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RDC

Kinshasa pleure son «ami» Papa Wemba

Dans les quartiers de Kinshasa où Papa Wemba a vécu, la douleur est palpable. On multiplie les banderoles d’hommage et on diffuse les grands titres du roi de la rumba, décédé dans la nuit du samedi 23 au dimanche 24 avril, à Abidjan. Inconsolables, beaucoup se souviennent d’un homme simple, humble et généreux. Reportage.

Des banderoles d'hommage à Papa Wemba, dans son village à Molokaï.
Des banderoles d'hommage à Papa Wemba, dans son village à Molokaï. Habibou Bangré
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Une voix s’élève. Haut perchée, elle fait presque oublier la mélodie qui la porte. La tessiture est reconnaissable entre mille : Papa Wemba. Sur la place commerciale du quartier Macampagne, dans l’ouest de Kinshasa, c’est en musique qu’on rend hommage au roi de la rumba, décédé à 66 ans dans la nuit de samedi à dimanche à Abidjan, en Côte d’Ivoire. « Pour les autres, c’était une star, mais pour nous, c’était un ami », confie Owen.

Le jeune homme est assis avec d’autres habitants sous un grand arbre. Le ton est grave, les mines défaites. Papa Wemba était installé dans le quartier depuis des années et venait souvent les voir ici après avoir quitté à pieds sa vaste demeure, un kilomètre plus loin. Le chantre de l’éducation s’asseyait alors sur une chaise en plastique ou sur un morceau de béton bancal pour discuter, prodiguer des conseils, se faire coiffer ou boire un verre.

Place commerciale de Macampagne, où vivait Papa Wemba avant sa mort.
Place commerciale de Macampagne, où vivait Papa Wemba avant sa mort. RFI/ Habibou Bangré

Beaucoup se sentent orphelins. « Papa Wemba, c’était mon père. Je suis triste », lâche Emi, seule femme sous l’arbre. Plus loin, Millionnaire, coiffeur, se dit reconnaissant : « il m’amenait des tondeuses quand il revenait d’Europe… ». Un autre jeune, lui, souligne que la douleur le prend aux tripes. Mais comme les autres, il éprouve aussi de la fierté: « c’est une icône, une star hors du commun ! Il parlait à tout le monde, pas comme les autres stars… ».

L’imposant portail de l’artiste dévoile son emblème, couleur or : une silhouette bras tendus vers le ciel, comme prête à s’envoler. En signe de deuil, un rameau de palmier a été inséré sur le volet droit. Deux policiers ont remplacé les gardiens et contrôlent ceux qui disent être des proches. « C’est vraiment dégueulasse ! Le gouverneur a dit que personne ne rentre ! », tonne une femme refoulée, avant de rebrousser chemin.

Direction le « village Molokaï », situé dans le quartier bouillonnant de Matonge, à l’est de Macampagne. Inutile de chercher le village sur une carte : il s’agit d’un territoire artificiel composé de cinq avenues où a vécu le chanteur. Ce dernier s’était proclamé « chef coutumier » de cette entité, qui trouve son nom dans les initiales des artères concernées – Masimanimba, Oswe, Lokolama, Kanda-Kanda et Inzia.

A Molokaï, les banderoles de fans ou de brasseurs se succèdent : « Hommage à l’immortel Papa Wemba », « Ainsi soit-il, Papa Wemba », « Motema na biso omemi (Tu es parti avec notre cœur, en lingala) », « Nous ne t’oublierons jamais »… Près de l’entrée de Kanda-Kanda, un brasseur qui a sponsorisé la star a installé un podium qui doit accueillir de jeunes artistes du « village » et d’ailleurs désireux de pousser la chansonnette.

Le lieu n’a pas été choisi au hasard. Lorsqu’on s’enfonce dans Kanda-Kanda, on découvre la demeure où a grandi Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, originaire de Lubefu, une localité de la province du Sankuru (Centre). « On regrette vraiment beaucoup. Sa mort, on ne sait pas si ça vient de dieu ou si on l’a truquée », lance un gérant de bar, alors que certains accusent les secours de lenteur, et qu’en parallèle une rumeur d’empoisonnement circule.

« Il est notre roi ! »

Impossible de manquer la maison d’enfance : au numéro A42, des rameaux de palmiers sont plantés dans la terre et une sculpture représentant l’emblème de Papa Wemba trône sur un pilier.

Une sculpture de Papa Wemba trône sur le pilier d'un mûr de sa maison d'enfance, rue Kanda Kanda.
Une sculpture de Papa Wemba trône sur le pilier d'un mûr de sa maison d'enfance, rue Kanda Kanda. RFI/ Habibou Bangré

Ici, pas de police, ni de gardien. Dans la cour familiale, à nouveau la silhouette de Papa Wemba, et puis la légende « Nkolo histoire » – titre d’un de ses morceaux que l’on pourrait traduire par « l’initiateur de l’histoire ». Sous une tente blanche, une quinzaine de proches sont assis, écrasés par la chaleur.

« C’est ici qu’on a fait toute notre jeunesse », se souvient Stanis Utshudi, cousin du disparu. Et de rappeler sa générosité. « On ne juge pas quelqu’un par son apparence. Quand on le voyait, on disait : c’est un monsieur fermé, trop dur… Non, non, non ! Il était très, très simple ! Il approchait tout le monde. Même un clochard, il mangeait avec, parce que lui disait que tout le monde est important dans la vie. Qu’il ne faut jamais négliger quelqu’un ».

Le long de Kanda-Kanda, des jeunes se concertent. Car si comme la majorité des Congolais ils n’ont pas grand-chose en poche, ils veulent rendre hommage à tout prix. « Il est notre roi ! », s'exclame Blaise. A Macampagne, on songe à des concerts et défilés de mode afin d’honorer à la fois le « roi de la rumba » et le « prince de la Sape ». « On ne veut pas qu’après l’enterrement ce soit comme si un baobab n’était pas tombé », explique Owen.


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