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23 avril 2013: le mariage pour tous

Mariage entre personnes de même sexe: itinéraire d'une promesse devenue loi

Le 23 avril 2013, la France adopte la loi qui autorise le mariage homosexuel, ouvrant ainsi de nouveaux droits pour les couples de personnes de même sexe, notamment concernant l’adoption et la succession. La fin d'un débat houleux qui a divisé comme rarement la société française, tant dans la rue qu'au Parlement. Retour sur quelques moments clés de la bataille d'idées qu'a suscitées la loi dite du mariage pour tous.

Le premier mariage homosexuel a été célébré à Montpellier le 29 mai 2013, entre Vincent Autin et Bruno Boileau.
Le premier mariage homosexuel a été célébré à Montpellier le 29 mai 2013, entre Vincent Autin et Bruno Boileau. AFP PHOTO/BORIS HORVAT
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Promesse de campagne du candidat François Hollande à l'élection présidentielle de mai 2012, le projet d'ouvrir le mariage civil, et par conséquent l'adoption d'enfants aux couples homosexuels, arrive dans le débat public dès la fin de l'été 2012. Dans un entretien accordé au journal La Croix, Christiane Taubira, garde des Sceaux du gouvernement de François Hollande, précise que le texte permettra aux couples composés de personnes de même sexe de se marier et d'adopter « dans les mêmes conditions que les couples hétérosexuels ». Elle écarte toutefois la procréation médicalement assistée (PMA).

Le projet de loi arrive en Conseil des ministres le 7 novembre qui suit. Quelques jours après, devant les maires de France réunis en congrès, le président de la République évoque la possibilité d'une « liberté de conscience » pour permettre aux maires qui ne souhaiteraient pas célébrer de mariage homosexuel de déléguer ce rôle à d'autres officiers d'état civil. « Liberté de conscience » : la phrase est lâchée. Elle préfigure la nature du débat qui va agiter le pays.

Une évolution majeure de la société

Car si l'acceptation de l'homosexualité est plus grande, avec notamment la loi sur le pacte civil de solidarité (Pacs) en 1999 qui donne une existence légale aux couples de personnes de même sexe, la loi sur le mariage pour tous va plus loin. Elle reconnaît, en effet, que la relation homosexuelle peut s’intégrer au système familial français et à sa conception de la parentalité en ouvrant des droits à ces couples.

Et c'est justement cette égalité de traitement entre hétérosexuels et homosexuels, réclamée par les partisans du mariage pour tous, qui va déclencher un véritable séisme en France. La société a pourtant évolué ces dernières années. L'homosexualité n'est plus un délit depuis 1982. La loi de 1985 sanctionne les discriminations fondées sur les mœurs, celle de 1986 dispose qu'« aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement [...] en raison de ses mœurs ». L'expression de l'homophobie est réprimée depuis 2004. Mais si les homosexuels bénéficient des mêmes droits que les hétérosexuels au nom de l'égalité des citoyens, les choses se compliquent concernant leur place dans la législation sur le mariage, l'adoption ou encore la succession.

Des milliers de partisans du mariage homosexuel manifestent le dimanche 27 janvier 2013 à Paris, espérant faire contrepoids au défilé massif des opposants deux semaines plus tôt.

Manifestation en faveur du mariage gay, le 27 janvier 2013 à Paris.
Manifestation en faveur du mariage gay, le 27 janvier 2013 à Paris. Carina Branco

Artistes, intellectuels, hommes et femmes politiques se mobilisent également ce même jour au théâtre du Rond-Point, à Paris, à la suite de l’appel lancé par l’homme d’affaires Pierre Bergé et le metteur en scène Jean-Michel Ribes. Plusieurs ministres participent à la soirée. 

Je suis hétérosexuel, de confession catholique, mais je reste profondément attaché à une valeur républicaine qui est l'égalité des droits[...] L'amour n'a pas de sexe et c'est l'essentiel pour les enfants[...]

00:56

Témoignage de Jean-Lucas, hétérosexuel, présent à la manifestation pro-Mariage pour tous

Laurence Théault

Le 29 janvier, Christiane Taubira ouvre les débats à l’Assemblée nationale par un discours de trente minutes. Elle rappelle que le mariage a été voulu dans la Constitution de 1791 comme une liberté, détachée du sacrement religieux, et qu'il s'inscrit dans un mouvement de laïcisation de la société. Que le mariage va petit à petit se détacher d'une conception patriarcale de la société qui « fait du mari et du père, le propriétaire et le possesseur du patrimoine, de l'épouse et des enfants » et évoluer vers plus d'égalité pour les époux et pour les enfants. Son projet de mariage pour tous s'inscrit dans cette évolution. « Un acte d'égalité », défend-elle. « Nous sommes fiers de ce que nous faisons », assume-t-elle devant les députés, citant l'écrivain guyanais Léon-Gontran Damas : « L'acte que nous avons à accomplir est beau comme une rose dont la Tour Eiffel assiégée à l'aube voit s'épanouir enfin les pétales. »

Le mariage de personnes de même sexe, un sujet clivant

En réaction, une prière contre les « forces du mal » est organisée à quelques encablures de l'Assemblée nationale, à l'appel de l'institut Civitas, association catholique traditionaliste. « Oui à la famille, non à l'homofolie », « Le mariage, 1 homme et 1 femme », sont quelques-unes des pancartes brandies par les manifestants réunis afin d'alerter sur cette loi qu'ils qualifient de « contre-nature ». « Je vous salue Marie pleine de grâce. Priez pour nous pauvres pécheurs. Ainsi soit-il. Alléluia ! » Deux mondes s'affrontent avec violence. « Notre objectif, c'est de mener une véritable bataille pour la sauvegarde de la famille et de l'enfant »explique à Libération, Alain Escada, responsable de Civitas. Les homosexuels sont désignés comme les responsables d’une déchéance de la société. Les agressions homophobes augmentent d'ailleurs de 78% en 2013 par rapport à 2012 avec une agression physique recensée tous les deux jours, selon le rapport annuel de SOS Homophobie.

Depuis plusieurs mois déjà, les milieux catholiques intégristes sont mobilisés et s'organisent pour faire entendre leur voix. Le 13 janvier, au Champ-de-Mars, des dizaines de milliers de personnes – 800 000 selon les organisateurs, 340 000 selon la police – ont participé à la « Manif pour tous » en réaction au projet de loi du gouvernement. À la tête du mouvement, Frigide Barjot qui dénonce un changement de civilisation. Le projet remet en cause, selon elle, le principe de la filiation, le fait qu'un enfant naît d'un homme et d'une femme. Dans le cortège, des hommes politiques de droite et d’extrême droite sont présents, mais aussi des élus de petites communes.

Entre 340 000 et 800 000 personnes ont défilé dans les rues de Paris pour s'opposer au projet de loi sur le mariage, l'adoption et l'aide à la procréation des couples homosexuels, dimanche 13 janvier 2013.
Entre 340 000 et 800 000 personnes ont défilé dans les rues de Paris pour s'opposer au projet de loi sur le mariage, l'adoption et l'aide à la procréation des couples homosexuels, dimanche 13 janvier 2013. REUTERS/Benoit Tessier

Dans l'hémicycle, les députés examinent le texte et ses 5 000 amendements déposés par l'opposition. Du Parti communiste (PC) au Parti socialiste (PS), toute la gauche se bat en faveur de ce texte. Le 2 février, le premier article de la loi – « Le mariage est contracté par deux personnes de sexe différent ou de même sexe » – est adopté par 249 voix contre 97, standing ovation en prime. La droite, dans sa très grande majorité, tente de faire barrage. Elle dépose quatre motions de procédure affichant ainsi sa mobilisation, à l'image des manifestants. La première vise à renvoyer la décision de l'adoption du mariage homosexuel à un référendum. Elle est rejetée par 176 voix contre et 164 pour. Sur le fond, les députés de droite ont une crainte majeure : l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples lesbiens, une disposition qui divise la majorité également et qui a été retirée du projet de loi, mais qui sera, sans nul doute, la suite logique de ce texte. « Derrière le mariage, il y a la question de la procréation. Vous voulez indifférencier les sexes. Vous voulez que le social domine la nature qui ne permet pas à deux personnes de même sexe de procréer et qu'il règne sans partage ? Dans quelle société, quelle civilisation voulez-vous nous faire vivre ? », tonne Henri Guaino (UMP).

► À lire aussi : Le mariage pour tous en débat à l'Assemblée nationale

Une pétition à l'initiative du collectif la « Manif pour tous » demandant la possibilité d'organiser un référendum recueille plus de 700 000 signatures. Elle est déposée au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et jugée irrecevable. « Sept cent mille pétitionnaires irrecevables : une raison de plus d’être un million sur les Champs-Élysées le 24 mars », réagit la très médiatique Frigide Barjot. 

Frigide Barjot appelle au référendum contre le projet de loi pour le mariage homosexuel
00:54

Frigide Barjot, chef de file de « La manif pour tous » réclame un référendum

RFI

Les organisateurs appellent au rassemblement dans les avenues voisines des Champs-Élysées qui leur ont été interdits. Mais le rassemblement déborde. Des incidents éclatent place de l'Étoile, 98 personnes sont interpellées, selon le ministère de l'Intérieur.

Changement de modèle

Dans la presse, à la télévision ou à la radio, le débat fait rage entre d'un côté les partisans de l’ordre familial – « La Manif pour tous » – et de l'autre, les défenseurs des nouvelles familles. Anthropologues, sociologues, philosophes prêtent main-forte pour évoquer les différentes conceptions du couple, du mariage, de l'engagement, de la filiation, de la parenté dans l'imaginaire collectif.

Début avril, les sénateurs planchent à leur tour sur le texte. Celui-ci est adopté par un vote à main levée le 12 avril, avant de repartir à l'Assemblée nationale, le 17 avril 2013. La tension monte, les incidents à caractère homophobe se multiplient en France et des élus reçoivent des menaces. Des militants en appellent à la radicalisation. « La Manif partout »émergence de « La Manif pour tous », propose « une action par jour pour faire tomber la loi Taubira » et met les enfants en première ligne en décidant d'envoyer des dessins au président de la République.

Dans l'hémicycle aussi, les débats se crispent. Dans la nuit du 18 au 19 avril, des députés en viennent aux mains et sont sanctionnés. Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, reçoit une lettre contenant de la poudre de munitions, lui intimant de « surseoir au vote définitif de la loi sur le mariage pour tous ». Le 23 avril, le projet de loi ouvrant le mariage et l'adoption aux couples de personnes de même sexe est définitivement adopté à l'Assemblée, par 331 voix pour et 225 voix contre. L'opposition saisit le Conseil constitutionnel pour obtenir la censure du texte. Sans succès. Le Conseil constitutionnel le valide. L'ouverture du mariage civil et de l'adoption pour les couples de même sexe est officiellement entériné par le président de la République française le 18 mai 2013.

Le Conseil constitutionnel vient de valider la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe. J'en prends acte avec la satisfaction de constater que le processus commencé il y a plusieurs mois trouve maintenant son accomplissement. Ce débat a suscité beaucoup de controverses. Trop. Le Parlement s'est prononcé. Le Conseil constitutionnel a déclaré la conformité du texte par rapport à la Constitution. Je promulguerai donc la loi qui deviendra celle de la République.

00:40

François Hollande

Le 29 mai 2013, Vincent Autin et Bruno Boileau s'unissent à la mairie de Montpellier et deviennent ainsi le premier couple homosexuel à se marier en France.

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