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Bénin

Bénin: le quartier déshérité de Ladji veut se placer sur la carte de Cotonou

District déshérité de Cotonou, Ladji n'apparaît même pas sur les cartes de la capitale économique du Bénin. Une situation en passe de changer grâce à un projet qui vise à mobiliser les habitants pour les inciter à cartographier leur propre quartier.

Une équipe de jeunes du quartier échange avec une habitante pour vérifier le nom donné à la partie lacustre.
Une équipe de jeunes du quartier échange avec une habitante pour vérifier le nom donné à la partie lacustre. Delphine Bousquet/RFI
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De notre correspondante à Cotonou,

« Quand je quitte le campus universitaire et que je dis au taxi-moto de m’amener à Ladji, il me demande "c’est où Ladji ?" ». L’anecdote d’Edmond Hadjagoun, étudiant de 25 ans qui est né et a grandi dans ce quartier, est révélatrice. Ladji reste méconnu. Il se trouve pourtant au cœur de Cotonou, la capitale économique du Bénin, à l’entrée est du chenal qui relie le lac Nokoué à la lagune.

Ce district, qui compte plus de 10 000 habitants, ne figure pas sur les cartes de la métropole béninoise. Sur la plus récente, en date de 2015, la zone est en vert avec cette inscription « quartier à restructurer ». Ladji est pourtant un site de peuplement historique. Sur la terre ferme comme sur l’eau, la zone est habitée depuis plusieurs siècles.

Il fallait donc cartographier cet espace, en partie inondé en saison des pluies, ce qu’a proposé de faire une équipe de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) avec son projet « Map and Jerry ». Cette idée a fait mouche auprès de la communauté et 40 habitants ont participé, soit plus que les 25 prévus.

« Notre quartier n’est pas visible, poursuit Edmond. En tant que jeune, je dois contribuer à le développer ». Des étudiants ou diplômés sans emploi, mais aussi des revendeuses au grand marché Dantokpa voisin se sont mobilisés.

Wikipédia de la géographie

Avec 11 smartphones fournis par l’IRD et spécialement configurés, les cartographes amateurs ont sillonné l’entrelacs de ruelles de ce quartier très dense et pauvre où habitats précaires et maisons en dur se côtoient. « On enregistre les points GPS des boutiques, des ateliers, des écoles, des dispensaires, des églises, explique Fridège Coumassou, 29 ans, diplômée sans emploi. On prend même les poteaux électriques ».

Ces données sont ensuite transférées sur la carte de Cotonou d’OpenStreetMap, une application de cartographie libre et gratuite, sorte de Wikipédia de la géographie. En se basant sur des photos aériennes, le groupe a modélisé les voies et les bâtiments, y compris lacustres, avant d’indiquer ce qu’ils représentaient.

Vue de la partie lacustre de Ladji. Le quartier est souvent assimilé par les Cotonois à un dépotoir géant. Certains habitants achètent les déchets pour remblayer devant chez eux.
Vue de la partie lacustre de Ladji. Le quartier est souvent assimilé par les Cotonois à un dépotoir géant. Certains habitants achètent les déchets pour remblayer devant chez eux. Delphine Bousquet/RFI

Au préalable, les habitants ont été formés au numérique et ont fabriqué des « jerrys », ces ordinateurs recyclés dans des bidons, avec l’aide des jeunes du collectif OpenStreetMap et du Blolab, laboratoire de fabrication numérique. « Je n’ai jamais utilisé un ordinateur de ma vie, sourit Jocelyne Agbo, vendeuse de pagnes qui a fermé sa boutique le temps du projet. Maintenant, avec cette petite expérience, je manipule bien ».

Suivre les déchets à la trace

« Etre sur une carte, c’est exister, c’est avoir des droits », confie Armelle Choplin, géographe et coordinatrice du projet. D’ailleurs, le chef de quartier a bien compris son importance. « L’administration s’est toujours occupée du centre et a oublié les périphéries proches de la lagune, estime Georges Gnonlonfoun. Il n’y a pas d’eau potable partout, ni de courant. Avec cette carte, on pourra montrer aux autorités où placer des poteaux électriques ».

Cette carte sera présentée aux autorités locales, aux dignitaires religieux et à la municipalité. Coïncidence, le maire intérimaire de Cotonou est originaire de la zone de Ladji. « Dans notre langue, cela veut dire "ici, c’est bon" », souligne le chef de quartier.

Si ses habitants lui sont très attachés, Ladji concentre de nombreux problèmes, notamment sanitaires. En cause : les ordures, venues de toute la ville. Pendant longtemps, elles ont servi de remblais pour sa partie lacustre. Encore aujourd’hui, certains habitants les achètent. Au quotidien, les collecteurs privés viennent déverser des carrioles remplies de détritus, qui vont désormais être suivis à la trace.

« On va en identifier quelques-uns dans Cotonou, poser des puces dessus pour suivre leur trajectoire », détaille Médard Agbayazon du Blolab, qui met au point l’application. Ce sont les habitants qui vont l’utiliser et récupérer les données. « On pourra faire des propositions aux pouvoirs publics, par exemple pour installer des points de collecte hors de Ladji car ce ne sont pas les habitants qui produisent ces ordures, analyse Armelle Choplin. On ne peut pas aménager les berges si on ne connaît pas leur circuit ».

Aménager les berges répond à la volonté du gouvernement du président Patrice Talon qui prévoit aussi de créer une voie de contournement de la ville. La construction de cet ouvrage obligera peut-être une partie des habitants à partir. En attendant, Jocelyne est très fière d’avoir cartographié son quartier. « Je pourrais dire à mes petits-enfants que j’ai fait partie du projet qui a mis Ladji sur une carte », déclare-t-elle.

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