Procès Heaulme: le gendarme Hans détaille la «marque criminelle» du tueur
Après trois semaines d'audiences passées à purger les errements de ce dossier vieux de trente ans, le procès Heaulme est véritablement entré dans le vif du sujet avec la très longue audition de Francis Hans, qui a enquêté sur le double meurtre de Montigny-lès-Metz. Plus tard dans la journée, c'est Henri Leclaire qui est venu témoigner à la barre, lui qui avait un temps avoué ces crimes en 1986, avant de se rétracter.
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C’est sur un champ de ruines que le gendarme Francis Hans a repris les investigations en 2001. Quinze ans après les meurtres de Cyril et Alexandre, le 28 septembre 1986, retrouvés le crâne enfoncé à coups de pierre sur un talus SNCF, il a d’abord démontré l’innocence de Patrick Dils, qui sera acquitté quelques mois plus tard.
Il a ensuite poursuivi la piste de Francis Heaulme, qui a reconnu être présent sur les lieux du crime. Lors d’un interrogatoire en février 2002, le « routard du crime » lui avait raconté avec force détails avoir vu les cadavres des deux enfants le soir des faits et un « ‘détraqué sexuel’ descendre le talus, tout rouge », qui lui aurait confié avoir fait « une connerie ». Francis Heaulme a dit au gendarme s’être empoigné avec cet homme « trapu, aux yeux bleus enfoncés dans les orbites », qu’il avait ensuite jeté ses gants pleins de sang à cause de l’empoignade, et décidé d’aller chercher les enfants.
Scellés détruits
En l’absence d’éléments matériels – les scellés ont été détruits – l’enquêteur a alors, le plus scientifiquement possible, cherché des similitudes entre les meurtres imputés à Heaulme et cette affaire. Il en relève une dizaine : le « déchaînement de violence », les scènes de crime « à l’écart », le « déshabillage total ou partiel » des victimes, les hospitalisations « deux à onze jours après ». « Toutes ces similitudes sont présentes à Montigny, dit le gendarme. On s’approche d’assez près de ce que Francis Heaulme fait tout le temps. Même les horaires correspondent. »
Aux yeux de Francis Hans, l’histoire criminelle est en marche en 1986 ; il ne fait pas bon croiser la route de Francis Heaulme. La défense de l’accusé réagit vivement. « Voilà un monsieur qui confirme qu’il n’a pas de preuves matérielles, aucune. Voilà un monsieur qui dit : ‘mes seuls éléments, ce sont les propres déclarations de Francis Heaulme’. Ensuite, ils essaient de faire un montage un peu rocambolesque avec d’anciennes affaires, dénonce Me Stéphane Giuranna. Est-ce que Francis Heaulme a le profil, est-ce qu’on l’a déjà contesté ? Non, évidemment qu’il a le profil. Sauf qu’il n’y a pas d’éléments matériels. Est-ce que la justice veut se rattraper en commettant une nouvelle erreur ? Ça suffit. »
Les trois avocats de Francis Heaulme le martèlent : l’accusation ne repose que sur des hypothèses et aux assises, le doute doit toujours profiter à l’accusé.
Henri Leclaire appelé à la barre
En fin de journée, c'est au tour d'Henri Leclaire, l'ancien manutentionnaire, d'être auditionné. Mais sa présence ne fait guère avancer les débats dans ce procès dont on peine à trouver un sens. Il s'assoit à la barre plus qu'il ne s'y tient. Henri Leclaire : 68 ans, plus de 100 kilos. Ses jambes ne le portent pas, il ne parle pas beaucoup non plus. Il grogne et répète en boucle : « Je n’ai rien vu, je n’étais pas là ».
Le président rappelle qu’il a avoué ces crimes en 1986. Qu’il a été mis en examen avant de bénéficier d’un non-lieu, faute de preuves. Francis Heaulme a longtemps accusé Henri Leclaire. Cette fois il le dédouane. Le président l’interpelle. Il hurle : « Avec vos mensonges répétés vous faites souffrir les familles ! C’est insupportable ! »
Les parties civiles, de leur côté, sont lasses. Dominique Boh-Petit, l’avocate de la mère du petit Cyril Beining, assassiné : « D’entendre la relecture des aveux d’Henri Leclaire ça me bouleverse. Et je me dis : est-ce qu’on passe vraiment à côté de quelque chose ? Alors je préfèrerais croire l’inverse. Pour qui ? Mais pour madame Beining ! Parce que Madame Beining, elle m’a encore dit il y a deux-trois jours : "Je m’en fiche maintenant. Le procès sera fini. Je saurai comment mon enfant est mort et donc je peux mourir aussi". Cette femme, ça fait trente ans qu’elle passe d’un coupable à un autre. Elle n’est pas bête, madame Beining. Et elle voit qu’il y a quelque chose qui ne va pas dans ce procès ».
Trente ans après les faits, l’affaire de Montigny-lès-Metz s’est muée en un impossible procès, analyse notre envoyé spécial, Franck Alexandre.
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