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Festival de Cannes 2017 / Cinéma / Nouvelles Technologies

La réalité virtuelle anoblie par le Festival de Cannes 2017

Ce n’est plus un phénomène en marge réservé à quelques geeks. Pour le cinéma, la réalité virtuelle s’est transformée en futur prometteur promu par de très grands cinéastes. Dernière consécration : le Festival de Cannes a programmé avec Alejandro Gonzalez Inarritu pour la première fois un film en réalité virtuelle en sélection officielle. Et dans l’espace « Next » dédié aux nouveaux médias, près de 80 films en VR (Virtual Reality) attendent les visiteurs du plus grand marché du film au monde à partir de ce mercredi 17 mai. Petit état des lieux avant le lancement de la fusée Cannes.

« The Enemy », une expérience immersive et collective en réalité virtuelle de Karim Ben Khelifa.
« The Enemy », une expérience immersive et collective en réalité virtuelle de Karim Ben Khelifa. Siegfried Forster / RFI
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Le petit sac à dos est vite oublié, comme les lunettes virtuelles dont le poids tire au début un peu sur la tête. Mais dès le premier pas entrepris physiquement dans ce monde virtuel, le sens de la réalité se décale. Sans appel et irrésistiblement, on est projeté dans l’univers de The Enemy. Sur 300 mètres carrés, la réalité virtuelle se trouve littéralement en marche.

« The Enemy » nous appelle

« On n’est pas dans une réalité virtuelle statique, explique Karim Ben Khelifa, journaliste, correspondant de guerre et réalisateur du projet The Enemy. On marche sur 300 mètres carrés, on s’approche des combattants, les combattants viennent à nous, ils nous appellent. Il y a une interaction qui est presque physique. Ça, c’est assez différent de ce qui est fait aujourd’hui en réalité virtuelle. Un film est projeté, là, on vous projette dedans et vous vous déplacez à l’intérieur. »

Des combattants en hologramme, à deux doigts de nous, nous racontent les deux côtés de la guerre au San Salvador, au Congo ou entre Israéliens et Palestiniens. Une première mondiale. Une première œuvre de création en réalité virtuelle procurant une expérience immersive et collective. Le 15 mai, à l’Institut du monde arabe, quelques élus ont pu vivre cet événement en VR qui repousse les frontières, avant l’ouverture officielle de The Enemy, le 18 mai.

« Next », la réalité virtuelle au Festival de Cannes

Entre-temps, le Festival de Cannes ouvre ses portes ce mercredi 17 mai. Au plus grand Festival de cinéma au monde, on ne pourra pas se déplacer physiquement à l’intérieur d’un film, mais à l’intérieur de l’espace Next. Au sein du plus grand marché du film, Next propose un focus sur la réalité virtuelle, avec dix exposants, des conférences, cinq séances de réalité virtuelle par jour et une VR-Library avec près de 80 films en réalité virtuelle.

« On a aussi une salle de cinéma qu’on aime bien traiter comme une vraie salle, remarque fièrement Julie Bergeron, chargée des programmes au Marché du film au Festival de Cannes. 30 personnes peuvent y vivre, de manière simultanée, une expérience collective, comme dans une salle de cinéma. »

Julie Bergeron ressent très clairement l’engouement croissant de plus en plus d’acteurs de l’industrie du cinéma et de réalisateurs pour cette nouvelle technologie dont les spectateurs se distinguent du public habituel du cinéma : « C’est un public assez jeune. Je pense qu’il y a encore une certaine réticence des cinéphiles purs et durs qui ont des difficultés à imaginer qu’on puisse voir un film comme ça, sur un téléphone, dans un masque. Et il est vrai, pas tous les films sont réussis… À Next, j’espère qu’on arrive à convaincre les gens. »

VR, le monde de l’avenir

Pour Louis Cacciuttolo, « le monde de la réalité virtuelle est le monde de l’avenir. Le fondateur de VRrOOM, une plateforme consacrée à la réalité virtuelle, y croit, même si on est encore à la préhistoire de la réalité virtuelle. »

À Béziers, dans l’Hérault, il a acheté le théâtre du Minotaure pour y proposer, de temps à autre, sur quatre stations la réalité virtuelle de toutes sortes : immersive, interactive, contemplative… Au Festival de Cannes, il a participé à la programmation de la réalité virtuelle et transmettra en livestreaming sur le site web vrroom.buzz intégralement toutes les conférences de Next sur la réalité virtuelle et des interviews en 360 degrés.

Pour transmettre la réalité virtuelle, le Festival de Cannes collabore aussi avec Diversion Cinéma, pionnier de l’idée de montrer la réalité virtuelle d’une manière collective. Cette société de diffusion a commencé en 2016 à programmer d’une façon régulière des films en VR au Forum des Halles et au Louxor de Paris. Et elle a réussi à transformer l’expérience de la réalité virtuelle - conçue au départ pour le home entertainment en ligne - en une expérience cinématique et collective. Dans leurs deux salles, plus de 10 000 spectateurs ont déjà goûté à ce « panaché des meilleures expériences du moment ». Et souvent, les productions françaises se retrouvent parmi les meilleures :

« Sergent James », un film en réalité virtuelle, écrit et réalisé par Alexandre Perez.
« Sergent James », un film en réalité virtuelle, écrit et réalisé par Alexandre Perez. FLORÉAL FILMS

Une belle production VR en France

« En France, on est parti assez tôt et assez fort en production VR, notamment grâce à des acteurs comme Arte, le CNC ou France Télévision, raconte Camille Lopato, la fondatrice de Diversion Cinéma. Ces productions font partie des plus belles expériences existantes en réalité virtuelle. Je pense à des films comme I Philip de Pierre Zandrowicz ou Sergent James d’Alexandre Perez. En France, on est assez fort en storytelling, en racontant des histoires, à écrire des projets. Et on continue à être très représenté sur la scène internationale de la réalité virtuelle. »

Dans Sergent James, un court métrage en réalité virtuelle présenté entre autres au Louxor, à Paris, le réalisateur Alexandre Perez propose une expérience extrêmement cinématographique à 360 degrés. Situé entre réalité et fiction, le film raconte l’interaction entre un enfant et une « présence » cachée sous son lit : « Cette présence est le spectateur. Donc tout de suite s’installe une forme de dialogue entre le personnage que j’ai écrit et le spectateur qui découvre le film. C’est un cache-cache, un jeu entre l’enfant et la présence. »

« Sergent James », un cache-cache entre un enfant et une présence

Dans son cinquième court métrage, le jeune cinéaste donne au spectateur un rôle trouble oscillant entre spectateur-acteur et spectateur-observateur. Faut-il réapprendre le cinéma pour raconter une histoire en réalité virtuelle ? « Non, mais il faut réadapter son prisme de lecture. Il ne faut pas tout abandonner. Au contraire, pour la mise en scène, on va utiliser les techniques traditionnelles : la musique, le déplacement du comédien, la lumière… La vraie nouveauté est qu’on arrête d’écrire le film pour une généralité, pour un groupe ou une expérience collective. On l’écrit pour quelqu’un. Il y a un rapport d’intimité beaucoup plus fort avec le spectateur. Après, notre équipe a été composée à la fois par une équipe traditionnelle et une équipe spécialisée dans la composition d’images en 360 degrés. O a évalué ensemble vers ce nouveau médium. »

Avec Alejandro Gonzalez Inarritu, « la réalité virtuelle est déjà un art »

Au Festival de Cannes, cette évolution sera accélérée par la présence de Carne y arena (Chair et Sable), une installation cinématographique en réalité virtuelle du réalisateur oscarisé Alejandro Gonzalez Inarritu. Une première très remarquée en sélection officielle et ouvertement félicitée par le délégué général Thierry Frémaux : « la réalité virtuelle est déjà un art ».

Karim Ben Khelifa se montre très content de cette première d’Inarritu à Cannes : « C’est l’innovation, c’est avancer dans l’inconnu et créer de nouvelles règles de narration qui ne sont pas celles du cinéma. » « J’ai hâte de voir le film, confie aussi Alexandre Perez, parce que ce n’est pas juste un coup d’essai. Inarritu travaille depuis trois ou quatre ans sur le projet. Il a la force de frappe de son nom et du Festival de Cannes pour éduquer les gens pour cette nouvelle technologie. »

Un enthousiasme partagé par Camille Lopato de Diversion Cinéma : « La réalité virtuelle a besoin de plus de productions, plus de diversité dans ce qui est produit, plus d’inventivité, plus de création, plus de créateurs et plus d’argent [rires]. Donc, la présence d’un film en réalité virtuelle dans la sélection officielle est extrêmement bon signe. »

« Carne y arena » (« Virtually present, physically invisible »), une installation cinématographique en réalité virtuelle du réalisateur oscarisé Alejandro Gonzalez Inarritu, en sélection officielle du Festival de Cannes.
« Carne y arena » (« Virtually present, physically invisible »), une installation cinématographique en réalité virtuelle du réalisateur oscarisé Alejandro Gonzalez Inarritu, en sélection officielle du Festival de Cannes. Alejandro Gonzalez Inarritu

La technologie et les contenus, Hollywood, Amazon et Oculus

Pour Julie Bergeron de Next, la présence du film d’Inarritu en sélection officielle ouvrira surtout à beaucoup de gens les yeux pour ce qui existe déjà :« La prochaine étape est d’avoir des contenus. Il y a des milliards de dollars qui ont été investis dans la technologie, il y a des géants comme Amazon ou Oculus [rachetée par Facebook en 2014 pour 2 milliards de dollars, ndlr]. Next propose une conférence autour de cette relation qui se noue entre le Silicon Valley, donc des sociétés de technologie, et des créateurs de contenus, des studios américains. Il y aura, par exemple, Eric Darnel, le réalisateur de Madagascar a fait avec ses Baobab Studios plusieurs films d’animation en réalité virtuelle comme Invasion !. Kathryn Bigelow [Oscar pour Démineurs, ndlr] est très attendue avec son documentaire The Protectors, tourné en réalité virtuelle. Donc cette relation entre les studios et la Silicon Valley se développe. »

La course aux expériences cinématographiques du futur est donc lancée. Une raison de plus de ne pas perdre de vue les risques éthiques de cette nouvelle technologie, remarque Louis Cacciuttolo : « La réalité virtuelle peut très facilement tromper le cerveau humain. Il faut savoir jusqu’où l’on peut emporter le spectateur sans qu’il se perde. »

RFI au Festival de Cannes 2017 : nos articles, éditions, émissions, photos et vidéos

Next, l’espace dédié à l’innovation et à la réalité virtuelle au Festival de Cannes, du 17 au 21 mai
The Enemy, installation en réalité virtuelle de Karim Ben Khelifa, du 18 mai au 7 juin, à l’Institut du monde arabe

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