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Economie/ Emploi

Gabriel Kombassere : la daba pour lutter contre la pauvreté

A à peine 17 ans, Gabriel Kombassere figure parmi les douze finalistes du prix Anzisha des jeunes entrepreneurs qui sera décerné ce 23 septembre prochain à Johannesburg, en Afrique du Sud. Fer de lance de la lutte contre la pauvreté dans sa communauté, il est le fondateur et le coordinateur de l’association Ribla Neda - la nourriture fait l’homme. Avec une trentaine de jeunes de Yamoussoukro, la capitale de la Côte d’Ivoire, ils cultivent plus d’un hectare de terre avec leurs dabas - des herminettes - et sortent à chaque récolte 20 sacs de maïs et une cargaison de manioc. De quoi améliorer considérablement l’ordinaire.

A 17 ans, Gabriel Kombassere est le coordinateur de la coopérative agricole Ribla Neda qu'il a créée avec deux amis en 2010 à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire.
A 17 ans, Gabriel Kombassere est le coordinateur de la coopérative agricole Ribla Neda qu'il a créée avec deux amis en 2010 à Yamoussoukro, en Côte d'Ivoire. DR
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« Dans notre famille, et partout ailleurs, il y a des problèmes. En cultivant la terre, on lutte contre la malnutrition », déclare Francis, un cousin de Gabriel Kombassere, l'un des premiers jeunes à s’être associé à Gabriel, il y a quatre ans. « Mon frère a beaucoup de courage. Il a persévéré, il a avancé. Il n'a pas écouté les moqueries », constate fièrement Francis.

Du courage, sûr, il en a, Gabriel. Et aussi de l’ambition, de la volonté. A 17 ans, il est certifié en langue allemande par l’institut Goethe de Côte d'Ivoire, vient d'obtenir son bac série A (littéraire) avec succès à Yamoussoukro et s'est inscrit à l’université de droit et de linguistique de Ouagadougou, au Burkina Faso, le pays d’origine de ses parents.

C’est en parallèle de ses brillantes études qu’il dirige Ribla Neda, créée à son initiative en 2010, une coopérative agricole, une « organisation », comme il préfère l'appeler. Car, très justement, c’est bien une organisation dont il s'agit quand on s’occupe d’un champ, des semailles, d’une récolte, du partage de la production, et de gérer près de 30 personnes - des jeunes gens de moins de 23 ans, pour la plupart étudiants.

« Avec l’argent, j’achetais des fournitures scolaires »

Depuis tout petit, Gabriel va aux champs. « Mais je ne travaillais pas », précise-t-il. Il accompagnait ses parents - sa mère, vendeuse de médicaments traditionnels, et son père, gardien - sur leur parcelle où ils faisaient pousser maïs, manioc, patates, ignames, uniquement pour leur consommation personnelle. De l’agriculture vivrière.

Gabriel est le dernier de 8 enfants. Il est né à Yamoussoukro, où il grandit. En classe de CM2, il est élu président de la coopérative de son école qui pratique l'agriculture et l'élevage.

Passionné, il cultive seul son premier champ de manioc en 2008, alors qu'il entre en classe de 6e au collège. Il en vend la production aux femmes fabriquant l’attiéké, le célèbre met ivoirien à base de farine de manioc fermentée cuite à la vapeur. « Avec l’argent, j’achetais des fournitures scolaires », se souvient Gabriel Kombassere. « J’en manquais  », ajoute-t-il. Ses livres de mathématiques, de physique, de français sont acquis grâce à la revente des tubercules.

Gabriel cultive son premier champ de manioc seul à l'âge de 11 ans.
Gabriel cultive son premier champ de manioc seul à l'âge de 11 ans. DR

« C’est la nourriture qui fait l’homme »

Pour l’association, « tout a commencé en 2010, raconte-t-il. Avec mon seul petit champ, la production n’était pas suffisante… Je n’avais pas assez pour vendre. Aussi, un ami à côté de moi a perdu son papa. Il voulait se joindre à moi, dit-il. Donc, j’ai demandé une parcelle à mon oncle, qu’il m’a prêtée contre un peu de la production », continue-t-il. Il reçoit un hectare et demi de terre. « Un autre ami nous rejoint bientôt. Il veut s’associer. A trois, le travail est plus facile. Et puis, on s’est dit, pourquoi ne pas s’agrandir encore ? Être plus nombreux ? Peut-être que quelqu’un d’autre voudra encore se joindre à nous ? On a décidé de créer une association. On a choisi le nom. On a déposé les statuts à la commune. L’organisation est née », détaille Gabriel.

Et si elle s’appelle Ribla Neda, cette coopérative agricole, c’est parce que Gabriel Kombassere est un gourmand. Un gros mangeur. « Parfois, je me resservais. Je mangeais deux fois. Ma maman, un jour, a fait la remarque, et mon frère a dit : « C’est la nourriture qui fait l’homme ». Nous, on a gardé ça pour le nom de notre coopérative : « la nourriture fait l’homme » », dévoile Gabriel - de langue gourounsi par sa maman burkinabè. Ses acolytes Francis et Anicei étant Ivoirien et Nigérian, chacun a traduit l’expression dans sa langue. « Mais on ne trouvait pas le son qu'on attendait. Nous, on voulait un nom court qui sonne bien, facile à prononcer », précise Gabriel. C’est comme ça qu’il demande à son père de lui traduire la phrase en moré, la langue des Mossi du Burkina Faso, et ça donne ribla neda. Le nom est adopté à l'unanimité.

« Comme une famille »

Quand Gabriel, Francis et Anicei commencent à cultiver ensemble, ils ne vendent pas directement leur manioc et leur maïs, ils partagent la production entre eux, « comme une famille », pointe Gabriel.

Petit à petit, leurs amis s’intéressent à leur « organisation ». Anicei est chargé à la mobilisation : « il a l’art de mobiliser », d’entraîner les autres jeunes, souligne Gabriel. Francis est à la logistique, il s’occupe du matériel : dabas, machettes et herbicide de l’Agence nationale d’appui au développement rural (ANADER) ivoirienne. « L’herbicide nous permet d’avoir plus de parcelles et de fournir moins d’efforts physiques », justifie Gabriel, qui lui, est coordinateur, notamment des activités agricoles ; cultivateur en chef, donc.

Aujourd'hui, ils sont une trentaine de membres à se partager les tâches et les récoltes. Les trois garçons sont salariés, ainsi que deux filles : Sifora, trésorière, et Laurence, « responsable à l’alimentation ». « Elle nous nourrit. On ne peut pas aller au champ le ventre vide », explique Gabriel.

Ribla Neda compte une trentaine de membres actifs, de 15 à 23 ans.
Ribla Neda compte une trentaine de membres actifs, de 15 à 23 ans. DR

« On a le choix de vendre ou de consommer »

Tous les trimestres, les membres de la coopérative paient une cotisation de 500 francs CFA (moins de 1 euro) pour financer le matériel.

Pour l’instant, ils cultivent le maïs, qui peut donner jusqu’à trois récoltes par an, et le manioc (une seule récolte par année). « Le champ est derrière le camp Pompier de Yamoussoukro, à l’entrée de la ville, au village de Naanan. On y va souvent le week-end », rapporte le coordinateur.

« A la dernière récolte, on était 18. Chacun est reparti avec un sac de maïs de 120 kilos et du manioc », les provisions de deux ou trois mois pour une personne seule. A Ribla Neda, la récolte est partagée entre tous les coopérateurs. Ensuite, chacun fait ce qu’il veut avec sa part. « On a le choix de vendre ou de consommer », dit Gabriel.

Il y a tout de même quelques règles à suivre pour participer : « être assidu, dévoué, payer sa cotisation, s’entraider ». En quatre ans, aucun membre n’a jamais été exclu de la petite communauté.

Président du club d’allemand du lycée et vice-président de la promotion des élèves de Terminale l’an passé, Gabriel est pris au sérieux par ses camarades. Mais lorsqu'il s'est lancé, à 13 ans, ce n'était pas aussi évident. A l'époque, son père a vérifié qu'il était conscient de son engagement : « Est-ce que vous pourrez assumer le champ, vous entendre ? ». Rassuré par son fils, il l’a laissé mener sa barque. Aujourd’hui il est fier. D’autant plus fier que Gabriel a été nominé au prix Anzisha des jeunes entrepreneurs qui sera décerné ce 23 septembre 2014, à Johannesburg, en Afrique du Sud.

« On a pensé à élever des poulets »

Organisé par l’African Leadership Academy, une école qui forme les jeunes entrepreneurs africains de demain à Johannesburg et par la fondation Master Card, le concours permet aux meilleurs jeunes entrepreneurs de gagner jusqu’à plus de 2 millions de francs CFA, soit un peu moins de 4 000 euros, et d’assister à quelques cours.

Gabriel, qui a déjà tenté d’entrer à l'école de Johannesburg sans succès, s'est inscrit au concours 2014 comme 333 autres candidats. Le jury l'a sélectionné pour figurer parmi les... douze finalistes ! « Je n’y croyais pas ! On m’a appelé d’un autre pays que l’Afrique du Sud, ce mois d'août, pour me dire que j’étais finaliste… j’ai demandé confirmation à la directrice de l’African Leadership Academy avant de laisser éclater ma joie ! », s’exclame Gabriel. C'est la première fois que la Côte d'Ivoire est à l'honneur au prix Anzisha.

Si Gabriel gagne, il sait déjà comment sera utilisé l’argent. « On a prévu des choses. On va acheter des terrains. On a pensé à continuer l’agriculture et à élever des poulets. Avec le maïs, on nourrira nos poulets. Le poulet, ça rapporte plus et c’est rapide. On peut vendre les œufs, la viande, développe Gabriel. Et on fera une compétition annuelle de coopératives agricoles des écoles ! »

A l'avenir, Ribla Neda aimerait acheter des terrains pour continuer l'agriculture et élever des poulets.
A l'avenir, Ribla Neda aimerait acheter des terrains pour continuer l'agriculture et élever des poulets. DR

« L’agriculture, c’est la mère de tous les secteurs »

Pourquoi n’ont-ils jamais demandé de subventions ? « On veut travailler d’abord. Trop demander et ne rien faire, moi, je trouve que ce n’est pas trop ça », répond Gabriel du tac au tac. « Avec la coopérative agricole, notre but, c’est de lutter contre la pauvreté et la faim à notre manière, sans tendre la main », ajoute-t-il.

Gabriel Kombassere est confiant en l'avenir. « L’agriculture, c’est la mère de tous les secteurs. C’est elle qui permet le développement des autres secteurs », note le coordinateur de Ribla Neda. Mais il précise : « C’est notre moyen à nous de lutter. Il y en a d’autres ». C'est avec une attention soutenue d'ailleurs qu'il détaille les initiatives de ses concurrents au prix Anzisha : « Je regarde comment je peux améliorer Ribla Neda et comment je peux m'améliorer moi-même ». Il conclut sur le concours, réjoui par tant de talents : « Tout le monde est parti pour gagner ! ».

Pour en savoir plus :

→ Le profil Facebook de Ribla Neda.

Le site Internet du prix Anzisha des jeunes entrepreneurs africains.  

→ Le portrait de Gabriel Kombassere par les organisateurs du prix Anzisha. 

Et un article sur la situation et les enjeux de l'agriculture vivrière en Côte d'Ivoire.  

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