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Sciences

Expédition Tara Océans: des résultats scientifiques de premier ordre

Après quatre ans de voyage autour du monde et 36 000 échantillons d’eau de mer prélevés, les premiers résultats scientifiques de l’expédition Tara Oceans - qui s’est intéressée de près au plancton marin - ont été publiés dans la très sérieuse revue Sciences. Ces données représentent des ressources exceptionnelles pour la communauté scientifique.

L'expédition Tara Océans s'est intéressé à la biodiversité du plancton et son influence sur leur environnement.
L'expédition Tara Océans s'est intéressé à la biodiversité du plancton et son influence sur leur environnement. Wikimédia/Pr. Gordon T. Taylor
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Le plancton, ce sont les micro-organismes qui peuplent les océans – bactéries, virus, protistes, plantes - et ils sont très mal connus. Pourtant, si on ne les voit pas, ils constituent néanmoins 90% des êtres vivants dans les mers, les 10% restants ce sont les baleines, les coquillages et les poissons.

Ces micro-organismes jouent un rôle fondamental sur la planète et nous rendent doublement service : ils produisent la moitié de l’oxygène présent dans l’air que nous respirons et ils « séquestrent » le gaz carbonique, qui est un gaz à effet de serre, pour construire leur squelette ou leur coquille. D’où l’idée de les étudier et d’établir une base de données, une « carte » du plancton à un temps zéro, qui permettra de voir son évolution en particulier dans le cadre du changement climatique.

Un filet à papillons

Colomban de Vargas, directeur de recherche au CNRS et coordonnateur du volet biodiversité de Tara Océans, commence ainsi sa présentation : « c’est comme attraper le plancton avec un filet à papillons, on arrive à avoir tout le monde et c’est la classe moyenne, la plus nombreuse, qui est la plus active ».

De fait, c’est la première expédition planétaire qui regarde tous les micro-organismes, des virus aux animaux, car « pour comprendre comment l’ensemble fonctionne, il faut connaître le caractère de chacun ». Le travail à accomplir est à la mesure des océans et de ceux qui les peuplent : immense. Mais deux ans après la fin de l’expédition (2009-2013), les premiers résultats sont très prometteurs.

Un catalogue extraordinaire

C’est le plus grand travail de séquençage effectué pour des organismes marins et les techniques automatisées les plus pointues de la génomique (l’étude des gènes et de l’ADN) ont permis de découvrir environ 40 millions de gènes de microbes dont la majorité est inconnue (les gènes sont de petites unités qui transmettent les caractères héréditaires).

Un catalogue global a été créé, qui rassemble le matériel génétique de plus de 35 000 espèces de bactéries différentes. Pour Colomban de Vargas, ce qui est une surprise, c’est que même si le recensement des micro-organismes n’est pas exhaustif, car la goélette n’est pas allée exactement partout, les chercheurs ont eu l’impression d’atteindre un palier maximal de découverte, retrouvant notamment dans la plupart des échantillons des virus identiques, mais dans des quantités différentes.

Des virus partout

Dans un litre d’eau de mer, on compte entre 1 et 100 milliards de virus. En raison de leur légèreté, les virus voyagent très loin dans l’océan, et pour Patrick Wincker, directeur scientifique au Génoscope d’Evry, c’est pour cela qu’on les retrouve partout : « au large de Rio et de Brest, c’est en partie les mêmes, mais dans des proportions différentes ». Dans les échantillons rapportés par Tara, un million de virus environ a été découvert et les chercheurs savent qu’ils n’en découvriront pas beaucoup plus.

Ces virus ne sont pas dangereux pour l’humain, ils infectent les bactéries et jouent un rôle écologique important en les empêchant de se développer n’importe comment. Ils peuvent également modifier le comportement de ces mêmes bactéries – par exemple, faire de la photosynthèse, ou pas - et leur étude présente donc un intérêt particulier.

Le Facebook du plancton

Dans le plancton, ce n’est pas « chacun pour soi », il n’y a pas que des proies qui passent leur temps à fuir leur prédateur. Les chercheurs ont localisé dans des endroits spécifiques, des « réseaux sociaux ». Des regroupements de micro-organismes qui coopèrent entre eux, échangent des services, où le parasite et son hôte deviennent un nouvel organisme aux propriétés différentes.

Ces « réseaux sociaux » sont différents suivant leur situation géographique et procèdent rarement à des échanges « inter-réseaux » car les courants océaniques forment par endroits des sortes de verrous, des tourbillons, qui bloquent le passage. En revanche, les ensembles planctoniques qui se retrouvent dans l’un de ces tourbillons – l’un d’eux part du courant circumpolaire antarctique, mesure environ 300 km de diamètre et traverse l’Atlantique en 2 ou 3 ans - changent de propriétés, et l’on peut donc observer leur adaptation en temps réel.

Et si l’eau se réchauffe ?

Une découverte importante est la sensibilité du plancton à la température. Dans le cadre du changement climatique, il sera intéressant de modéliser ces changements afin de les comprendre et de les anticiper. Car dans ces sortes de réseaux sociaux du plancton, « certains organismes ont beaucoup de relations et pourront s’adapter facilement alors que d’autres, moins nombreux, risqueront simplement de disparaître », dit Chris Bowler, directeur de recherche au CNRS et l’un des directeurs scientifiques de Tara Océans.

Pour l’instant, il n’est pas possible de constater l’impact du changement de climat sur le plancton, car cette étude étant la première du genre, elle constituera un point 0 à partir duquel on pourra justement observer les modifications.

Une ressource incroyable

La découverte de médicaments, qui étaient jusqu’ici majoritairement conçus et fabriqués à partir de plantes, atteint un palier où les nouveautés deviennent de plus en plus rares. Mais la richesse du plancton offre des ressources encore inconnues et ouvre de nouvelles perspectives à la pharmacopée.

Quant au fonctionnement des micro-organismes, à leurs relations, des hypothèses voient le jour. Mais pour Chris Bowler, les scientifiques doivent se méfier des connaissances qui émanent du milieu terrestre, car il se pourrait que les biologistes soient ici à l’aube de la découverte de nouveaux concepts, d’une nouvelle biologie qui fonctionnerait différemment, avec d’autres lois. Et ce sont ces lois qu’il va falloir découvrir.

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