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Entretien

«Le droit de vote pour les femmes c’était formidable, on n’osait pas y croire»

Il y a 80 ans, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, les Françaises obtenaient le droit de vote. Le 21 avril 1944, un amendement stipulait: « Les femmes seront électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ». Les Françaises se trouvaient parmi les dernières en Europe à obtenir ce droit. Mais ce n’est que le 29 avril 1945, que les électrices exerceront ce nouveau droit, lors d’un scrutin municipal. Parmi ces électrices, Marcelle Abadie. Elle a aujourd’hui 104 ans et se souvient de ces deux moments historiques pour la jeune femme qu’elle était.

Marcelle Abadie, 104 ans aujourd’hui. Elle a voté à Pantin, le 29 avril 1945, lors du premier scrutin ouvert aux femmes.
Marcelle Abadie, 104 ans aujourd’hui. Elle a voté à Pantin, le 29 avril 1945, lors du premier scrutin ouvert aux femmes. © Victor Costa Mousnier/RFI
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RFI: Vous êtes allée voter le 29 avril 1945. Quels souvenirs gardez-vous de cette journée et de celle du 21 avril 1944 ?  

Marcelle Abadie: Ah, c'était un événement. C'était un événement, car c'était la première fois et ça nous a marqué. J’ai été très touchée, très ébranlée. Le droit de vote, pour nous, c'était formidable. On n'osait pas y croire, jusqu'au bout, on s’est demandé si nous obtiendrions bien ce droit. Pour le jour du vote [Ndlr, le 29 avril 1945], j’étais allée chez le coiffeur. C'était une journée exceptionnelle pour moi. Il y avait du monde. Il a fallu attendre pour voter, car il y avait des files d’attente. Mais il n’y a pas eu beaucoup de femmes. C'est ça le malheur. À mon époque, les femmes ne s'intéressaient pas à la politique et quand je leur parlais de politique, elles me répondaient qu’elles avaient autre chose à faire et que la politique, c'était pour les hommes. Je n’insistais pas.

Quel était votre état d’esprit quand vous vous êtes rendue au bureau de vote ?

J’étais un peu craintive, car je me demandais si je saurais faire le bon choix. Vous savez, pour les femmes, à cette époque-là, c'était le ménage, la cuisine, les casseroles. La femme était bonne pour faire la bonne à la maison, s'occuper des enfants. Quand le mari arrivait, il était servi comme un prince, donc je me demandais « vais-je bien voter ? ». Je m'étais renseignée autour de moi, mais il y avait des avis différents, alors je me demandais, « mais qui a raison ? ». C'était difficile pour moi, mais il y avait quand même les journaux, la radio aussi. En tout cas, moi, j'ai voté pour qui je voulais.

Vous vous souvenez de votre réaction quand vous avez entendu pour la première fois « a voté » ? 

Ah, ça m'a fait quelque chose que je ressens d’ailleurs à chaque fois que je vote. Je me revois ce jour-là en train de voter. Ça m'a marquée. Ce fut une journée importante dans ma vie, ce jour-là, j'ai eu l'impression de devenir adulte. Avant, quand on parlait de politique et que mon interlocuteur n’était pas de mon avis, je le laissais parler, mais après, je disais « vous pensez comme vous voulez et moi, je pense comme je veux ». Donc j'avais changé, oui ! Le vote m’a fait murir.

Vous en parliez en famille ?  

Non, car je ne partageais pas les opinions politiques de ma famille. Je ne votais pas pour le même parti, alors on n’en parlait pas. C’était mieux comme ça, on évitait les problèmes. Mais chacun votait ce qu'il voulait quand même, heureusement. 

Pour vous, le droit de vote est un acquis qu’on a tendance à oublier ?

Ah oui, c’est un acquis qu'il faut toujours défendre. Surtout, il faut que la femme continue à s'intéresser à la politique. Une femme qui ne va pas voter, ce n’est pas une bonne française. C’est un droit que l’on se doit d’exercer, car il y a des pays où ce n’est pas possible.

Avez-vous manqué un scrutin ?

J'ai voté à chaque scrutin, et j'ai voté selon mes idées. Je n’ai jamais voté pour faire plaisir à une personne. J'ai toujours pris le temps de me renseigner, toujours oui. Quand j’allais voter, je savais pour qui je votais, même si parfois, je n'ai pas à chaque fois eu raison. Mais en tout cas, j’ai toujours fait de mon mieux. Je regrette que des femmes votent encore maintenant comme leur mari.

Quelle femme politique avez-vous admirée ?

Simone Veil. Elle a marqué son temps. Ce qui était bien, c'est qu’elle n’avait pas les idées fixes et que l’on pouvait discuter avec elle. C'était quelqu'un.

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