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RDC

Kokoko !, un ovni kinois de la créativité musicale

Un groupe de musiciens et d’artistes plasticiens formé à Kinshasa réinvente la musique électronique avec des instruments de récupération. L’idée : contourner la contrainte des coupures d’électricité et faire de l’électro avec les moyens du bord. Quand la débrouille kinoise rime avec créativité, le résultat verse dans le futurisme.

Le groupe Kokoko ! en tournée.
Le groupe Kokoko ! en tournée. La Belle Kinoise
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Kokoko ! « Toc toc toc », tel est le cri de ralliement en lingala d’un nouvel ensemble musical qui reflète l’extrême créativité d’une jeunesse kinoise, toute une bande d’amis de la rue Kato, en butte à l’adversité dans le quartier de Ngwaka. Qui est là ? Un ovni musical qui va frapper fort. Un de ses premiers concerts européens s'est joué à guichets fermés et a failli tourner à l’émeute, avec 200 personnes dehors à Bruxelles, qui n’ont pas pu entrer dans la salle…

Les instruments sonnent comme s’ils étaient fabriqués par des ordinateurs, mais ce sont des guitares à une corde, une batterie faite à partir d’une machine à écrire, ou une harpe bricolée avec un volant de voiture.

Un vent de créativité brute

Renaud Barret et Florent de la Tullaye, les deux compagnons de route français qui ont fondé à Kinshasa leur maison de production cinématographique la Belle Kinoise et fait le film Benda Bilili !, ont été fascinés par la magie de cette musique avant-gardiste, qu’ils ont vu exploser sous leurs yeux à Kinshasa en tant que vaste collectif informel, composé de musiciens et d’artistes plasticiens autodidactes. Car le mouvement musical est étroitement lié à l’essor des performeurs de la rue à Kinshasa, une forme d’expression qui fait, depuis 2016, l’objet d’un festival, Kinact, monté par l’artiste Eddy Ekete.

« Après la seconde élection de Joseph Kabila, en 2011, il s’est passé quelque chose, explique Renaud Barret. Toute une génération d’artistes utilise le corps comme un médium gratuit pour faire passer des messages graphiques, des messages codés et profondément politiques. »

La colère, perceptible dans le clip tourné à Kinshasa par les deux amis, n’est pas le seul moteur de Kokoko !, précise Florent de la Tullaye : « Ces artistes ont décidé d’être eux-mêmes et de s’exprimer comme ils peuvent, en faisant parfois de l’art "plastique" au sens littéral du terme, en reproduisant l’histoire du pays par de grandes fresques de plastique fondu. »

Ces admirateurs de Bebson de la rue (BBS), un rappeur kinois faisant lui-même ses instruments à partir d’objets de récupération, ont d’abord impressionné Renaud Barret. En les voyant s’échiner à faire de la musique de club pour danser toute la nuit, cet amoureux de Kinshasa s’est employé à faire monter la sauce en invitant le producteur français Débruit, pour l’associer à la démarche et permettre à ces artistes d’animer leurs soirées.

Outre leur instrumentarium de fous, les voix ont toujours été présentes : Makara Bianko, le chanteur de Kokoko ! est un « crieur » qui se produit six fois par semaine au Couloir de Bercy, le club chaotique où le clip a été tourné, avec des danseurs qui s’appellent Equipe nationale et Makoka Club, sur l’avenue Mushi, commune de Lingwala.

Performance à la limite de la pornographie

« Quand on rentre dans ce club, raconte Renaud Barret,  on se dit que les enceintes sont crevées et qu’on ne tiendra pas trois minutes dans ce chaos, mais dès que la musique démarre, la transe commence. On voit des danses sidérantes à la limite de la pornographie, les gens mélangent le théâtre, l’acrobatie, la performance sous toutes ses formes. L’électro du ghetto, c’est l’atalaku en mode techno ».

L’atalaku désigne le « crieur » dans les orchestres de ndombolo. Quatre des musiciens de Kokoko ! ont pris l’avion pour la première fois de leur vie et fait opérer leur magie en mai à Lille, Dijon, Annecy, Bruxelles, et dans un petit festival du Pays basque.

« L’autodidaxie est un mode de création, reprend Renaud Barret. Il y a sans doute beaucoup plus de structures favorisant la création au Nigeria et en Afrique du Sud. A l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa, on peut voir des papas en cravate qui enseignent à faire des tableaux façon Sofitel. A Kinshasa, la créativité de la rue est très brute en raison de la dèche dans laquelle vit la population. »

Les musiciens de Kokoko ! sont rentrés à Kin heureux comme des « boudeurs » (un terme qui désigne l’art de se faire de bonnes joues en mangeant bien) et autres « impressionnistes » (des gens qui veulent impressionner), après avoir marqué les esprits en France et en Belgique.

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