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Brésil / Cuba / Haïti

Le géant brésilien veut resserrer ses relations diplomatiques avec Cuba et Haïti

Après une longue étape à Cuba hier, où la présidente brésilienne a rencontré Fidel et Raul Castro, Dilma Roussef est ce mercredi 1er février en Haïti. Une étape bien différente mais tout aussi délicate qu’à La Havane. Le Brésil est en effet le pays qui a fourni le plus gros contingent à la Minustah, la Mission des Nations unies pour la stabilité en Haïti. L’armée brésilienne en assure aussi le commandement. Or, ces casques bleus sont très mal acceptés par la population.

Dilma Roussef (à g.) parle avec son homologue cubain, Raul Castro, le 31 janvier.
Dilma Roussef (à g.) parle avec son homologue cubain, Raul Castro, le 31 janvier. REUTERS/Adalberto Roque/Pool
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A Cuba, la présidente brésilienne Dilma Roussef est venue parler économie. Depuis que le grand frère soviétique -puis la Russie- ont pris leurs distances, l'économie cubaine est en très grande difficulté. Elle ne survit qu'avec l'aide financière du Venezuela et le pouvoir communiste le sent bien : la faillite de l'économie sonnerait la faillite du régime, c'est pour cela qu'il réforme, le plus en douceur possible. Avec l'aide donc, de ses voisins et d'abord du géant brésilien. Le Brésil finance actuellement un terminal important dans le port de Mariel à quelques kilomètres de La Havane. Un port qui devrait servir pour le transbordement de charges vers les Etats-Unis.

Pour Alfredo Valadao, professeur à l’Institut de sciences Politiques de Paris, d’autres entreprises brésiliennes voudraient investir à Cuba. « Il y a déjà plusieurs pays, comme le Mexique ou le Canada, qui depuis longtemps parient sur une ouverture cubaine. Le Brésil est très présent avec des entreprises qui vont travailler dans le secteur du sucre et autres. Les échanges du Brésil avec Cuba sont plutôt très bons puisque le commerce extérieur a augmenté de 30% et ce sont surtout des exportations brésiliennes vers Cuba ».

« Eviter la politique du mégaphone…. »

Au total, les échanges entre les deux pays représentent plus de 640 millions de dollars. Frédéric Louault, professeur à l'Institut des hautes études de l'Amérique latine estime que, dans ce contexte, l'évolution économique de Cuba a une signification politique : « A terme il peut y avoir des répercussions sur le modèle politique et le fait que l’entreprise étatique de canne à sucre cubaine signe un accord avec l’entreprise brésilienne Odebrecht, est aussi un signe d’ouverture politique ».

Du coup, le Brésil compte sur l'économie pour faire évoluer le régime vers plus de démocratie. En la matière, il y a une très sérieuse différence d’approche entre Dilma Roussef et son prédécesseur. La présidente brésilienne est certes l'héritière politique de Lula, mais alors que l'ancien président, ancien syndicaliste, garde une grande admiration pour la révolution cubaine, Dilma Roussef, ancienne résistante, emprisonnée et torturée sous la dictature brésilienne est bien plus sensible à la question des droits humains.

A l'égard de Cuba, elle décidé d'adopter, ce qu’Alfredo Valadao appelle une « approche pragmatique » : « Puisqu’elle parie sur un changement lent, Dilma Roussef ne veut pas avoir une politique du mégaphone. Elle se dit que cela ne servira à rien, que ça ne fera que braquer les autorités cubaines . Mais pour bien montrer qu’elle est toujours sensible à la question des droits de l’homme, elle a accordé un visa à la bloggeuse, Yoani Sanchez afin qu’elle puisse sortir de Cuba et ainsi  participer au lancement d’un documentaire sur les libertés à Cuba. Il faut voir maintenant si Raul Castro va lui accorder un visa pour qu’elle puisse sortir de Cuba ». Les autorités cubaines doivent dire vendredi si elles accordent ou non ce visa de sortie à Yoani Sanchez. En attendant, Dilma Roussef s'est bien gardée de rencontrer des dissidents cubains.

Minustah et immigration

Cuba et Haïti sont deux îles des Caraïbes, distantes d'un peu plus de 1000 km seulement ; pourtant ce sont deux visites bien différentes pour Dilma Roussef. A Haïti, la visite de la présidente brésilienne est bien moins politique et économique mais elle est tout de même délicate.
Le Brésil est en effet le pays qui a fourni le plus gros contingent à la Minustah, la Mission des Nations unies pour la stabilité en Haïti. L’armée brésilienne en assure aussi le commandement. Or, ces casques bleus sont très mal acceptés par la population qui les accuse notamment d'avoir réintroduit le choléra en Haïti. Ce sera le premier sujet de discussions entre Dilma Roussef et le président haïtien, Michel Martelly.

Selon Alfredo Valadao, le Brésil commencerait sérieusement à envisager son retrait. « Ça coûte très cher au Brésil alors qu’en ce moment il faut faire des économies à cause de la crise globale. Donc, quels sont les moyens de retirer petit à petit les casques bleus d’Haïti ? C’est la question ». Mais ce n’est pas la seule. L’autre grande question de cette visite, c’est l’immigration qui commence à prendre des proportions jusqu’à présent inconnues entre le Brésil et Haïti. « Ces derniers mois, 4 000 Haïtiens sont rentrés dans le pays par la frontière nord, la frontière amazonienne à travers le Pérou. Cette vague d’immigration d’Haïtiens vers le Brésil est quelque chose de tout à fait nouveau. Le Brésil craint qu’il y ait des dizaines de milliers d’Haïtiens supplémentaires qui tentent le voyage parce que l’économie brésilienne est dynamique ce qui attire donc les immigrants et notamment les Haïtiens qui ont connu les Brésiliens à travers la force de paix. Le Brésil a même rétabli des visas pour les Haïtiens ».

Le géant du sud…

Le Brésil est devenu en quelques années, le géant de l’Amérique du Sud. Cette influence grandissante n’est pas forcément pour déplaire au géant du nord que sont les Etats-Unis. Qu’un grand pays démocratique, latino-américain, renforce son influence dans la région peut servir de relais pour les Américains, à un moment où eux-mêmes restent mobilisés sur le Proche et Moyen-Orient. Quant à Cuba, comme le rappelle Frédéric Louault : « L’embargo des Etats-Unisc c’est eux qui le maintiennent, donc s’ils veulent s’ouvrir sur Cuba c’est leur problème mais ils seraient mal placés pour empêcher d’autres pays de se rapprocher de Cuba ».

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