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Histoire

Première Guerre mondiale: les poilus de Harlem

Alors que la France commémore cette année, en présence de Donald Trump, l'entrée des Etats-Unis dans la Première Guerre mondiale, le sort d'un régiment américain en particulier, le 15e régiment d'infanterie de la Garde nationale de New York, composé de Noirs américains, reste encore méconnu. Présents dans les tranchées aux côtés des Français, ces soldats volontaires, dont le courage a été salué par l'armée française, ont très peu retenu l'attention des Américains en raison de leur couleur. Thomas Saintourens, retrace le destin de ces hommes dans un livre «Poilus de Harlem», aux éditions Tallandier.

Les hommes du 369e régiment d'infanterie, auparavant appelé jusqu'en mars 1918, 5e régiment d'infanterie de la Garde nationale de New York, en 1919.
Les hommes du 369e régiment d'infanterie, auparavant appelé jusqu'en mars 1918, 5e régiment d'infanterie de la Garde nationale de New York, en 1919. (Photo by Paul Thompson/Interim Archives/Getty Images)
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RFI : D'où venaient ces poilus de Harlem ?

Thomas Saintourens: Il y avait à la fois des avocats, des boxeurs, des chômeurs. C’est toute la population finalement de Harlem et de différents quartiers de New York qui se sont engagés dès l’année 1916 auprès de cette Garde nationale de New York pour aller combattre au-delà du sol américain, donc durant la Première Guerre mondiale.

C’est un projet particulier puisqu’en fait dans ce conflit, en quelque sorte, ils auront deux fronts sur lesquels ils vont se battre. Le front des tranchées contre les Allemandes bien sûr, aux côtés des Français, et puis aussi un front à domicile derrière eux, qui est l’administration, la politique et les états-majors de l’armée américaine contre la discrimination et la ségrégation. On va dire que leur engagement a une portée politique.

Et leur courage au combat était tel que les Allemands les ont surnommés les « Hellfighters » (les combattants de l’Enfer). 500 d’entre eux seront décorés de la Croix de Guerre française, mais à Washington leurs exploits ne sont pas salués. Vous écrivez que leur plus grand ennemi ce n’est pas l’armée allemande, mais leur propre hiérarchie ?

En fait, dès le début de la guerre, c’est très difficile de faire combattre côte à côte des Blancs et des Noirs Américains, sachant que la société américaine est elle-même ségréguée.

Donc, ils ont été transférés à l’armée française. C’est sous uniforme français qu’ils vont se battre et, tout au long de la guerre, ils sont tenus un petit peu en respect par cette administration américaine parce que finalement ils font peur. Ce sont des Afro-Américains qui désormais savent manier les armes, sont au contact de Français dont le leitmotiv est liberté, égalité, fraternité. Et effectivement, durant toute la guerre, ils vont être perçus plus comme une menace que comme des Américains qu’il faut célébrer à leur retour.

Alors que dans les tranchées ils fraternisent avec les Français ?

Soldat afro-américain de la Première Guerre mondiale.
Soldat afro-américain de la Première Guerre mondiale. JHU Sheridan Libraries/Gado/Getty

Voilà. Dans les tranchées, tout au long de l’année 1918, ils passent un nombre record de 191 jours consécutifs au front – un record pour une unité américaine – et vont aller de victoire en victoire, puisqu’on dit qu’à la fin de l’année 1918 ils n’ont pas perdu un pouce de terrain. Lorsque ces soldats noirs rentrent enfin au pays à l’issue de la guerre ils ont droit à leur heure de gloire, mais guère plus parce qu’aux Etats-Unis c’est la ségrégation et ces hommes sont jugés en fonction de leur couleur, pas de leur mérite.

L'heure de gloire durera finalement une journée – en février 1919 - au cours d’une somptueuse parade dans les rues de New York City, devant une foule de citoyens Blancs comme Noirs. Ils remontent la Cinquième avenue jusqu’à Harlem, sont célébrés. Mais quelques jours plus tard, le régiment finalement est démobilisé et ces vétérans noirs n’ont pas les égards que l’armée aurait pu leur donner, reçoivent beaucoup moins de récompenses qu’ils n’ont pu recevoir des mains des Français.

Certains finissent même tragiquement ?

Certains finissent tragiquement, on peut souligner le cas d’un de ces soldats particulièrement importants qui s’appelait Henry Johnson, qui est devenu un des premiers héros noirs de la Première Guerre mondiale pour avoir mis en déroute une vingtaine d’Allemands à l’aide d’un simple couteau et finalement il va terminer sa vie fin des années 1920, oublié de tous, dans la rue, sans avoir les honneurs militaires qu’il aurait pu mériter.

Et il aura fallu attendre jusqu’à 2015 pour qu’honneur soit finalement rendu à ce soldat. Et c’était à la Maison Blanche par Barack Obama ?

C’est Barack Obama qui près de cent ans après aura remis la plus haute distinction militaire à titre posthume à Henry Johnson. La preuve que même après la guerre, les administrations successives politiques américaines ont eu de grandes difficultés à reconnaître la bravoure et l’apport de ces soldats afro-américains durant les conflits mondiaux.

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