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Entretien

Francophonies: «Léa», l’urgence du combat écologique au théâtre

Avec « Léa et la théorie des systèmes complexes », une grande commande d’écriture lancée par l’European Theatre Convention vient de fêter sa première au Festival des Francophonies à Limoges. La pièce, finement enquêtée et écrite par l’auteur luxembourgeois Ian De Toffoli, raconte deux histoires bouleversantes en parallèle : une saga familiale bâtie sur le pétrole et la violente prise de conscience d’une jeune femme confrontée à la crise climatique. Dans une démocratie, face à l’urgence écologique, l’usage de la violence devient-il légitime pour sauver la planète ? Entretien avec la metteuse en scène luxembourgeoise Renelde Pierlot qui réussit à matérialiser très intelligemment les enjeux avec les voix et les corps sur scène.

« Léa et la théorie des systèmes complexes », texte d’Ian De Toffoli et mise en scène de Renelde Pierlot au Festival des Francophonies, Les Zébrures d’Automne, à Limoges.
« Léa et la théorie des systèmes complexes », texte d’Ian De Toffoli et mise en scène de Renelde Pierlot au Festival des Francophonies, Les Zébrures d’Automne, à Limoges. © Astrid Usai
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RFI : Léa et la théorie des systèmes complexes. Pourquoi est-ce toujours si compliqué de sauver le monde ?

Renelde Pierlot : C’est une grande question. Comme le titre l’indique, des systèmes complexes impliquent que toutes les choses s'imbriquent les unes dans les autres. Quand on voit le monde de manière linéaire, c'est difficile de concevoir comment on peut sauver le monde. C’est plus comme dans ces jeux d'enfants où l’on ouvre une toile, et quand on tire sur un fil, cela provoque des réactions en chaîne, mais cela ne va pas spécialement résoudre le problème qu’on imaginait.

Le personnage principal Léa est en colère contre un système qui permet de gagner beaucoup d’argent en détruisant la planète. Est-ce important que Léa soit jeune, une femme et quelqu'un du Luxembourg, du pays de la fiscalité avantageuse ?

Ça, c'est ce qui est écrit dans la pièce. Justement, je voulais un peu aller contre ça. Dans notre société, on dit trop que ce sont les jeunes qui devraient être en colère et changer les choses. Je pense que toutes les générations et tous les genres doivent apporter leur soutien, pas que les jeunes femmes ou les gens du Luxembourg. Ce ne sont pas les gens d'une certaine bourgeoisie ou d'un certain milieu social qui devraient être en colère, mais tout le monde.

► À lire aussi : Ouverture des 40e Francophonies à Limoges, l’épicentre de la création théâtrale francophone

La pièce raconte deux histoires en parallèle : l’incroyable conquête de la famille Koch dans l’industrie du pétrole, et l’histoire de la destruction de la planète, la menace de l'extinction. Ces deux histoires, sont-elles liées ?

Oui, dans la pièce, les deux histoires sont liées. Les uns construisent leur monde et de l’autre côté, Léa, représentée aussi par tout un groupe d’activistes, essaie de déconstruire ce monde ou de réfléchir comment réinventer un nouveau monde.

Renelde Pierlot, la metteuse en scène de la pièce « Léa et la théorie des systèmes complexes », présentée en première au Festival des Francophonies, Les Zébrures d’Automne, à Limoges.
Renelde Pierlot, la metteuse en scène de la pièce « Léa et la théorie des systèmes complexes », présentée en première au Festival des Francophonies, Les Zébrures d’Automne, à Limoges. © Siegfried FORSTER / RFI

Léa, représente-t-elle une génération, un point de vue, une époque ?

Pour moi, Léa est un éveil des consciences. Ce n'est pas une personne en particulier, c'est vraiment un éveil des consciences. Donc tout le monde est Léa ou peut être Léa.

Sur scène, les comédiens jouent à la fois les membres de la richissime famille Koch et – en changeant les costumes – ils incarnent également les activistes écologiques. Suffit-il de changer sa veste pour changer le personnage ? Est-ce qu'on a tous en nous les deux côtés ?

Oui, c'est tout à fait ça. C'est une réflexion que je me suis faite. Nous-mêmes, en étant dans la société de consommation et dans le capitalisme, en s'inscrivant là- dedans - parce que c'est difficile de faire autrement dans notre société - on détruit la planète. Et d'un autre côté, de la même manière, les mêmes personnes peuvent aussi essayer de mettre des choses en place pour amener le changement.

Sur scène, nous observons l’éveil d’une nouvelle génération, l’apparition de nouveaux enjeux. Est-ce que cela exige aussi une nouvelle façon de mettre en scène au théâtre ?

C'est une grande question que je me pose aussi par rapport à ce que le théâtre peut faire pour être plus écologique et avoir une moins grosse empreinte carbone. Qu'est-ce qu'on peut faire ? C’est une question complexe. Nous avons essayé d'avoir un certain regard là-dessus. Par exemple, nous avons essayé d'avoir zéro plastique sur le plateau, tous les costumes ont été faits avec des matériaux de récupération, des habits de seconde main. Nous faisons attention à comment on fait voyager les équipes, etc. Tout cela est mis en place, mais je pense que ce n'est pas assez. De manière générale, il faudrait encore y réfléchir comment la culture peut être créée de manière plus écologique.

Dès la première chanson, un mot est omniprésent : « emergency », « l'urgence ». Comment peut-on aujourd'hui mettre en scène l'urgence au théâtre ?

J’espère que vous avez eu des réponses dans la mise en scène [rires]. C'est difficile, parce que ce sont des sujets difficiles. Comment ne pas être didactique ? L'urgence ici, je ne sais pas si vous avez vu, mais le rythme était assez effréné dans la mise en scène.

La troupe de « Léa et la théorie des systèmes complexes » après la première aux Zébrures d’Automne, le Festival des Francophonies à Limoges.
La troupe de « Léa et la théorie des systèmes complexes » après la première aux Zébrures d’Automne, le Festival des Francophonies à Limoges. © Siegfried FORSTER / RFI

Est-ce que la relation avec le public change ?

La relation avec le public était toujours très importante pour moi. J'ai essayé d’enlever la division entre la scène et la salle. Ici, sur scène, vous voyez des sièges de la salle qui sont dans la scénographie.

C'est la première fois depuis 40 ans que le Festival des Francophonies à Limoges invite une pièce luxembourgeoise. Quelle est l’importance de la francophonie au Luxembourg ?

Nous parlons différentes langues au Luxembourg : l'allemand, le luxembourgeois, le français… Nous sommes un pays multilingue et je pense qu'il y a beaucoup de gens qui ne sont peut-être même pas au courant qu'on parle aussi français au Luxembourg. Sinon, oui, la francophonie est quelque chose d'important au Luxembourg. On joue dans quatre langues différentes au moins, voire plus, et tout est surtitré. Donc on joue Molière en français et Shakespeare en anglais et Schiller en allemand. Comme on a la maîtrise des langues, les acteurs et actrices vont se former dans différents pays et peuvent jouer dans différentes langues aussi.

► Les Zébrures d'automne du festival « Les Francophonies – des écritures à la scène », du 20 au 30 septembre, à Limoges, en France

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