ce ainsi que les hommes vivent ? », a martelé Emmanuel Macron vers 19h45, à l'intérieur du bâtiment, lors d’un discours et hommage rendu au combattant pour la liberté, en invoquant les paroles de la chanson de Léo Ferré et le titre du poème de Louis Aragon du même nom. « Missak Manouchian, vous entrez ici toujours ivre de vos rêves, l’Arménie délivrée du chagrin, l’Europe fraternelle, l’idéal communiste, la Justice, la dignité, l’humanité. Rêve français, rêve universel. Missak Manouchian, vous entrez ici avec Mélinée en poète de l’amour heureux », a déclamé le président de la République, devant une vaste partie de la classe politique française, ainsi que le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, accompagné de sa femme, reçus plus tôt dans la journée par l'Elysée.

Emmanuel Macron a aussi salué la mémoire d'un « Français de préférence », à qui la France doit « reconnaissance ». Car Missak Manouchian, né dans une famille arménienne, est mort apatride après avoir demandé deux fois et sans succès la nationalité française. L’honorer lui, sa femme et ses camarades, est pour le chef de l’État, selon l’Élysée, une manière de montrer qu’être Français ne tient pas à l’origine ou à la religion, mais à la volonté.

Quatre-vingts ans après sa lettre d'adieu dans lequel Missak Manouchian se disait certain que « le peuple français et tous les combattants de la Liberté [sauraient] honorer notre mémoire dignement », c’est chose faite. Après son discours, le président est allé partager quelques mots avec quelques membres de la famille du couple défunt, présents à l'intronisation du résistant. 

Le chef de l'État signe là sa quatrième panthéonisation, après celles de l'écrivain Maurice Genevoix, de Simone Veil et de la star du music-hall Joséphine Baker. Il a également annoncé celle de Robert Badinter, mort le 9 février dernier.

29:23

Edition spéciale 18h30-19h - Cérémonie d'intronisation de Missak Manouchian au Panthéon

(Et avec AFP)

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