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Iran: prison et coups de fouet pour le réalisateur Mohammad Rasoulof, sélectionné au Festival de Cannes

Mohammad Rasoulof, réalisateur iranien mondialement connu, en lice avec The Seed of the Sacred Fig pour la Palme d’or du Festival de Cannes qui démarre le 14 mai, a été condamné par un tribunal iranien à une peine de huit ans de prison, dont cinq ans applicables. Les autorités l’accusent de « collusion contre la sécurité nationale » après la prise de position du cinéaste contre la corruption en Iran.

Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof lors de la présentation de son film «Un homme intègre» au Festival de Cannes 2017.
Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof lors de la présentation de son film «Un homme intègre» au Festival de Cannes 2017. Siegfried Forster / RFI
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Dans une publication sur X, Babak Paknia, l’avocat de Mohammad Rasoulof annonce que le réalisateur iranien « a été condamné à huit ans d'emprisonnement (cinq ans applicables), à la flagellation, à une amende et à la confiscation des biens selon le verdict rendu par la 29e chambre du tribunal de la Révolution islamique. Ce jugement a été confirmé par la 36e chambre de la cour d'appel d'Aina et maintenant l'affaire a été renvoyée à l'exécution des jugements ».

S’il y avait encore un doute, cette condamnation très sévère est aussi la confirmation que le réalisateur indépendant ne pourra pas défendre son dernier film au Festival de Cannes. The Seed of the Sacred Fig (« La graine de la figue sacrée ») est en lice pour la Palme d’or de la 77e édition du plus grand festival de cinéma au monde qui démarre mardi 14 mai, dans le sud de la France. Le film raconte l’histoire d’un juge d'instruction au tribunal révolutionnaire de Téhéran frappé par la méfiance et la paranoïa alors que les manifestations politiques nationales s'intensifient et que son arme disparaît mystérieusement. Selon l’avocat, les autorités en Iran ont aussi fait pression sur l’équipe de Rasoulof pour qu’elle retire le film du Festival de Cannes, mais aussi d’autres festivals de cinéma.

Mohammad Rasoulof, un « homme intègre »

Visiblement, Mohammad Rasoulof, 52 ans, est resté Un homme intègre, cette valeur humaine qui a donné le titre à son film primé en 2017 par le Prix Un Certain Regard au Festival de Cannes et pour lequel il a été condamné après à un an de prison pour « propagande contre le système ». Pour le cinéaste iranien, « c’est en effet l’aspect le plus important du personnage : son intégrité et surtout l’atteinte portée à cette intégrité par le système en place ». Même à l’époque, il nous donnait l’interview alors qu’il se trouvait en liberté sous caution, après un autre film jugé par la censure iranienne « hostile à la République islamique d'Iran ».  

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Dans ses films, Rasoulof n’hésite pas à s’attaquer à la corruption dans tous les domaines. Et ses images et paroles sont vues et entendues, au point qu’il est régulièrement récompensé dans les plus grandes compétitions mondiales, mais aussi puni par la République islamique d’Iran. Sa condamnation actuelle est choquante, mais qu'à moitié surprenante vu la répression de plus en plus féroce exercée par les mollahs. Le soulèvement « Femme, vie, liberté », à la suite de la mort de la jeune Mahsa Amini en septembre 2022, après son arrestation pour port du voile « inapproprié », semble avoir provoqué une peur profonde au sein du système.

Depuis très longtemps, Mohammad Rasoulof s’engage en faveur de la liberté. Déjà en 2008, il a été emprisonné après avoir manifesté. En 2011, il a fait sortir son film Au revoir illégalement de l’Iran pour le présenter au Festival de Cannes qui lui a décerné le prix du Meilleur réalisateur dans la section « Un certain regard ». En même temps, il est frappé d'une interdiction de quitter l'Iran, assortie d'une condamnation à six ans d’emprisonnement, réduite par la suite à un an, pour « actes et propagande hostiles à la République » d’Iran.

« Le diable n'existe pas »

Même les plus grands prix cinématographiques du monde n’ont pu empêcher l’acharnement contre lui. En 2020, il n’a pas pu recevoir en mains propres l’Ours d’or à la Berlinale pour le film Le diable n’existe pas, parce qu’il était interdit de sortie du territoire iranien. « Ce "diable" sur qui on rejette notre responsabilité n’existe pas, mais il est le résultat des décisions qu’on prend nous-mêmes. Cela revient à mettre l’accent sur la responsabilité individuelle », avait-il expliqué. Et en juillet 2022, il a été arrêté à cause de son soutien public aux manifestants qui avaient dénoncé la corruption et l’incompétence des autorités après l’effondrement d’un immeuble dans le sud-ouest de l’Iran, provoquant plus de 40 morts.

Avec d’autres cinéastes iraniens, Rasoulof avait signé une lettre ouverte, « Posez vos armes », pour appeler les forces de l’ordre à ne plus tirer sur les manifestants qui s’offusquaient des abus intolérables dans le pays. Rasoulof a été en prison jusqu’en janvier 2023, avant d’être libéré à titre temporaire pour raisons de santé. Mais les autorités iraniennes ont pris soin de l’empêcher de participer au Festival de Cannes 2023 où il a été nommé membre du jury de la prestigieuse section « Un certain regard ».

Jusqu’à présent, les films de Mohammad Rasoulouf ont été montrés un peu partout dans le monde, sauf dans son propre pays. Reste à savoir quelle sera la réaction du Festival de Cannes. En 2010, le festival avait défié les autorités iraniennes avec une politique de la chaise vide dédiée à Jafar Panahi, empêché par l’Iran d’être membre du jury de la compétition officielle. En 2011, Cannes avait continué à soutenir les réalisateurs persécutés par le régime iranien en sélectionnant le film Au revoir que Mohammad Rasoulof avait réussi à sortir de l’Iran sous forme de DVD, mais aussi en programmant le film Ceci n’est pas un film de Jafar Panahi et Mojtaba Mirtahsmab, reçu clandestinement à la dernière minute sous forme d’une clé USB. Panahi, icône mondiale de la lutte pour la liberté des réalisateurs, a été arrêté en juillet 2022 lorsqu’il avait voulu soutenir Rasoulof au tribunal de Téhéran. Il a été libéré sous caution en février 2023. Aujourd’hui, en raison de la persécution aussi impitoyable qu’injustifiée, le régime iranien a fait d'eux un symbole mondial de l’urgence de défendre la liberté des cinéastes.

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