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France: les travailleurs migrants, résidents des foyers Adoma, ex-Sonacotra, se sentent menacés

Depuis la reprise de ces hébergements et leur rénovation par le bailleur social Adoma, il y a une dizaine d'années, les locataires estiment que le règlement intérieur est intrusif et les menace. Des dizaines de résidents, souvent parmi les plus anciens, ont reçu des avis d'expulsion, ces derniers mois. Ils manifestaient ce vendredi après-midi sous les fenêtres du bailleur, dans le Sud-Est de Paris.

Archives de 1970 : dans un foyer Sonacotra en région parisienne.
Archives de 1970 : dans un foyer Sonacotra en région parisienne. Gamma-Rapho via Getty Images - Francois DUCASSE
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Bâtis dans les années 1950 par le gouvernement, notamment à Paris, dans des zones proches des chantiers, les foyers avaient vocation à loger, temporairement, une main d'œuvre issue des colonies afin de reconstruire le pays au sortir de la guerre. Dans les années 1960, les grandes entreprises françaises, représentées au Conseil d'administration, y logeaient la main d'œuvre dont elles avaient besoin. Des logements conçus à l'origine pour encourager la vie en communauté et où se sont développés de forts réseaux de solidarité.

Adoma est l'héritière de la Sonacotra, elle-même l'héritière de la Sonacotral (1956), spécialisée dans l'hébergement des travailleurs immigrés algériens déracinés, venus rebâtir et moderniser la France d'après-guerre. Devenue Sonacotra après l'indépendance en 1962, puis Adoma, en 2007, elle compte deux sources de financement principales : CDC Habitat, filiale de la Caisse des dépôts (56 %) et l'État (42 %). Après un rapport très critique sur ces logements qui avaient mal vieilli, peu entretenus, un vaste programme de rénovation est lancé en 1997. Il est alors décidé de moderniser les 687 foyers « dont la configuration et l'état de dégradation ne permettaient plus de proposer une solution de logement digne », peut-on lire sur le site du gouvernement.

Mahamadou Savane fait partie des résidents venus manifester des quatre coins de Paris et de la banlieue devant le siège de l'Adoma, dans le XIIIe arrondissement de Paris. Il regrette le temps des foyers Sonacotra, pourtant rudimentaires. Certes, la société Adoma les a rénovés, mais depuis Mahamadou ne se sent plus chez lui. On nous dit qu'on consomme trop d'eau quand on se retrouve le week-end ; les agents qui ont des passes entrent chez nous, « ce n'est pas normal », s'indigne Mahamadou Savane au micro de Marie Casadebaig de RFI.

Plus possible d'héberger un proche sur la durée 

Par ailleurs, la rénovation des foyers s'accompagne souvent d'une réduction des places d'hébergement. Depuis plus d'un an, chaque semaine, de trois à dix résidents sont menacés d'expulsion.

Les plus âgés sont les plus touchés, souvent pour avoir hébergé un « surnuméraire » car les résidents hébergent souvent des proches venus comme eux du pays pour travailler en France. Ils ont la possibilité d'héberger un tiers pendant trois mois par an, à condition de le déclarer au bureau, indique le règlement des foyers. Abdoulaye Sidy, bientôt à la retraite, est menacé d'expulsion. « Je n'ai pas de dette, rien ! Mais je ne peux pas laisser mon frère dehors, on invite la famille, c'est l'habitude ! » Diabi Sidibé aussi loge son frère, pour lui éviter la rue... Il a peur à présent pour son avenir. « J'ai 82 ans, comment je vais faire ? !!!! »

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« Depuis les transformations des foyers en résidences, Adoma multiplie les assignations, mais leur campagne est devenue plus offensive depuis un an et demi » face à la crise du logement social, avance Michael Hoare, du Collectif pour l'avenir des foyers (Copaf), interrogé par l'AFP et auteur de l'article Des foyers aux résidences sociales : un racisme d’État, en 2019. Selon l'association, qui assiste les habitants dans leur défense, de trois à dix dossiers passent chaque semaine devant le tribunal de Paris pour « occupation illicite » d'un logement. Les titulaires des chambres hébergent souvent des proches venus comme eux du pays pour travailler en France.

Adoma assure ne faire qu'appliquer le règlement intérieur. Le bailleur, qui gère 105 foyers en France, ne souhaite pas communiquer le nombre de procédures engagées, mais assure qu'il fait « tout pour éviter l'expulsion » de ses résidents, envisagée seulement en « ultime recours ». Deux époques semblent s'opposer : celle des foyers communautaires où les travailleurs trouvaient de l'entraide loin de chez eux, à celles du logement social en pleine crise.

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