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Sommet Etats-Unis/Afrique

Ousmane Sène : «Ce que l’Afrique peut attendre du brother Obama»

Un sommet Etats-Unis/Afrique se tiendra les 5 et 6 août prochains à Washington. Qu’attendre de cette réunion, la première du genre, convoquée par Barack Obama ? Les réponses d’Ousmane Sène, directeur du Centre de recherche ouest-africain, le West African Research Center - WARC -, un organisme de recherche basé à Dakar et en partie financé par les Etats-Unis.

Le Sénégalais Ousmane Sène, directeur du Centre de recherche ouest-africain basé à Dakar.
Le Sénégalais Ousmane Sène, directeur du Centre de recherche ouest-africain basé à Dakar. DR
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RFI : Barack Obama s’inspire-t-il des pratiques françaises avec ce grand sommet et recherche-t-il un leadership sur l’Afrique ?
Ousmane Sène : On peut se demander, tout d’abord, si Barack Obama convoque ce sommet en raison des liens historiques entre l’Afrique et l’Amérique – une partie de la population américaine est tout de même d’origine africaine. Le fait-il parce qu’il est lui-même Africain-Américain ? La vraie raison du sommet tient plutôt dans les relations économiques et de coopération des Etats-Unis avec l’Afrique, pas très importantes jusqu’à présent. La présence américaine se réduit à l’assistance de l’USAID et des sections culturelles des ambassades. Or, l’Afrique passe pour le continent du futur, avec une forte croissance économique. On y trouve des ressources naturelles stratégiques comme le pétrole, ainsi que des problèmes de sécurité qui concernent le monde entier. Autant de facteurs qui peuvent justifier l’organisation d’un tel sommet, sans que ce soit une imitation de la France, ni même une concurrence avec Paris.

Le commerce et l’investissement figurent tout en haut de l’agenda américain… Viennent ensuite les questions de sécurité, de démocratie et de droits de l’homme. Est-ce la bonne approche ?
C’est la plus évidente ! N’oublions pas que les intérêts économiques dominent tout agenda américain… Barack Obama a parlé lors de sa tournée africaine, l’an dernier, de relations « win-win » (« gagnant-gagnant »), en faisant allusion à la Chine. Les autres éléments de l’agenda coulent de source : la sécurité, tout d’abord, même si la présence américaine se fait moins visible depuis l’intervention militaire en Somalie, fin 1992 sous Bill Clinton, qui avait vu circuler cette image atroce d’un soldat américain tué et tiré au bout d’une corde. La sécurité est gérée de manière plus discrète, comme au Mali, où l’intendance américaine et l’utilisation de drones américains a accompagné les interventions africaine et française.

Barack Obama a déclaré que l’Afrique « n’a pas besoin d’hommes forts, mais d’institutions fortes ». Ne risque-t-on pas de se focaliser sur les délégations qui ne seront pas à Washington ?
Ceux qui n’ont pas eu l’onction des Etats-Unis sur les questions des droits de l’homme ne viendront pas, c’est clair… Les choses sont délicates pour certains, comme le président kényan Uhuru Kenyatta, dont le procès pour les violences postélectorales de 2008 a été reporté sine die par la Cour pénale internationale. Il paraît difficile de fragiliser ce président, compte tenu des défis que pose le terrorisme dans cette région. Pour le reste, beaucoup de pays ne sont pas en odeur de sainteté, sans pour autant être en quarantaine. La majorité des chefs d’Etat africains sera sans doute à Washington.

Le président américain n’a-t-il pas déçu le continent avec une diplomatie un peu minimale jusqu’à présent ?
La diplomatie américaine est minimale partout ! L’Amérique, à une certaine époque, était le gendarme du monde. Elle ne l’est plus. Le retrait américain d’Irak est confirmé, et Washington se contente d’appeler Vladimir Poutine à la raison dans le cadre de la crise en Ukraine. Il était difficile d’attendre plus, même si Barack Obama, le premier président noir des Etats-Unis, a une proximité avec l’Afrique. C’est précisément pour cette raison qu’il devait s’éloigner de l’Afrique et ne pas donner l’impression de s’en préoccuper outre mesure. Ses critiques l’ont accusé d’être Kényan et non Américain. Les Africains sont peut-être un peu déçus, à cause de la fibre émotionnelle, mais en même temps, nous avons affaire à un président américain…

On attendait peut-être plus de lui – même s’il n’hésite pas à faire des remontrances à son allié rwandais, Paul Kagamé...
L’Afrique n’a de leçons à prendre de personne. On peut accepter les remontrances d’un « brother », d’un frère, comme les Africains-Américains s’appellent entre eux et avec les Africains. Mais « frère » ou pas, Obama est un Américain, il n’a pas à nous donner de leçons ! Même si ses critiques ne sont pas ressenties de la même manière que celles de la Grande-Bretagne, par exemple, à l’égard d’un chef d’Etat comme Robert Mugabe. Elles ne mettent pas aux prises un ancien oppresseur avec un ex-colonisé.

Des invitations ont été lancées aux jeunes talents de l’Afrique. Une centaine de jeunes Africains ont déjà été reçus à la Maison Blanche en 2010 lors d’un sommet informel, pour le cinquantenaire des indépendances. Est-ce le signe d’une approche novatrice ?
Une immense initiative destinée aux jeunes Africains, la Young African Leaders Initiative, la Yali, est en préparation. C’est une grande première : en cinq ans, des centaines de jeunes Africains pourront se porter candidats pour être formés aux Etats-Unis et en Afrique dans les techniques qui vont leur permettre de gérer leur statut de « leader ». Il s’agit de réduire la distance entre les peuples africains et leurs élites. Il est impératif de remodeler les élites africaines, pour qu’elles aient une autre lecture de leurs rapports avec les communautés. C’est fondamental pour le développement !

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