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Israël / Palestine

Azaria: le procès qui divise Israël

Elor Azaria devrait être fixé sur sa peine, ce mardi 21 février. Le mois dernier, ce jeune sergent de l’armée israélienne a été reconnu coupable d'avoir tué en mars 2016 un Palestinien gisant sur le sol, blessé après avoir mené une attaque au couteau contre des militaires dans la ville de Hébron en Cisjordanie. Le procureur a requis trois à cinq ans de prison à son encontre. Mais nombreux sont ceux, y compris au sein du gouvernement, qui aimeraient le voir gracier.

«Tout le pays aime ce soldat», indique Amid Steinberg, un habitant de la région de Jérusalem.
«Tout le pays aime ce soldat», indique Amid Steinberg, un habitant de la région de Jérusalem. REUTERS/Heidi Levine/Pool
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Le 24 mars 2016, le sergent Elor Azaria est appelé sur la scène d’une attaque au couteau dans la ville de Hébron, en Cisjordanie. Les deux assaillants palestiniens ont été neutralisés : l’un est mort, l’autre git sur le sol, blessé. Abdel Fattah al-Sharif sera alors tué par l’infirmier militaire : il lui a tiré une balle dans la tête.

La scène est filmée par B’Tselem, une organisation israélienne de défense des droits de l’homme. La vidéo fait rapidement le tour des réseaux sociaux. Le soldat est arrêté. Face à l’émotion internationale, le sommet de l’Etat, ministre de la Défense et Premier ministre en tête, promet de faire la lumière sur cette affaire.

Sacs en plastique

Mais la population israélienne est, elle, beaucoup plus partagée. Dans les jours qui suivent, des manifestations ont lieu dans plusieurs villes du pays. « Ce soldat est un héros » affirmait une semaine plus tard Amid Steinberg, un habitant de la région de Jérusalem. « La justice doit le libérer immédiatement. Il n'a rien fait de mal : il est innocent. Tout le pays aime ce soldat. Nous prions pour lui », assurait cet homme qui avait fait plusieurs dizaines de kilomètres pour participer à un rassemblement en soutien à Elor Azaria devant la base où le soldat était détenu.

Pour beaucoup, Elor Azaria n’a fait que défendre son pays contre un assaillant palestinien. Une chaîne de supermarché avait imprimé des sacs en plastiques sur lesquels le jeune homme était représenté en dessous d’une légende : « Elor Azaria paye pour nous tous. »

Des manifestations de soutien ont également accompagné chaque phase de la procédure judiciaire et le 4 janvier, alors que la cour martiale prononçait son verdict, plusieurs milliers de personnes s'étaient rassemblées aux abords du bâtiment. Bon nombre de manifestants arboraient des T-shirts avec le portrait du soldat.

Le précédent Gilad Shalit

L’armée est une institution centrale en Israël. A l'exception de quelques communautés, le service militaire est obligatoire pour tous, garçons comme filles. Beaucoup d’Israéliens se sont donc identifiés au cas de la famille Azaria. D'autant plus que cette affaire rappelait un précédent. « Ce n’est pas venu que de l’histoire d’Azaria. On a eu d’abord Gilad Shalit », rappelle Marie-Lyne Smadja, professeur à l'université de Tel Aviv et co-fondatrice du mouvement « Women wage peace » (« Les femmes œuvrent pour la paix »). Cet autre soldat avait été enlevé par un commando palestinien en 2006 et il a retenu en otage pendant plus de cinq ans.

Tout au long de sa captivité, les Israéliens avaient manifesté leur soutien. « Gilad Shalit était l’enfant de tous », poursuit Marie-Lyne Smadja. « Les gens qui ont conseillé la famille d’Azaria lui ont recommandé, plus que de reconnaître le dérapage ou la faute, de le rendre lui aussi l’enfant de tous. Nous avions déjà eu un soldat qui avait été enlevé et qui, on l’a sût plus tard, avait commis des erreurs puisqu’il s’était endormi à son poste. Mais nous avions tout fait pour pouvoir le libérer. »

Le 4 janvier, le tribunal militaire a reconnu Elor Azaria coupable d’homicide. Après la lecture du verdict, un représentant de la famille a déclaré avoir « l’impression que la cour a ramassé le couteau au sol et l’a planté dans le dos de tous les soldats ». « Mais les histoires de Gilad Shalit et d’Elor Azaria sont deux histoires différentes », nuancent Marie-Lyne Smadja, qui reconnaît pourtant s’être identifiée à la famille du sergent : ses deux enfants ont également servi dans l’armée et son fils a été envoyé à Gaza en plein conflit.

Fracture

Deux histoires différentes car l’un avait été enlevé et l'armée israélienne a une obligation de ramener ses soldats du champ de bataille, qu’ils soient encore en vie ou non. « Mais, dans le cas d'Elor Azaria, le devoir de l'armée était de lui offrir un procès juste et équitable », poursuit cette militante pour la paix.

Dans les deux cas, l’identification a fonctionné. Chaque étape du parcours judiciaire d’Elor Azaria était accompagnée de manifestations. Mais cette affaire a exacerbé des tensions au sein de la société israélienne. Après le verdict, des menaces de mort ont été lancées à l’encontre du chef d'Etat-major et des magistrats ayant reconnu le jeune franco-israélien coupable. La hiérarchie militaire a plaidé l'exigence d'exemplarité de l'armée israélienne. Mais les hauts-gradés sont souvent issus d'un sionisme de gauche et ils sont apparus en rupture avec une part importante de la population, plus proche d'un nationalisme religieux.

Une possible grâce

Au début du mois, participant à un forum sur la sécurité à Tel Aviv, le président israélien a évoqué cette affaire. « Je pense que la plus grande menace sécuritaire que nous avons en Israël est la fracture que nous avons au sein de la société israélienne », a déclaré Reuven Rivlin. « Nous devons comprendre que nous avons besoin de dialoguer entre nous », abonde Marie-Lyne Smadja. « Il ne faut pas avoir peur de la discussion. Il faut avoir peur de l’entériner, de dire "il n’y a que noir ou blanc". Car sur cette nouvelle fracture, il y aura d’autres fractures encore plus profondes. »

Elor Azaria a la possibilité de faire appel de sa condamnation. Mais beaucoup de voix s’élèvent pour réclamer sa grâce. Le Premier ministre Benyamin Netanyahu a apporté son soutien à cette démarche, estimant que « les soldats sont nos fils et nos filles ». Mais le Premier ministre n’est pas dépositaire du droit de grâce, c’est le président de la République qui l’est. C’est donc peut-être au chef de l’Etat qu’il reviendra de tenter d’atténuer cette fracture.

Elor Azaria pourra encore décider de faire appel après le prononcé de la peine... Mais pour la phase de première instance, c'est là la dernière audience... Dernier épisode d'un procès qui dès le début a très vite déclenché des passions dans le pays.

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