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France

Présidentielle 2017: «ni Macron, ni Le Pen» et les fissures du front républicain

A peine les résultats du premier tour de l’élection présidentielle publiés, Emmanuel Macron n’a cessé d’engranger les soutiens, de gauche comme de droite, dans l’optique de faire barrage au Front national. Mais contrairement à l’élection de 2002, où Jean-Marie Le Pen s’était retrouvé propulsé au second tour, ce front républicain paraît moins unanime qu’il y a 15 ans. Certains électeurs et personnalités politiques préfèrent opter pour la position du « ni-ni », ni Marine Le Pen ni Emmanuel Macron.

Des manifestants brandissent une bannière «ni banquier ni raciste» lors d'un rassemblement à Nantes, le 23 avril, après l'annonce des résultats du premier tour.
Des manifestants brandissent une bannière «ni banquier ni raciste» lors d'un rassemblement à Nantes, le 23 avril, après l'annonce des résultats du premier tour. JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP
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« Ni patrie ni patron, ni Le Pen ni Macron ». C’était un des slogans des quelque 300 manifestants rassemblés place de la Bastille à Paris, dimanche soir, pour dénoncer « la mascarade électorale » du 23 avril 2017. Mais cet appel à une « nuit des barricades » s’est vite heurté aux CRS. Après des échauffourées avec la police et plusieurs interpellations, les manifestants se sont dirigés vers la place de la République, en jouant au chat et à la souris avec les forces de l’ordre dans les rues de la capitale.

Lancés par des mouvements antifascistes et anticapitalistes, des rassemblements semblables se sont tenus à Nantes, Tours, Rennes ou Rouen, avec ce même mot d’ordre : « ni Macron, ni Le Pen ». Un appel au boycott qui fait écho au sentiment de nombreux internautes qui, dès dimanche soir également, ont prévenu sur Twitter qu’ils préféraient s’abstenir plutôt que de voter pour l’un des deux candidats, avec le hashtag #SansMoiLe7Mai. Un mot-dièse devenu rapidement viral et dont se sont emparés les électeurs déçus de Jean-Luc Mélenchon.

Le France insoumise consulte

Contrairement au candidat LR François Fillon et au socialiste Benoît Hamon, qui ont immédiatement appelés à voter pour Emmanuel Macron au second tour le 7 mai, le candidat de la France insoumise, arrivé en quatrième position avec 19,6% des voix, n’a pour sa part pas donné de consigne de vote, s’en remettant à un choix collectif sur la plateforme de son mouvement. « Je n’ai reçu aucun mandat des 450 000 personnes qui ont décidé de présenter ma candidature pour m’exprimer à leur place sur la suite », a-t-il déclaré.

Ces 450 000 adhérents sont donc invités à s’exprimer lors de consultations en ligne entamées ce mardi, avec le choix entre plusieurs options : voter Macron, voter blanc ou nul ou s’abstenir. L’option d’un vote pour Le Pen a donc été exclue d’emblée. En attendant les résultats, il faudra donc se contenter de cette phrase sibylline de Jean-Luc Mélenchon : « chacune, chacun d’entre vous sait en conscience quel est son devoir. Dès lors, je m’y range ». Une position très vivement critiquée le soir même, notamment dans les rangs du PS.

Mais il n’est pas le seul à ne pas avoir donné de consigne de vote. Philippe Poutou, le candidat du NPA, estime que « ce sont bien les politiques d'austérité et sécuritaires (…) qui restent la cause de la montée du FN et de ses idées nauséabondes. Macron n'est pas un rempart contre le FN. » Une ligne partagée par Nathalie Arthaud (Lutte ouvrière), qui a appelé sur Twitter à « rejeter le vote pour Marine Le Pen », mais sans pour autant voter Emmanuel Macron : « Pour ma part je voterai blanc en rejetant le FN mais sans croire que Macron est un barrage. »

Divergences à droite

Mais il n’y a pas qu’à la gauche de la gauche qu’on se refuse à voter pour Emmanuel Macron. Car si le bureau politique LR a appelé à voter contre Marine Le Pen dans un communiqué, le parti laisse implicitement le choix entre le vote blanc ou le vote Macron. Un compromis qui a fait l’objet d’âpres discussions, rapporte l’AFP, car les divergences sur la ligne à conduire sont importantes au sein de la formation politique.

Si plusieurs ténors du parti Les Républicains, à commencer par François Fillon, Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin ont prévenu qu’ils donneraient leur voix au candidat d’En Marche !, d’autres y sont beaucoup plus réticents, voire carrément opposés. Le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti refuse de prendre position, qualifiant dans un communiqué Emmanuel Macron d’ « héritier légitime d’un quinquennat désastreux » tout en critiquant le programme et les idées de Marine Le Pen, « un danger pour notre pays ».

Même son de cloche chez Henri Guaino. Le député des Yvelines et ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy a confié au magazine Marianne : « Je ne veux pas voter pour madame Le Pen et je ne veux en aucun cas voter pour monsieur Macron, car voter Macron, c'est voter pour le système que je désapprouve ». Nadine Morano a estimé sur Twitter que voter pour « Emmanuel Hollande » était une « incohérence », avant de préciser sur RMC qu’elle ne voterait « jamais » pour Le Pen.

La droite catholique a perdu son candidat

Mouvance catholique de droite et soutien de François Fillon, Sens commun a également adopté la voie du « ni-ni ». Dans un entretien à l’hebdomadaire Famille chrétienne, Christophe Billan, le président de cette émanation de la Manif pour tous, se demande : « Comment choisir entre le chaos porté par Marine Le Pen et le pourrissement politique d'Emmanuel Macron ? (…) Les deux options qui sont devant nous m’apparaissent délétères. »

Allié du parti LR, le Parti chrétien-démocrate a également fait le choix de ne pas se prononcer. Pour son président et candidat malheureux à la primaire de droite, Jean-Frédéric Poisson, le PCD « ne peut se résoudre à confier le pouvoir ni à ceux qui veulent prendre le risque insensé de couper la France du monde, ni à ceux qui veulent la voir désintégrée dans un grand tout uniformisé, régi pas les seules lois du marché ».

Un deuxième 21 avril ?

A gauche comme à droite, le fameux « front républicain » qui est censé faire barrage au Front national ne paraît donc plus aussi solide qu’en 2002. A l’époque, la présence de Jean-Marie Le Pen au second tour avait été un choc, poussant Lionel Jospin à se retirer de la vie politique et provoquant des manifestations spontanées dans toute la France. Au second tour, le taux de participation avait fait un bond de près de 10 points, avec trois millions d’électeurs en plus dans les bureaux de vote.

Quinze ans plus tard, la présence du Front national n’est plus une surprise et les Français ne sont pour l'instant pas massivement descendus dans la rue. Et ce malgré un score historique de 21,4% des suffrages exprimés (soit trois millions de voix de plus que son père en 2002). « Outre que l’accès de Marine Le Pen au second tour est annoncé depuis des mois, son Front national normalisé prétend désormais être devenu le premier parti de France et les manifestations anti-FN de l’entre-deux-tours en 2017 n’auront pas la même ampleur que celles de 2002 », analyse le chercheur Sylvain Crépon dans Libération, qui évoque un « 21 avril banalisé ».

Report des voix et abstention

A l’issue de ce premier tour, plusieurs sondages donnent Emmanuel Macron vainqueur avec 60% des suffrages contre environ 40% pour Marine Le Pen. La candidate frontiste s’est aussitôt remise en campagne, notamment pour essayer de convaincre les électeurs déçus des candidats perdants, à commencer par ceux de François Fillon et de Jean-Luc Mélenchon. Selon les dernières projections, environ 30% des électeurs du candidat LR pourraient voter pour Marine Le Pen, et aux alentours de 10% des électeurs du leader de la France insoumise pourraient reporter leur voix sur le FN. Mais dans un cas comme dans l'autre, plus de 30% d'entre eux envisageraient de s'abstenir ou de voter blanc.

Les autres options des « déçus » du premier tour, l'abstention ou le vote blanc pourraient donc jouer un rôle essentiel au second tour, et cela probablement en faveur de l'extrême droite. Ses adversaires s'inquiètent d'une potentielle « abstention différenciée », selon l'expression popularisée par un physicien, Serge Galam. Dans un article publié sur The Conversation, le chercheur explique que si les opposants de Marine Le Pen se mobilisent moins que ses partisans, alors la leader d’extrême droite n'a mathématiquement pas besoin d'être majoritaire dans les intentions de vote pour l'emporter le 7 mai. Serge Galam voit là une « faille de taille dans le plafond de verre » qui bloque la victoire de Marine Le Pen.

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