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ENTRETIEN

Monarchie britannique: quel pouvoir, quelle organisation?

Près d’un millénaire après le sacre de Guillaume le Conquérant en 1066, le Royaume-Uni s’apprête à couronner son 45e monarque, Charles III. Quelle est l’histoire de la monarchie britannique et comment s’inscrit-elle dans la vie du pays ? Quelles sont les règles de succession au trône ? Quelles sont les fonctions du monarque ? Ses pouvoirs ? Comment la couronne est-elle financée ? Philippe Chassaigne, professeur d'histoire contemporaine et spécialiste de la Grande-Bretagne, répond aux questions de RFI.

La couronne impériale d'apparat est posée sur le cercueil de la reine Élisabeth II lors de ses funérailles, le 14 septembre 2022, à Londres, au Royaume-Uni.
La couronne impériale d'apparat est posée sur le cercueil de la reine Élisabeth II lors de ses funérailles, le 14 septembre 2022, à Londres, au Royaume-Uni. © Max Mumby / Indigo / Getty Images
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Depuis quand la monarchie britannique existe-t-elle ?

L'unification sous l’autorité d'un seul monarque se met en place au VIIIe siècle, c’est ce qu’on appelle la dynastie saxonne. En 1066, l'invasion de l'Angleterre par Guillaume le Conquérant marque le début d'un enchaînement de dynasties qui va déboucher sur celle des Windsor, puisque, nonobstant les différents passages de couronne d'une maison à l’autre, il y a toujours un fil conducteur dynastique.

De 1066 à aujourd'hui, les maisons royales issues de Guillaume le Conquérant se sont succédé de façon pratiquement ininterrompue : les Plantagenêt avec Henri II ou encore Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Au XVe siècle, les York et les Lancastre s’affrontent pendant la guerre des Deux-Roses. Pour se rapprocher de notre période, on a la succession bien connue des dynasties des Tudor, de Henry VII en 1485 à Elizabeth 1ère en 1603, puis des Stuart de 1603 à 1714. Il y a eu seulement une période sans monarchie en Angleterre, de l'exécution de Charles 1er à la hache devant le palais de Westminster en 1649, pendant la Grande Rébellion, à la restauration de la monarchie en 1660 avec Charles II, le fils du roi décapité.

La maison des Hanovre arrive sur le trône britannique en 1714. Cette dynastie allemande est choisie par le Parlement parce qu’elle est apparentée à Jacques 1er, mais surtout parce que ce sont des protestants. Elle durera jusqu’à la mort de la reine Victoria en 1901. Son fils aîné devient roi sous le nom d'Édouard VII, et comme Victoria de Hanovre avait épousé Albert de Saxe-Cobourg-Gotha en 1840, Édouard VII est donc Édouard de Saxe-Cobourg-Gotha. La maison de Saxe-Cobourg-Gotha change de nom en 1917 quand George V préfère abandonner le nom de sa lignée qui sonne comme un nom trop allemand. Il choisit alors un nom bien anglais, la maison de Windsor.

À écouter aussi : À quoi servent les monarchies ?

Comment fonctionne l’ordre de succession au trône britannique ?

La règle générale est basée sur le système d'hérédité par primogéniture : c’est le premier né du souverain en titre qui monte sur le trône. Si le souverain n'a pas de descendant, la couronne passe à son cadet, frère ou sœur. Mais ce processus a connu plusieurs remaniements au fil du temps.

À partir du début du XVIIIe siècle, l'ordre de succession doit être validé par le Parlement. Pour comprendre, il faut retourner à l’époque du roi Jacques II qui est détrôné après la révolution de 1688. Jacques II avait deux épouses. De son union avec la première, il a eu deux filles : Marie II Stuart et Anne. Marie n'a pas eu d'enfant avec son époux Guillaume III et, à la mort de celui-ci, la couronne est passée à Anne. Mais cette dernière n'ayant pas d'enfant survivant et son mari étant décédé, à qui ira la couronne après sa mort ?

De sa seconde union avec Marie de Modène, Jacques II a eu un fils : Jacques François Stuart. Jacques II et Marie de Modène étant catholiques, leur fils est élevé dans la foi de ses parents. Logiquement, à la mort de la reine Anne, la couronne aurait dû revenir à son demi-frère Jacques François Stuart. Mais il est catholique, ce qui est insupportable pour une nation protestante. Ainsi en 1701, le Parlement adopte alors une loi qui tort le bras à la règle de succession par primogéniture et au plus près de la couronne : en cas de décès de la reine Anne, la couronne reviendra à la princesse-électrice Sophie de Hanovre, une petite fille de Jacques 1er Stuart. Si elle est beaucoup plus éloignée de la couronne que le fils en deuxième noce de Jacques II, elle est de foi protestante. Mais Sophie de Hanovre décède avant la reine Anne, c’est donc son fils George de Hanovre qui devient roi en 1714 sous le nom de George 1er.  

Le roi déchu Jacques II est accueilli au château de Saint-Germain-en-Laye en 1690, après avoir fui l'Angleterre avec son épouse Marie de Modène et leur fils, le prince de Galles. Eau forte, Amsterdam, 1691.
Le roi déchu Jacques II est accueilli au château de Saint-Germain-en-Laye en 1690, après avoir fui l'Angleterre avec son épouse Marie de Modène et leur fils, le prince de Galles. Eau forte, Amsterdam, 1691. © Sepia Times/ Universal Images Group via Getty Images

À partir de ce moment-là, tout changement dans l’ordre de succession doit être ratifié par le Parlement britannique, mais également par tous les parlements des royaumes du Commonwealth qui ont le souverain britannique comme chef d'État. C'est la raison pour laquelle en 1936, Édouard VIII n'a pas eu d'autre choix que d’abdiquer, aucun des parlements n’acceptant d’avoir Wallis Simpson comme reine. Et la couronne est passée à son frère cadet George VI.

En 2013, le Parlement britannique vote une nouvelle loi modifiant les règles de succession à la couronne. D’une part, elle abolie la règle initiale basée sur la primogéniture mâle qui faisait passer les enfants de sexe féminin après les enfants de sexe masculin. Les femmes n'étaient pas empêchées de ceindre la couronne comme dans la royauté française, mais elles passaient après les enfants de sexe masculin. D’autre part, elle abolie la règle stipulant que pour épouser une personne de religion catholique, il faut renoncer à son rang dans l’ordre de succession. En 1830, les catholiques obtiennent l'égalité des droits politiques et depuis, le risque de voir le catholicisme revenir comme religion du monarque est extrêmement faible. Cette pratique n'avait donc plus lieu d'être.

Comment est-on passé d’une monarchie absolue à une monarchie constitutionnelle ?

Entre 1625 et 1688, il y a des affrontements soit ouverts ─ la guerre civile et la Grande Rébellion (1642-1651) - soit larvés entre la Couronne et le Parlement pour savoir qui va dominer l’autre. Après la Glorieuse Révolution (1688-1689), le pouvoir passe définitivement entre les mains du Parlement. Cela est dû au fait qu’à partir de 1689, le Parlement détient les cordons de la bourse et contrôle les dépenses de la monarchie par le biais de la Civil List (liste civile), et qu’aucun impôt ne peut être levé sans l’accord du Parlement. À ce moment-là, le balancier penche définitivement en faveur du Parlement, même si ça ne veut pas dire que le roi n'a pas de pouvoir.

C’est sous le règne de Victoria que la fonction monarchique s'est progressivement vidée de son contenu et ce pour plusieurs raisons. D’abord parce que l’époux de Victoria, Albert de Saxe-Cobourg-Gotha, lui a fait comprendre que l'attrait de la monarchie était de se placer au-dessus des luttes partisanes, au-dessus des partis politiques. Ensuite, parce Victoria s'est retirée de la vie publique pendant les dix années qui suivirent la mort de son mari en 1861, totalement dévastée par son veuvage, et par conséquent, les pouvoirs non utilisés se sont flétris. Enfin, dernier élément, la réforme électorale de 1867 qui élargit considérablement le droit de vote et à partir de laquelle se mettent en place les partis politiques tels qu'on les connaît aujourd'hui : le Parti conservateur et le Parti libéral, le Parti travailliste arrivant un peu plus tard, en 1906. Ces partis sont des machines à gagner des élections et, à partir de 1967-1970, il y a dans la très grande majorité des cas un parti qui a la majorité absolue à la Chambre des communes. Le souverain ne n'a pas d'autre possibilité que de nommer le chef de file de ce parti comme Premier ministre. En perdant toute latitude dans le choix du chef du gouvernement, cela signe en quelque sorte de la fin de l'influence politique que pouvait avoir le monarque britannique.

À lire aussi : D’Elizabeth II à Charles III: un monarque sans pouvoir

Si le monarque n’a pas de pouvoir politique, quelles sont ses fonctions ?

En théorie, il en a beaucoup. Il nomme le Premier ministre, mais comme nous venons de l’expliquer, il n'a d’autre choix que de nommer le chef du parti sorti vainqueur des élections. La nomination des ministres se fait également par « suggestion » du chef du gouvernement. Il donne également son consentement à toute loi promulguée par le Parlement. D’ailleurs, le dernier monarque à s’être opposé à une loi est la reine Anne en 1708. Il peut dissoudre le Parlement mais là encore, il le fait à la demande du Premier ministre en titre ou s’il y a une crise politique. À l’occasion de l'ouverture de la session parlementaire, il prononce le discours du trône qui est rédigé par le Premier ministre. Elizabeth II a, au cours de son règne, successivement annoncé des nationalisations, des privatisations, des renationalisations, des privatisations suivant les politiques mises en place par ses différents Premiers ministres.  

En tant que chef de l'Église anglicane, il nomme les évêques et archevêques. Mais en réalité, les choix sont arrêtés bien avant par le synode de l'Église anglicane. Les propositions de nominations lui sont transmises par le Premier ministre pour qu’il les promulgue.

Il en va de même pour le rôle de chef des Armées. Le dernier souverain à avoir mené ses troupes au combat est George II. Au cours de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, les rois George V et George VI ont rendu visite aux soldats sur le front pour soutenir le moral des troupes. Mais c'est tout. Pendant la Seconde Guerre mondiale, c’est Churchill qui déterminait les plans. Et au moment de la guerre des Malouines, la stratégie britannique a entièrement été déterminée par Margaret Thatcher et les membres du gouvernement.

En ce qui concerne le rôle diplomatique, toutes les visites effectuées par le souverain se font à la demande du gouvernement. Ce n'est pas Charles III qui a décidé de consacrer ses premières visites d'État à la France puis à l’Allemagne. C’est le gouvernement de Rushi Sunak qui a estimé que c'était un geste fort de montrer que, malgré le Brexit, la Grande-Bretagne ne tournait pas le dos au continent européen.

Le monarque est le chef d’État du Royaume-Uni, il incarne l'unité de la nation dans son intégralité. C’est une figure de proue. Mais en réalité, il n’a aucune marge de manœuvre. Tous ses faits et gestes sont déterminés par le gouvernement, ce n'est pas lui qui en est à l'initiative. D'ailleurs Charles qui, en tant que prince de Galles, ne se privait pas de faire connaître ses avis aux différents ministres, avait dit il y a déjà longtemps que le moment venu, il ne serait pas un souverain qui interviendrait dans les affaires politiques. Il avait bien compris que ce qu'il pouvait faire en tant que prince de Galles, il ne pourrait plus le faire en tant que souverain.

Comment s’organise la relation entre le monarque, le gouvernement et le Parlement britanniques ?

Le souverain britannique a trois droits : le droit d'être informé, qui sont les audiences hebdomadaires que le souverain accorde à son Premier ministre et pendant lesquelles celui-ci lui expose toutes les affaires de la nation ; le droit d'être informé qui se traduit par le fait que chaque jour, le monarque reçoit tous les documents d'État. On dit d’ailleurs que Charles III travaille à la consultation des documents les plus importants jusqu'à 21h-21h30, avant d'aller se coucher. Le deuxième droit est le droit d'encourager : le souverain peut dire « oui, c'est une bonne mesure appliquée là. » Enfin, le troisième droit qui est le droit de mettre en garde et d’attirer l'attention du Premier ministre sur telle ou telle mesure que le monarque considérait comme n'étant pas forcément appropriée. Mais rien n’oblige le Premier ministre à suivre les conseils du monarque. Par exemple, en 1956, lorsque le Premier ministre Anthony Eden a présenté le projet militaire conjoint avec les Français et les Israéliens pour réoccuper le canal de Suez, la reine Élisabeth II lui aurait dit « Êtes-vous sûr que c'est une bonne idée ? », et il lui aurait répondu « oui, c’est une bonne idée ». Et on connaît la suite qui était un succès militaire mais un fiasco diplomatique.

Qu’est-ce que le Commonwealth ?

Le Commonwealth peut être décrit comme ce qui a remplacé l'Empire colonial britannique. Ce n'est pas faux, mais pas totalement exact non plus. Il faut distinguer les deux éléments suivants : il y a d'un côté les quatorze États qui ont le souverain britannique comme chef d'État et de l’autre, les États membres qui n'ont aucun lien institutionnel avec la Grande-Bretagne.

Le premier d'entre eux a été l'Inde qui gagne son indépendance en 1947 et devient une république en 1950. Le président de la République indien, Nehru, a manifesté le souhait de voir son pays intégrer le Commonwealth. À l’époque, le gouvernement britannique et George VI ont considéré qu’il était préférable de conserver de bons rapports avec l’Inde plutôt que de lui en interdire l'entrée. Pour Nehru, être membre du Commonwealth, c'était l'indépendance avec quelque chose en plus.

La reine Elizabeth II et le prince Philip, duc d'Édimbourg, rencontrent des Ghanéens dans le cadre d'une visite d'État à Accra au Ghana, le 17 novembre 1961.
La reine Elizabeth II et le prince Philip, duc d'Édimbourg, rencontrent des Ghanéens dans le cadre d'une visite d'État à Accra au Ghana, le 17 novembre 1961. © AFP

La plupart des anciennes colonies britanniques ont intégré le Commonwealth, en particulier les colonies britanniques d'Afrique noire. D’autres l’ont quitté, comme l’Afrique du Sud qui s’est proclamée république en 1961 parce qu’elle ne supportait pas la majorité noire de l’organisation alors qu’elle pratiquait la politique de ségrégation raciale. Le pays a été réintégré en 1994 à la fin de l’apartheid.

Le Commonwealth attire aussi des pays qui n'ont jamais été des colonies britanniques comme le Mozambique, ancienne colonie portugaise, ou encore le Rwanda, ancienne colonie belge. Sa capacité d'attraction vient du fait que le Commonwealth est un forum au sein duquel tous les pays sont égaux, qu’ils soient petits ou grands par la superficie, peuplés ou moins peuplés, qu’ils aient un gros PIB par habitant ou qu’ils soient plus pauvres. Et dans ce cadre-là, la Grande- Bretagne ne représente qu'une voix.

Quelle est la place du monarque dans cette organisation ?

Le souverain britannique est le chef du Commonwealth, mais c’est une position purement honorifique. Il n'a aucune autorité sur les pays membres de l’organisation. La reine Elizabeth II, qui a été cheffe du Commonwealth pendant 70 ans, avait une connaissance extrêmement fine de tout ce qui concernait les pays membres et à plusieurs reprises, elle a joué le rôle de facilitateur pour contribuer dans les coulisses à résoudre telle ou telle tension. Charles a moins d'expérience, mais il a quand même représenté sa mère à plusieurs reprises au cours de la dernière décennie. Il n'est donc pas totalement béotien en la matière.

Il y a trois ou quatre ans, la reine Elizabeth avait exprimé le souhait que le moment venu, ce soit son fils Charles qui devienne chef du Commonwealth, parce qu'il n'est écrit nulle part que le chef du Commonwealth doit être le souverain britannique. Avant elle, le roi de Grande-Bretagne George VI avait été reconnu chef du Commonwealth, les pays membres ayant dû considérer qu’il était plus simple d'avoir une succession héréditaire à la tête de la fonction. Si cela n’avait pas été le cas, il aurait fallu organiser une campagne électorale avec autant de candidats que d’États membres, ce qui aurait davantage fragilisé l'institution que la renforcer.

Le pouvoir effectif de gestion du Commonwealth est exercé par le Secrétaire général, et non le souverain. Selon une autre règle non écrite, aucun des secrétaires généraux du Commonwealth n'est britannique. On a donc un Britannique chef du Commonwealth et un secrétaire général qui est de toutes les nationalités, sauf la nationalité britannique.

Je précise également qu’avec le nouveau règne de Charles III, il est possible que certains royaumes décident de se proclamer république sans pour autant de quitter l’organisation. Être membre du Commonwealth n'implique pas de reconnaitre un quelconque lien dynastique avec le monarque britannique.

Comment la monarchie britannique est financée ?

À chaque début de règne, le monarque remet symboliquement les terres de la Couronne à la nation. Et depuis 2012, la monarchie britannique est financée par le biais d’une provision qui est votée pour plusieurs années : le Sovereign Grant qui remplace la Civil List (liste civile) créée au XVIIIe siècle. Cette dotation royale correspond à 25% des revenus des terres de la Couronne qui sont versés directement au budget britannique. Il n’y a pas que des propriétés foncières, le patrimoine royal est extrêmement diversifié et génère une énorme masse de revenus. Mais il faut quand même savoir que la moitié du cœur de Londres appartient à la Couronne, notamment Regent Street etc. dont les loyers représentent des bénéfices conséquents. Il est donc faux de dire que c’est l'argent du contribuable qui finance la monarchie. Ce n'est pas le produit des impôts mais celui des revenus du Crown Estate (Domaine royal).

À lire aussi : Les finances de la famille royale britannique, l’un des secrets les mieux gardés du Royaume-Uni

Toutefois, l’argent du contribuable est mis à contribution pour la sécurité du monarque et des membres de la famille royale qui est assurée par le ministère de l’Intérieur et les forces de police ; pour les déplacements aériens qui sont assurés par la Royal Air Force, c’est-à-dire le ministère de la Défense. Quand il y avait le yacht, c’est la Marine qui en assurait le coût. Les estimations varient mais le coût ramené par Britannique est minime, il est autour de 1,29 £ (1,50 €) par habitant. Et lorsque le souverain se rend à l'étranger, ce sont les pays hôtes qui prennent en charge les frais.

Pourquoi la monarchie britannique est-elle si populaire au Royaume-Uni ?

La popularité de la monarchie britannique me semble être liée d'abord au fait qu’elle découle en partie de la faiblesse de ses oppositions. Les mouvements républicains ont une audience très limitée. Un exemple est la pétition lancée par les Républicains, demandant l’annulation de la cérémonie du couronnement et l’attribution de l'argent à des dépenses sur le plan économique ou social, n’a récolté que quelques milliers de signatures au lieu des centaines de milliers espérées.

Ensuite, c’est le cérémonial autour de la monarchie qui plaît aux gens et qui renvoie à une époque pas si lointaine où le pays était la première puissance du monde. Il y a encore un siècle, et même au début du règne d'Elisabeth II, malgré la perte de l'Inde, la Grande-Bretagne était le premier empire colonial.

Le fait aussi que par la durée de son règne – cela avait été la même chose pour la reine Victoria - Elizabeth II était perçue comme la grand-mère de la nation. Ce qui était complètement illusoire. Les Britanniques pensaient la connaître, ils voyaient son effigie à peu près partout, des timbres postes aux billets de banque, mais ils ne la connaissaient pas personnellement. Ce sentiment de proximité a également été entretenu par les médias.

Pour Charles, c’est un peu différent. Elizabeth avait 26 ans quand elle est arrivée sur le trône et lui en a 74. Ce n’est pas le même type de rapport qui pourra se créer. On dit le prince de Galles davantage respecté qu’aimé. Son engagement philanthropique et ses convictions écologiques sont connus depuis longtemps et cela lui confère une aura de sympathie. Mais il sera peut-être moins à même de susciter un sentiment entre guillemets « d’amour » comme sa mère, et encore. Lors de son premier bain de foule, lorsqu'il arrive au palais de Buckingham alors qu’il vient de devenir roi, une dame d’une cinquantaine d'années l'embrasse sur les deux joues comme du bon pain. Ce qui est à l’opposé d’Elizabeth II qui imposait davantage de retenue. Elle ne serrait jamais les mains sans porter de gants, tandis que Charles serre les mains allègrement. Je ne serais pas surpris qu’il y ait davantage de Britanniques qui regardent le couronnement que ce que certains sondages d'opinion laissent prévoir aujourd'hui.

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Philippe Chassaigne est professeur d'histoire contemporaine à l'Université Bordeaux Montaigne, spécialiste de la Grande-Bretagne, auteur de Histoire de l'Angleterre, Des origines à nos jours (Flammarion, réédité en 2021).

 

 

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