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Histoire

26 avril 1924: une loi aux origines de la réinsertion professionnelle des handicapés

Permettre aux invalides de la Grande Guerre de reprendre une part active dans la vie de la nation en temps de paix, telle était la gageure d’une loi fondatrice pour la politique française d’insertion par l’activité économique des handicapés.

Hôpital militaire français pendant la Première Guerre Mondiale
Hôpital militaire français pendant la Première Guerre Mondiale © Yelkrokoyade, Public domain, via Wikimedia Commons
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Entre 1914 et 1918, la guerre revêt un caractère industriel. Un soldat français sur six est tué au combat, un sur trois est blessé. Plus de 600 000 hommes reviennent invalides – ce chiffre ne tenant pas compte des traumatisés de guerre, dont le nombre reste inconnu, faute de diagnostic sérieux et de reconnaissance de la part des autorités civiles ou militaires.

L’ampleur du désastre a des conséquences majeures sur la chirurgie faciale et change le regard sur le handicap. Elle pose aussi de nombreuses questions financières – à l’égard des veuves, des pupilles de la nation et des mutilés, auxquels il convient d’attribuer des pensions. La loi du 31 mars 1919 y pourvoit pour ces trois catégories. La pension d’invalidité est calculée en fonction du grade et de la difficulté à retrouver son emploi.

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De la réparation à la réinsertion

Pour autant, face au nombre de pensionnés, la question se pose aussi de leur réinsertion dans la vie civile. Dès avril 1916, une loi a réservé des emplois aux mutilés de guerre dans l’administration. En janvier 1918, un accès gratuit leur a été accordé aux centres de formation professionnelles. Ces mesures ne suffisent pas.

Dès 1915, un projet de loi a été déposé par un député socialiste afin d’instaurer l’emploi obligatoire des mutilés de guerre, sur la base de leur invalidité physiologique. En 1919, le radical-socialiste Albert Sarraut en propose un autre en tenant compte cette fois de la capacité professionnelle des personnes concernées. Le premier projet plaît à la chambre des députés quand le second, plus conservateur, a la faveur du Sénat.

C’est une hybridation des deux projets qui est finalement adoptée le 26 avril 1924 sous la pression d’une gouvernement de centre-droit, pressé d’en finir avec un sujet qui occupe les débats parlementaires depuis près de dix ans. Elle prévoit l’embauche de 10 % d’invalides de guerre pour les entreprises privées de plus de dix employés.

Contraindre plutôt qu’inciter, au prix de nombreuses dérogations

Le pourcentage choisi n’est le fruit d’aucune étude statistique poussée et du côté du patronat on n’hésite pas à le contester en produisant des chiffres plus ou moins sérieux, avec pour seul objectif d’amoindrir la charge.

Un délai de deux ans est accordé aux entreprises pour appliquer la loi. Du reste, aucune création de poste n’est prévue pour sa mise en œuvre censée se faire au gré des vacances de poste. On adoucit la contrainte au moyen d’un large système dérogatoire, prévoyant une redevance pour les sociétés qui n’auront pas atteint leur quota. Il s’agit en réalité d’une amende, mais elle n’est pas assez élevée pour être dissuasive.

Le patronat y voit une manière pour l’État, non seulement de reporter sur le secteur privé une part de ses responsabilités, mais aussi de financer par cette taxe le milliard de francs du budget des pensions. On évoque aussi le choix fait par la Grande-Bretagne qui, dans une logique libérale, incite les entreprises à recruter des invalides de guerre, sans toucher à la liberté d’embaucher.

Une loi pionnière mais peu respectée

Il reste que la loi ne sera jamais fermement appliquée. Elle servira pourtant de modèle aux politiques du handicap du second après-guerre, avec en 1957 la reconnaissance du statut de travailleur handicapé – sans plus de distinction désormais sur l’origine du handicap, civil ou militaire.

En 1975, deux lois créent les commissions techniques d’orientation et de reclassement professionnel (COTOREP) et l’allocation aux adultes handicapés (AAH). D’autres suivront en 1987 et 2005, sans toutefois assurer la pleine réinsertion par le travail des personnes handicapées.

En 2022, seules 38% d’entre elles étaient en emploi, un pourcentage presque deux fois moindres que pour l’ensemble de la population. Elles représentaient 7,1% des personnes en âge de travailler mais seulement 4% des personnes en emploi. Dans l’ensemble de l’Union européenne, l’écart est moindre – 51 % de personnes handicapées en emploi contre 71 % de la population globale.

Le Conseil européen s’est par ailleurs montré très sévère avec la France quant à ses résultats e matière de handicap. D’autres pays se sont inscrits dans le sillon du modèle britannique, en favorisant une approche par les droits basée sur la non discrimination et l’égalité des chances, avec des résultats probants, notamment au Danemark ou en Italie. C’est d’ailleurs la stratégie choisie pour la décennie 2020 par la Commission européenne.

 

 

 

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