En France, l’hôtel Lambert, joyau du patrimoine parisien, ravagé par un incendie

Un incendie a causé la nuit dernière des dégâts irréversibles dans l’hôtel Lambert, une construction du XVIIè siècle abritant de nombreuses œuvres d’art d’époque. Cet hôtel particulier, propriété de Qatariens depuis 2007, a défrayé la chronique ces dernières années notamment à cause des rénovations extravagantes que voulaient entreprendre ses nouveaux propriétaires

A Paris, les pompiers luttent contre l'incendie qui a causé des dégâts irréversibles à l'hôtel Lambert, classé monument historique, le 10 juillet 2013. REUTERS/Philippe Wojazer

La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti s’est rendue sur place ce mercredi et elle n’a pu que constater « des atteintes très graves à un élément essentiel du patrimoine de Paris, dont certaines sont irréversibles ». Parmi les pertes irréparables, la ministre a cité le fameux cabinet Lambert décoré de peintures et de fresques par Le Sueur, et qui avait échappé à une transformation « sauvage » en salle de bains. « Le toit s’est effondré, a-t-elle rapporté, il est entièrement détruit ».

Plan du premier étage de l'Hôtel Lambert dessiné par l'architecte Louis Le Vau, aux environs de 1640.

Toute la nuit, 140 pompiers ont lutté pour venir à bout de l’incendie qui s’est déclaré vers 1h30 au niveau de la toiture de l’hôtel Lambert, un bâtiment du XVIIe siècle construit en éperon en bord de Seine, flanqué d’un jardin suspendu, sur l’île Saint-Louis, à deux pas de Notre-Dame. Ce n’est qu’un peu avant 8h que le feu a été circonscrit, laissant l’œuvre de l’architecte Louis Le Vau en piteux état. Selon les sapeurs-pompiers, « le feu s’est propagé assez vite puisque le bâtiment est vide et en pleine rénovation et l’intervention était très compliquée avec une structure très fragilisée ».

En travaux depuis trois ans

Racheté en 2007 par le frère de l’émir du Qatar, Abdallah Ben Abdallah-Al-Thani au baron Guy de Rotschild, pour 60 millions d’euros, l’hôtel Lambert était en travaux depuis 2010. Un chantier qui avait été retardé suite à des actions en justice intentées notamment par l’association Sauvegarde et Mise en valeur du Paris historique et appuyées par de nombreuses personnalités. En 2010 un accord est enfin trouvé, les travaux de restauration sont lancés, mais après avoir été amendés. Ainsi, le projet qui avait alimenté longuement la polémique, de doter le fragile bâtiment historique d’un stationnement souterrain complété d’un ascenseur à voitures débouchant dans la cour d’honneur, est abandonné.

Les défenseurs du patrimoine se sont également battus pour sauver les décors uniques qui illuminent les salons et galeries de l’hôtel Lambert. Lors de sa construction démarrée en 1640, les peintres Charles Le Brun et Eustache Le Sueur ont travaillé durant cinq ans sur les décors intérieurs, considérés comme des chefs-d’œuvre. La restauration de la galerie d’Hercule, préfigurant disent les spécialistes, ce que sera la galerie des Glaces peinte par le même Charles Le Brun Premier peintre du roi Louis XIV, était presque achevée.

Parti en fumée ou noyé sous les eaux

Ce matin devant les ruines encore fumantes, c’est la désolation. « C’est vraiment une catastrophe, déplore une voisine qui a participé au combat pour la sauvegarde de l’hôtel Lambert, nous nous sommes battus pour que les fresques de la galerie d’Hercule soient conservées dans le projet de rénovation et là tout est parti en fumée ou bien noyé sous les eaux ». L’incendie qui n’a fait aucune victime, a pu être contenu dans le périmètre de l’hôtel particulier, les immeubles des alentours ayant été évacués par précaution.

Le bâtiment qui est en cours de sécurisation est sérieusement endommagé selon les premiers constats faits dans la matinée. Une tourelle a dû être détruite par les pompiers afin de pouvoir atteindre certaines parties de l’immeuble classé monument historique depuis 1862. Le feu a fragilisé la structure même de la construction, ce qui a entraîné l’effondrement d’un escalier intérieur et d’un fronton. Il est à craindre également que des boiseries d’époque n’aient aussi été la proie des flammes.

Les amoureux des belles pierres ne sont sûrement pas au bout de leur peine. Déjà qu’ils regardaient d’un œil plus que critique les restaurations effectuées en façade : à force d’être blanchies, les pierres patinées de la façade avaient pris un air fraîchement « sorti d’usine ». Surprise aussi quand les voisins réprobateurs ont vu se dresser d’improbables pots à feu sur la toiture, des ornements destinés à faire plus authentique, comme si l’hôtel Lambert ne l’était pas assez.