Accéder au contenu principal
Cinéma / Iran

«Trois visages»: le cinéaste iranien Jafar Panahi montre librement sa réalité

Faire des films, malgré tout. Toujours frappé par une interdiction de quitter son pays, le cinéaste iranien Jafar Panahi continue à faire voyager avec ses films des cinéphiles dans le monde entier. Couronné du Prix du scénario au Festival de Cannes, « Trois visages » sort ce mercredi 6 juin dans les salles françaises. Un petit bijou pour le grand écran, tourné avec un minimum de moyens et une fable exquise sur la réalité et la vérité.

Marziyeh Rezaei, l’alter ego de Jafar Panahi dans le film « Trois visages ».
Marziyeh Rezaei, l’alter ego de Jafar Panahi dans le film « Trois visages ». Memento Films Distribution
Publicité

Dans son nouveau film, tout commence avec une vidéo amateur en format SnapChat, à la verticale, envoyée à une des actrices les plus connues en Iran, Behnaz Jafari. Une jeune fille d’un village reculé y met en scène son propre suicide pour alerter sur son cas, de ne plus supporter d’être accusée de déshonorer sa famille en voulant devenir comédienne. Jafari est bouleversée, mais une coupe à la fin de la vidéo sème les doutes. Donc, peut-elle encore être sauvée ? Jafari annule un tournage important pour enquêter sur place sur la fille, en compagnie de son ami, le réalisateur Jafar Panahi… Voilà les trois visages du film.

Jafar Panahi, acteur, personnage et réalisateur

Au début de Trois Visages, la mère de Panahi appelle pour lui demander s’il part pour faire un film. Quand il répond non, est-ce la réalité ou un pieux mensonge ? Tout dépend, comme chez chaque personnage du film, quel visage on regarde : le personnage joué par Panahi, l’acteur Panahi ou le réalisateur Panahi ?

Dans le scénario, tout est jeu et métaphore. Jafari et Panahi apparaissent sans maquillage et avec leur vrai nom dans cette fiction qui nous mène dans une région montagneuse, donc difficile d’accès et potentiellement dangereuse – pour ne pas dire : comme le cinéma pour le réalisateur iranien, interdit de sortir d’un pays où il lui est, de surcroît, difficile de tourner dans des lieux trop visibles. Lors de la présentation au dernier Festival de Cannes, Amin Jafari, son directeur de la photographie, expliquait : « Jafar Panahi prépare toujours deux scénarios : le scénario du film et le scénario qu’il doit suivre pour éviter les problèmes sur le tournage… »

« Trois Visages », des allusions et des allégories

Dans Trois Visages, Panahi transforme tout en allusion et allégorie. La voiture qui monte une petite route sinueuse dans les montagnes « remplace » la caméra. Cette voiture-caméra regarde par le pare-brise et les fenêtres, fait demi-tour, accélère, s’arrête, se « repose » quand Panahi s’allonge sur le siège du conducteur pour dormir… Pour enquêter et se faire comprendre, il ne suffit plus de parler le persan. Il faut savoir communiquer en azéri-turc iranien et connaître le code de klaxons pour éviter de se retrouver coincé sur la route montagneuse si étroite.

Qui est donc cette jeune fille qui s’est filmée dans une grotte, le foulard sur la tête, la peur dans les yeux et la corde autour du cou ? Est-elle réellement morte ? A-t-elle déshonoré sa famille en aspirant à devenir actrice ou en se suicidant ? Apparemment, c’était la plus intelligente du village, avec un problème : « Elle n’arrivait pas à se taire ». Comment déjouer les pièges de l’apparence ? Dans le village, l’actrice Jafari est connue de tous et le réalisateur Panahi de personne. Ensemble, ils y rencontreront la poésie, l’humour et les problèmes d’un Iran éternel et actuel. Une vieille femme a déjà creusé sa tombe. Une danseuse est traitée comme une pestiférée. Le frère de la jeune fille est en rage contre son désir de devenir actrice. Un taureau blessé bloque la seule route d’accès et risque de ne plus pouvoir honorer les vaches…

Simple, naturel et libre

Le tout est raconté brillamment, avec une économie de moyens, une sensibilité et une intuition hors pair, propre à l’œuvre de Jafar Panahi. Il arrive à fusionner le jeu des acteurs avec leur environnement et le sujet du film. Tout semble simple, naturel et viscéralement libre. Manifeste d’un cinéaste qui ne se laisse pas enfermer dans son pays.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Partager :
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.