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Royaume-Uni / Jeux vidéo

Royaume-Uni: Dundee réécrit les règles du jeu vidéo

Dundee est la ville des trois J : jute (industrie qui s’est effondrée au XXe siècle), jam (c’est là où la marmelade a été inventée), journalism (avec DC Thompson, un poids lourd de la presse britannique). Mais depuis les années 1980, on s’accorde à ajouter un quatrième J pour joystick ou jeux vidéo. La ville UNESCO du Design est réputée pour être un lieu majeur de création et d’innovation dans le domaine des jeux vidéo. Au V&A Dundee, une exposition fournie décrypte depuis le 20 avril le processus derrière leur création, avec une mise en avant de l’excellence et de l’originalité de l’Écosse.

Une des espaces de l’exposition Videogames: Design, Play, Disrupt au V&A Dundee, en Écosse.
Une des espaces de l’exposition Videogames: Design, Play, Disrupt au V&A Dundee, en Écosse. © Assa Samaké-Roman / RFI
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Succès made in Dundee

Lemmings (DMA Design, maintenant Rockstar North, 1991), Grand Theft Auto (idem, 1997), Minecraft (Mojang/4J Studios, 2011) : ces trois jeux, parmi les plus populaires du monde, sont des success-stories de Dundee. Nés ou développés dans cette ville, ils montrent que dans le secteur des jeux vidéo, Dundee pèse lourd, et ce depuis plus de 30 ans. Avec des centaines d’emplois, des formations universitaires parmi les meilleures au monde, un environnement favorable aux industries créatives, et des millions de livres sterling investis dans la future pépinière inGame, les jeux vidéo sont intégrés au tissu économique et culturel de Dundee.

Ce n’est pas un hasard, explique Gregor White, doyen de la faculté de design et d’informatique à l’université Abertay, l’une des premières du monde à proposer des diplômes dans le secteur des jeux vidéo. Timex, le plus grand employeur de la ville dans les années 1970, fabriquait des montres, puis des ordinateurs aux prix relativement raisonnables. Toute une génération a donc grandi en manipulant ces appareils, en codant, en imaginant le potentiel de ces machines. « Ces jeunes gens avaient une vision et une imagination débordante », se souvient Gregor White.

Timex a fermé ses portes, après l’une des grèves les plus violentes de l’histoire du Royaume-Uni en 1992. Mais les jeunes ont continué à expérimenter et à inspirer la génération suivante. Et aujourd’hui, « Dundee est la plus grande densité de développeurs de jeux vidéo du pays ».

Esprit d’entraide

Malath Abbas, cofondateur de Biome Collective, fait partie de cette nouvelle génération. Avec Tom deMajo, il a créé cet espace de coworking en 2015 pour rassembler des indépendants de tous horizons qui veulent repenser les jeux vidéo. Aujourd’hui, Biome travaille avec une quinzaine de personnes, qui mettent en commun compétences, connaissances et expériences pour créer des jeux innovants, en immersion ou en réalité virtuelle.

Originaire de Bagdad et ayant grandi à Liverpool, Dundee n’a pas été une évidence pour Malath. Mais il a vite découvert son potentiel : une multitude de facteurs en font un terreau particulièrement fertile pour les développeurs. « Il y a un esprit de collaboration, les gens veulent s’entraider. Je pense que c’est dû à la taille de la ville : dans les grandes agglomérations, cet esprit est plus difficile à maintenir. »

Claire Dufour, créatrice de programmes pour Creative Dundee, travaille justement à entretenir et amplifier cet état d’esprit. Creative Dundee est une entreprise sociale de quatre salariés, née il y a six ans, qui soutient les créateurs indépendants dans le secteur culturel, en partageant leurs expériences, les informant, et les mettant en contact. « Nous organisons de nombreux évènements, dont le plus gros pecha kucha du Royaume-Uni avec 400 personnes à chaque édition ». Il s’agit d’un concept japonais de présentations concises, durant lesquels des créatifs se rencontrent et s’encouragent. « Beaucoup de nouveaux projets sont nés de ces évènements », selon Claire Dufour.

Finalement, il y a quelque chose de très organique dans la communauté du jeu vidéo à Dundee : on le décrit souvent comme un écosystème qui évolue et se réinvente sans cesse. La diversité du secteur, où se côtoient les petits freelancers et les grosses entreprises comme 4J Studios (qui a développé Minecraft), est un reflet de la complexité du processus de fabrication et la diversité des genres de jeux.

Objets de design

C’est ce qui est mis en avant dans l’exposition Videogames : Design, Play, Disrupt au V&A Dundee, revue et adaptée quelques mois après son passage à Londres en septembre dernier. Des croquis à l’animation des personnages, en passant par les décors et la narration, on voit à quel point le jeu vidéo est à l’intersection de compétences et de formes de création diverses : le dessin, le cinéma, parfois même la littérature. C’est pour cela que l’esprit d’entraide et d’échange est si primordial. Parmi les jeux à l’honneur, on trouve Journey (thatgamecompany, 2012), Splatoon (Nintendo, 2015), ou encore The Last of Us (Naughty Dog, 2013). Après un hommage aux joueurs, streamers et cosplayers, le V&A clôture l’exposition en apothéose avec une grande salle d’arcade : les visiteurs ont ainsi l’opportunité des tester des jeux faits sur mesure pour le V&A par des développeurs de Dundee.

Lauren Bassam, commissaire de l’exposition, explique que le public ne réalise pas toujours la place que le design prend dans l’élaboration des jeux : « les créateurs doivent faire des prototypes, des dessins, utilisent même l’impression 3D pour façonner chaque détail des jeux. »

Plus qu’un divertissement

L’une des idées reçues sur les jeux vidéo est qu’ils ne servent qu’à se divertir. Malath Abbas fait partie des gens qui pensent le contraire. « C’est beaucoup plus que cela, et on commence à se rendre compte du pouvoir des jeux vidéo : ils peuvent contribuer à notre bien-être, encourager la cohésion sociale et le débat ». Les projets de Biome en sont la preuve : pour la biennale du Design de Londres en 2018, Biome a créé Shpeel, une installation interactive interrogeant la santé mentale des jeunes dans les grandes villes. L’un de leurs jeux les plus remarqués, Killbox, nominé aux BAFTA écossais, remet en question l’utilisation des drones de guerre.

Les jeux vidéo peuvent donc être très politiques, aborder des thématiques sensibles, comme le montre la partie de l’exposition du V&A consacrée à la « disruption ». Les jeux nous rendent-ils violents ? Beaucoup sont-ils racistes et sexistes ? À l’image de la société, l’industrie des jeux vidéo a encore d’énormes progrès à faire pour faire une place aux femmes et aux personnes racisées, aussi bien dans la fabrication des jeux que dans les personnages et les récits. Les choses changent, lentement, et Dundee prend toute sa place dans le mouvement.

► À écouter aussi : Ghana: un jeu vidéo basé sur la culture et les légendes africaines (L'Afrique en marche)

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