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Colombie

Colombie: «Les accords de paix ne sont pas encore morts»

Est-ce le retour des années de violences en Colombie ? Dans une vidéo publiée ce jeudi 29 août, Ivan Marquez, l'ancien numéro 2 des FARC, les Forces armées révolutionnaires colombiennes, annonce reprendre les armes, avec comme objectif de combattre l'oligarchie et la corruption. Quel avenir pour l'accord de paix ? RFI a interrogé Angelica Montes, philosophe franco-colombienne et directrice du think tank Grecol.

Image issue de la vidéo publiée le 29 août 2019 par d'anciens guérilleros des Forces armées revolutionnaires colombiennes (FARC), Ivan Marquez et Jesus Santrich, annonçant une reprise des armes.
Image issue de la vidéo publiée le 29 août 2019 par d'anciens guérilleros des Forces armées revolutionnaires colombiennes (FARC), Ivan Marquez et Jesus Santrich, annonçant une reprise des armes. AFP / YOUTUBE
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RFI: Dans ce message des FARC, ces hommes disent avoir été trahis, notamment. Comment comprenez-vous ce mot de « trahison » ?

Angelica Montes : Depuis un an, on va dire que le gouvernement d’Ivan Duque récolte ce qu’il a semé. Depuis un an, le gouvernement et le Centre démocratique, le parti du gouvernement, a remis l’accord de paix en cause. Cela a provoqué une ambiance d’incertitude juridique pour les ex-FARC et a renforcé les craintes de la population des anciens territoires contrôlés par les FARC. Cela n’a pas du tout aidé à la consolidation de ces accords et des engagements entre les FARC et le gouvernement.

Quels engagements, justement ?

Les engagements comprenaient sept points parmi lesquels le respect du pluralisme politique, le respect des politiques de subsitution des cultures de la coca vers des cultures légales, l’accompagnement de la population des ex-FARC dans la réinsertion dans la vie civile...

Tous ces engagements ont été un peu gelés, parce que le gouvernement de Duque s’était mis plutôt dans un débat juridique pour juger de la pertinence ou pas d’une justice spéciale pour la paix. Tout cela a provoqué vraiment une situation de trouble et d’incertitude. Aujourd’hui, on voit clairement quelles sont les conséquences de cette situation.

Il y avait aussi cet engagement du droit à rester en vie pour ces ex-FARC. Or nombre d’entre eux ont été tués. Est-ce une raison aussi de reprendre les armes ?

Effectivement. Plus de 500 leaders et défenseurs des droits de l’homme ont été assassinés au cours des deux dernières années. Plus de 150 ex-guérilleros et aussi des membres de leurs familles.

Mais derrière tout cela, il y a aussi un combat politique à l’intérieur même de la FARC, car [Ivan] Marquez et [Jesus] Santrich se sont désolidarisés de [Rodrigo] Londoño, chef du parti légal. Il faut le rappeler, les FARC se sont constitués en parti légal en 2017. Et aujourd’hui cela s’appelle FARC - Force Alternative Révolutionnaire Commune. Les deux personnes qui apparaissent sur ces vidéos, Ivan Marquez et Santrich, sont en opposition à la ligne prise par ce parti légal, qui est dirigé par son ex-collègue de combat, Rodrigo Londoño.

Les accords de paix ont permis de désarmer 7 000 guérilleros. Qu’est-ce que cette reprise des armes augure pour l’avenir? Faut-il s’attendre à encore plus de violence ?

Indiscutablement. Le gouvernement de Ivan Duque va trouver maintenant un prétexte pour mettre en place une politique de guerre afin de protéger la légalité des institutions et protéger la population de la menace de nouvelles aires de combats venant de cette nouvelle FARC-EP, qui se reconstitue.

C’est aussi dans un climat d’élections. Au mois d’octobre se tiendront des élections pour élire des maires et des gouverneurs. Cela va, indiscutablement, créer une incertitude politique, mais aussi des craintes, très probablement au profit du parti du gouvernement, le parti de droite, le Centre démocratique.

Faut-il donc s’attendre à une réponse militaire de la part du gouvernement d’Ivan Duque ?

Oui. Cela a toujours été la réponse du nouveau gouvernement : il faut faire face à tous les éléments illégaux avec des armes. Il n'y a donc pas de changement à attendre. Mais au-delà, le drame est plutôt humain, parce que la situation des populations va encore plus s’aggraver. Peur des assassinats, disparitions… On fait vraiment un pas en arrière, je dirais [même] dix pas en arrière. On peut se retrouver avec des scénarios de violence semblables à ceux qui ont précédé les accords de paix.

Justement, pensez-vous que ces accords de paix, aujourd’hui, sont largement compromis ?

Je dirais qu’ils ne sont pas morts, parce que de fait, les Forces alternatives révolutionnaires communes - le parti politique des FARC - sont toujours engagées dans le respect des différents points de l'accord signé avec le gouvernement.

Par ailleurs, le parti a pris ses distances avec [Ivan] Marquez et [Jesus] Santrich : les deux personnes qui apparaissent sur ces vidéos ont été exclues du parti. Donc on ne peut pas dire que le parti politique des FARC qui est né de ces accords a repris les armes. Nous sommes face à une situation confuse, parce que le nouveau mouvement se fera appeler de la même façon : FARC-EP.

Cela n’aide pas du tout à faire comprendre à la société civile colombienne qu’il y a une partie des guérilléros qui a effectivement repris les armes et [une autre partie des FARC qui est] dans une logique de création d’une dynamique politique dans la légalité.

Donc, nous allons rentrer dans une phase très confuse, parce que le parti légalement constitué est toujours là et en même temps, on a une nouvelle guérilla qui s’appelle FARC et qui dit qu'elle fera la guerre.

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