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Histoire

27 janvier 1945: l’Armée rouge découvre Auschwitz

En octobre 2002, à l’invitation de Simone Veil, présidente d’honneur de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et ancienne présidente du Parlement européen, les ministres des États membres du Conseil de l’Europe décident d’instaurer une journée internationale à la mémoire des victimes de l’Holocauste. La France et l’Allemagne choisissent le 27 janvier, donnant à la découverte du centre de mise à mort d’Auschwitz le 27 janvier 1945 une portée symbolique sans équivalent.

Des soldats soviétiques soutiennent des survivants. La plus célèbre image d'une des sept femmes photoreporteurs de l'Armée rouge prise fin janvier 1945 à l'entrée du camp d'Auschwitz.
Des soldats soviétiques soutiennent des survivants. La plus célèbre image d'une des sept femmes photoreporteurs de l'Armée rouge prise fin janvier 1945 à l'entrée du camp d'Auschwitz. © Olga Vsevolodovna Ignatovitsj, Public domain, via Wikimedia Commons
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En Allemagne, depuis 1996, cette date était commémorée comme Der Tag des Gedenkens an die Opfer des Nationalsozialismus (la journée de la mémoire des victimes du national-socialisme). L’Italie l’avait aussi choisie en 2000, après avoir examiné d’autres options : celle du 16 octobre 1943, la grande rafle de Rome, qui rappelait l’implication des fascistes dans la déportation des juifs, et celle du 5 mai, découverte du camp de Mauthausen, qui insistait davantage sur les déportés politiques.

En novembre 2005, l’Assemblée générale des Nations unies s’est engagée à son tour à commémorer cette journée, donnant à l’événement une portée mondiale. Certains pays ont placé une journée nationale à une autre date, comme la Roumanie, qui rappelle le 9 octobre le début de la déportation des juifs vers la Transnistrie, en 1942. Aujourd’hui pourtant, celle qui est désormais appelée en France la Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité fait largement consensus.

Pourquoi Auschwitz ?

Auschwitz a été l’un des six centres de mise à mort nazis, tous situés sur l’actuel territoire polonais, le seul, avec Chelmno qui, à cette époque, se situe sur des terres annexées par l’Allemagne. La plupart ont été rasés entre 1943 et 1944. Pour autant, le camp de Majdanek, dans les environs de Lublin, a donné à voir les mécaniques d’assassinat, notamment les chambres à gaz. Découvert par les Soviétiques à l’été 1944, il a fait l’objet d’un film.

Il reste qu’un juif sur six tué durant la Shoah l’a été à Auschwitz, un sur trois pour ceux qui sont morts dans les camps. Les Soviétiques ont été si impressionnés par l’ampleur du complexe – 3 camps prévus pour « accueillir » 200 000 personnes – qu’ils ont d’abord avancé le chiffre de 4 millions de victimes ; en fait 1,1 million, dont 90% de juifs.

En aucun autre lieu, l’industrialisation du génocide n’a pris une telle ampleur : on estime à 900 000 le nombre des personnes assassinées le jour de leur arrivée. Le camp souche, Auschwitz I, est créé en juin 1940, il est complété en octobre 1941 par Auschwitz II-Birkenau, de loin le plus important, d’abord conçu pour les prisonniers soviétiques, mais très vite dédié à la mise à mort des juifs.

C’est ici que le Zyklon B, destiné initialement à éliminer la vermine, fut détourné pour les meurtres de masse des chambres à gaz. Lors de la découverte du camp, certaines venaient d'être mises en place sans avoir été utilisées : elles ne faisaient plus qu’un avec les fours crématoires destinés à faire disparaître les corps. Les nazis avaient été interrompus au moment même où l’industrialisation du génocide atteignait son apogée.

Le témoignage de Primo Levi

On dénombre encore quarante-cinq camps annexes, mais surtout Auschwitz III (Monowitz) ouvert en mai 1942, un camp de travail pour la société IG Farben. C’est ici qu’arrive le futur écrivain Primo Levi en février 1944. Il raconte la période de la libération dans le dernier chapitre de Si c’est un homme (1947) et surtout au tout début de La Trêve (1963).

« À l'infirmerie du camp de Buna-Monowitz, se souvient-il, nous étions restés huit cents. Cinq cents environ moururent de maladie, de froid et de faim avant l'arrivée des Russes et deux cents autres, malgré les secours, les jours qui suivirent immédiatement. » Atteint de la scarlatine, Primo Levi n’avait pas été emmené pour la dernière « marche de la mort », dix jours plus tôt, où disparurent nombre de ses camarades.

« La première patrouille russe arriva en vue du camp vers midi », poursuit-il, soulignant chez eux ce qu’il perçoit comme « un sentiment confus de gêne » et qui n’était sans doute que l’extrême lassitude d’hommes qui, après avoir traversé nombre de territoires à l’Est occupés par les nazis, avaient déjà été plus souvent qu'à leur tour confrontés à la réalité des massacres de masse.« Il n’y avait pas un village qui n’ait connu cette horreur, cette tragédie, cette souffrance », se souviendra ainsi un officier.

Du reste, les survivants sont eux-mêmes trop hébétés pour manifester la moindre liesse : « Peu d'entre nous coururent au-devant de nos sauveurs, peu tombèrent à genoux. […] Devant la liberté, nous nous sentions perdus, vidés, atrophiés, inaptes à tenir notre rôle. » La plus grande surprise de Primo Levi est de découvrir que le camp de Monowitz, qui comptait quelque 12 000 habitants avant son évacuation, n’était qu’un « village » en comparaison de Birkenau, où il pénètre pour la première fois. L’endroit, qui ne compte plus que 6 000 survivants, n'en paraît que plus immense.

Une prise de conscience immédiate mais partiale 

Immédiatement cependant, les militaires du premier front ukrainien qui sont arrivés là par hasard comprennent qu’ils ont affaire à des structures hors norme. Des opérateurs de cinéma sont dépêchés quelques jours plus tard. Les survivants sont pour beaucoup interrogés, mais aussi soignés, les installations font l’objet d’enquêtes méticuleuses.

Si les Soviétiques surestiment largement le nombre des victimes, la judéité de l’écrasante majorité d’entre elles est gommée dans le montage du film présenté au public. Dans l’article publié sur la Pravda le 2 février, et repris quelques jours plus tard dans un journal destiné à la communauté juive en Grande-Bretagne, le reporter Boris Polevoi évoque des travailleurs « victimes du fascisme ».

En France, cette découverte ne fait pas les gros titres. Ce sont les camps de l’Ouest, d’où reviennent beaucoup de déportés français, qui retiennent l’attention. Pour autant, la réalité des centres de mise à mort était connue des services secrets à l’Ouest dès le début de l’année 1942. En avril 1944, deux juifs slovaques qui étaient parvenus à s’évader avaient même fourni un rapport détaillé sur Auschwitz, qu’un avion allié devait photographier un mois plus tard.

En 1947, quand un musée est ouvert par l’État polonais, ce sont encore les ressortissants des pays de l’Europe de l’Est qui sont mis en valeur. Il a fallu attendre 2015 et le 70e anniversaire de la découverte du camp pour qu’un pavillon grec soit mis en place. Pourtant, la quasi-totalité de la population juive de Thessalonique fut assassinée en 1943, dont une grande partie à Auschwitz.

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