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Grand reportage

Norvège, fossile envers et contre tout

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La Norvège est le plus grand fournisseur de pétrole et de gaz vers l’Europe depuis le début de la guerre en Ukraine. Sans abandonner ses activités, le pays s’est engagé à diminuer de 55 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Comment la Norvège va-t-elle répondre au défi climatique tout en préservant sa principale source de revenus ?

Manifestation à Oslo, le 14 octobre 2023, contre la construction d’éoliennes en territoire Sami.
Manifestation à Oslo, le 14 octobre 2023, contre la construction d’éoliennes en territoire Sami. © Anne Verdaguer/RFI
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Au-delà de l’image d’Epinal, et des brochures touristiques, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Car si le pays est le paradis des fjords, des aurores boréales, ou encore de la voiture électrique, la Norvège n’en est pas moins le premier fournisseur de gaz vers l’Europe, ainsi que le 11e producteur mondial de pétrole. L’extraction des hydrocarbures représente aujourd’hui une manne colossale et 33 % du PIB.

Silje Lundberg, chef de campagne pour la mer du Nord chez Oil change international.
Silje Lundberg, chef de campagne pour la mer du Nord chez Oil change international. © Anne Verdaguer/RFI

Pour Silje Lundberg, chef de campagne pour la mer du Nord chez Oil change international « La Norvège est le pays le plus hypocrite d’Europe quand il s’agit des questions climatiques. Car tant que l’on aura besoin de pétrole et de gaz, la Norvège sera le dernier pays au monde à en produire ! La raison principale, c'est que cela rapporte beaucoup d’argent et que cela permet d’employer beaucoup de monde. Donc il est plus facile pour les politiciens de garder une forme de statu quo, en ne faisant que des changements de surface, sans jamais s’attaquer jamais aux vrais enjeux du changement climatique ».

Ces dernières années, le débat sur la façon dont la Norvège et son tissu industriel doivent s'adapter au changement climatique s'est intensifié. Témoin direct du dérèglement climatique, la Norvège est le pays champion de la voiture électrique, mais ne souhaite pas sortir de l’extraction fossile.

Pour Jonas Quittelsen, d’Extinction Rébellion Norvège « La Norvège a toujours eu l’image d’une nation verte, et notre pays a d’ailleurs toujours pris position en matière environnementale, mais la réalité est bien différente et nous sommes les plus grands greenwashers au monde ! Si l’on regarde seulement cette année, la Norvège a octroyé 15 nouvelles licences de forage de pétrole et de gaz. Depuis 2 ans, on a atteint des records ! La nouvelle bataille à présent se situe en Arctique, car la Norvège veut aller forer de plus en plus au nord là où elle n’a jamais été car les ressources s’épuisent dans le sud. »

Les musées du pétrole à Stavanger.
Les musées du pétrole à Stavanger. © Anne Verdaguer/RFI

Stavanger, sur la côte ouest de la Norvège est la capitale du pétrole. Elle est aussi le berceau d’Equinor, la compagnie pétrolière norvégienne contrôlé à 67 % par l’État. Elle est aussi le lieu où se trouve le musée du pétrole où RFI a rencontré Bjorn Lindberg, son conservateur qui explique que dans la 3e ville de Norvège, « le commerce de la sardine a été énorme pendant des années, jusqu’à arriver à la fin de son heure de gloire dans les années 1960. Puis le grand chamboulement est arrivé en 1969 quand Ekofisk a été découvert »

En octobre 1969, alors que les essais de forage en mer se multiplient sans succès pour Philips Petroleum, la compagnie pétrolière américaine, décide de forer un dernier trou dans un réservoir crayeux. Du pétrole jaillit du fond des mers. Ekofisk, le premier et l’un des plus grands gisements pétroliers en mer du Nord est découvert avec un potentiel d’extraction d’en moyenne 164 000 barils par jour.

Et le pays, qui est à l’époque l’un des plus pauvres d’Europe avec la Grèce, entre dans une nouvelle ère : celle de l’abondance. Les hydrocarbures s’affirment comme la colonne vertébrale de l’économie du petit royaume de 5,5 millions d’habitants.

Alors, la Norvège verra-t-elle un jour la fin du pétrole et du gaz ? Pas avant une centaine d’années, prédit l’industrie pétrolière norvégienne. En attendant, il faut préparer l’avenir et pour la Norvège, cela passera sans doute par la capture et le stockage de carbone. Près de Bergen, à 350 km au nord de Stavanger, Northern Lights, le plus grand site de stockage de CO2 est en train de voir le jour, il est financé en grande partie par l’État norvégien et a été lancé par Equinor, Shell et Total, il sera opérationnel en 2024.

Le site du projet de captage et de stockage de carbone Northern Lights près de Bergen.
Le site du projet de captage et de stockage de carbone Northern Lights près de Bergen. © Northern Lights

Sverre Overa est le directeur du projet Northern Lights: « Chaque compagnie pétrolière a ses raisons pour investir dans la capture et le stockage de carbone, certaines le font pour leur réputation, d’autres veulent faire partie de la solution et ne veulent pas seulement faire partie du problème. Et la troisième raison, c’est que l’extraction du gaz et du pétrole a une fin en raison du besoin de réduire les émissions et cette nouvelle industrie de la décarbonation pourra se servir des compétences de ces compagnies pétrolières donc c’est une façon d’aller vers la transition énergétique et le futur ».

La technique dite du CCS est aujourd’hui reconnue comme un moyen essentiel de réduire les émissions de CO2. Mais les écologistes y voient, au contraire, une excuse pour poursuivre l’exploitation des énergies fossiles. Pour Klimentina Radkova de Greenpeace Norvège, « la capture et le stockage du carbone est une fausse solution et ce n’est pas une alternative. C’est une distraction, et les compagnies pétrolières investissent massivement dans ce procédé, car cela leur donne le droit de continuer à polluer, et de produire un produit qui est nocif pour le climat. La manière la plus rapide, sûre et économique de stocker du carbone est de le laisser sous terre ».

Soumis à des pressions croissantes pour réduire leurs émissions de CO2, les pays exportateurs de pétrole et de gaz comme la Norvège sont face à un défi colossal. La transition énergétique vers un monde bas-carbone où la part du pétrole serait limitée implique une totale révolution de leur modèle économique. À quel rythme, c'est toute la question.

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