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Cinéma

« Intouchables », un remède anticrise qui ne pique pas

L’histoire du riche aristocrate tétraplégique qui engage un jeune banlieusard comme aide à domicile, ce n’est plus un film, mais un phénomène. Avec plus de 17,4 millions d’entrées,  Intouchables a dépassé ce dimanche 8 janvier La Grande Vadrouille, restée 41 ans l’étalon or du box-office français. Le film des réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache s’est hissé, derrière les Ch’tis de Dany Boon, au deuxième rang des succès français dans l’histoire du cinéma depuis la guerre.

"Intouchables", de Eric Toledano et Olivier Nakache.
"Intouchables", de Eric Toledano et Olivier Nakache. Gaumont Distribution
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Comment expliquer le succès phénoménal d’Intouchables dans un pays hanté par le chômage et la crise économique ? Dans la séance de ce lundi à 13h45 il y a à peine une vingtaine de personnes dans cette salle numéro 22 de 150 places. On est au plus grand complexe de cinémas en Europe, l’UGC Ciné Cité les Halles à Paris. Mais dans le public on trouve toutes les générations : des jeunes, des trentenaires, des quadras et un vieux couple qui a du mal à monter les marches.

Le rire d'Omar Sy

Après la séance, on comprend mieux l’engouement des 17 millions de spectateurs. L’incroyable jeu d’acteur des rôles principaux y est pour beaucoup. Le rire d’Omar Sy, 33 ans, emporte dès la première scène les spectateurs dans un flot de vannes (« Pas de bras, pas de chocolat »). Le comédien, connu pour son duo Omar et Fred et l’inimitable Service après-vente des émissions sur Canal+ est devenu la troisième personnalité préférée des Français derrière Yannick Noah et Zinédine Zidane. Son interprétation du vaurien Driss qui se transforme en nounou canaille responsable est passionnante. Quant à François Cluzet, il campe le personnage du riche tétraplégique dans un fauteuil roulant avec une rare finesse et profondeur humaine qui fait oublier le scénario.

« Inspirée d’une histoire vraie », la phrase est placardée dès le début du film. Il s’avère que l’auxiliaire de vie était en réalité arabe, et non noir. Cela fait partie de la liberté artistique, mais quand Peter Brook crée avec l’aide de Sotigui Kouyaté le premier Prospero noir, il ouvre le personnage et rend visible l’universalité du propos. Dans Intouchables, les réalisateurs enferment le rôle de Driss dans un stéréotype.

L’exploit des comédiens contraste avec la trame de cette invraisemblable histoire que raconte cette comédie populaire. Car Intouchables est un film qui amuse tout le monde, mais ne change rien. Tout et chacun reste à sa place et rien qu’à sa place. Comme le pauvre Driss qui, après sa passade pour le riche aristocrate tétraplégique dans son palais doré, retourne aux Assedic et dans sa barre HLM. Le gentil aide à domicile, juste sorti de prison, donne, malgré lui, une vision kärcherisée d’un jeune de la banlieue.

Raisonnement populaire

Pendant 112 minutes, tout est fait pour rire, rien ne bouscule les certitudes du plus grand nombre. Les vannes donnent raison aux raisonnements populaires : l’art moderne est de l’arnaque, la femme qui résiste au charme de Driss est naturellement homosexuelle, un chanteur d’opéra est forcément tarabiscoté et le « vrouumm » d’une voiture puissante est beaucoup plus séduisante que les mélodies de Berlioz, Bach, Schubert ou Vivaldi. Même le sketch avec le salut hitlérien pour imaginer un nazi tétraplégique ne froisse pas les esprits bien pensants des Intouchables.

Tout cela n’empêche pas le succès. Cette comédie fait vibrer les bons sentiments avec des trémolos dans les images. Le film est déjà vendu dans près de 50 pays. Les distributeurs ne se trompent pas : c’est un remède anticrise qui ne pique pas, mais rapporte beaucoup : 114 millions d’euros pour un budget qui atteignait 9,6 millions d’euros. Reste à battre le record absolu de Bienvenue chez les ch'tis avec ses 20,5 millions d'entrées en 2008.
 

« Intouchables », accusé de racisme par « Variety »

En septembre dernier, dans un article intitulé Untouchable, le critique Jay Weissberg du très prestigieux magazine américain Variety reprochait au film « un racisme digne de l’Oncle Tom, avant de rajouter : « Driss n'est traité que comme le singe d'un spectacle de cirque, avec tout ce que cela comporte comme connotations racistes, expliquant au Blanc coincé comment s'amuser en remplaçant Vivaldi par Boogie Wonderland et lui montrant comment bouger sur le dancefloor ». (…) Ce rôle n’est pas bien loin du cliché de l'esclave d'antan, qui amuse son maître tout en représentant tous les stéréotypes de classe et de race. » Malgré cette très sévère critique, les frères Weinstein, déjà détenteurs des droits de distribution du film The Artist, ont acquis les droits pour Intouchables pour le sortir aux beaux jours aux Etats-Unis.

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