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Mondial 2022: un tirage au sort et toujours l’épineuse question sur les droits de l’homme au Qatar

La planète football est rassemblée au Qatar, où le président Gianni Infantino a ouvert jeudi 31 mars le Congrès annuel de la Fifa avant le tirage au sort qui aura lieu le 1er avril. Depuis 2015, plusieurs médias et ONG dénoncent aussi un nombre important de morts sur les sites de construction dans le pays.

Le 72e congrès de la Fifa à Doha au Qatar, le 31 mars 2022.
Le 72e congrès de la Fifa à Doha au Qatar, le 31 mars 2022. AFP - FRANCK FIFE
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« La longue route vers le tournoi a été émaillée de scandales liés aux droits humains et de mauvaises conditions de travail, mais des signes encourageants de progrès ont également été constatés », ont écrit mercredi 30 mars le syndicat des joueurs FIPPro et l'IBB (syndicat international des travailleurs du bois et de la construction) qui réclament un « Centre des Travailleurs migrants » au Qatar juste avant le tirage au sort du 1er avril, pour pérenniser les réformes obtenues après la compétition. « Les travailleurs continuent d'être soumis à des pratiques abusives. Les employeurs peu scrupuleux s'opposent aux réformes et ne sont pas contraints de rendre des comptes. Les travailleurs les plus vulnérables venant de pays comme l'Inde, le Bangladesh, le Népal, les Philippines, le Pakistan et certains pays africains craignent toujours des représailles s'ils viennent à dénoncer l'exploitation, les salaires impayés et les longues heures de travail », expliquent la FIPPro et l'IBB.

Quand The Guardian met les pieds dans le plat

À l’heure de connaître les groupes du Mondial 2022 de football, le Qatar se place jusqu'en décembre au centre de l'attention, avec en toile de fond sa « diplomatie sportive ». En décrochant fin 2010 la compétition la plus populaire de la planète, à la surprise générale et au prix de multiples controverses, ce micro-État gazier s'est offert une progression de sa notoriété aussi fulgurante que risquée. Depuis cette attribution, nombreux sont ceux qui ont dénoncé les conditions de travail sur les chantiers liés à l’événement.

Dans une nouvelle enquête publiée en février 2021, le quotidien britannique The Guardian faisait état de 6 500 décès chez les travailleurs migrants venus principalement d'Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh ou du Sri Lanka. Déjà en septembre 2013, The Guardian publiait un dossier choc sur les chantiers au Qatar, parlant d'« exploitation » de travailleurs migrants qui « s'apparente à de l'esclavage moderne ». La Fifa « somme » le pays de réagir. L'émirat abolit à partir de 2016 la « kafala », système de parrainage faisant des salariés des quasi propriétés de leur employeur.

La désignation par la Fifa de cette péninsule ensablée grande comme l'Île-de-France, dépourvue d'infrastructures aux dimensions d'une Coupe du monde et étouffante en été, a fait couler beaucoup d’encre. Le Qatar a réussi à édifier dans les temps les huit stades requis, mais en recourant à des dizaines de milliers de travailleurs migrants dans des conditions harassantes, par des températures brûlantes et pour des salaires de misère, documentés par les syndicats internationaux et la presse. Pourtant, le Qatar, qui a levé l'interdiction pour les ouvriers de changer d'employeur et introduit un salaire minimal horaire de 1,30 dollar, dans un pays dont le PIB par habitant est de 66 000 dollars par an, affirme avoir fait plus que tout autre pays dans la région et rejette fermement les bilans avancés par des médias internationaux de milliers de morts sur les chantiers.

À lire : Mondial 2022: à un an du coup d'envoi, le Qatar est toujours sous le feu des critiques

Pour Amnesty international, la situation est toujours inquiétante

« Sur le papier les choses ont évolué. Surtout dans la communication. Mais dans les faits, la situation est inquiétante, explique à RFI, Lola Schulmann, chargée de plaidoyer pour Amnesty international France. La cadence accélère et il pourrait y avoir encore plus de violations des droits des travailleurs d’ici novembre. Il y a encore des mois de retard sur les salaires et des confiscations de passeport. Et les conditions d’hébergement sont parfois pitoyables. On alerte la Fifa régulièrement. Il faut faire bouger les choses du côté des fédérations et des supporters. On souhaite que lors du congrès de la Fifa, les fédérations demandent des comptes publiquement ». Amnesty international France invite la Fédération française de football (FFF) à agir face à ces violations des droits de milliers de travailleuses et travailleurs migrants au Qatar. « La Coupe du monde au Qatar va faire progresser » les droits humains « de façon très rapide », a assuré jeudi 31 mars à l'AFP le président de la FFF Noël Le Graët, selon qui « la mentalité » est en train de changer dans l'émirat.

Plusieurs équipes (Norvège, Belgique, Pays-Bas, Allemagne) ont affiché des signes de protestation lors de matches qualificatifs. De la question des droits humains dans un pays qui pratique la peine de mort, à la pénalisation de l'homosexualité, en passant par le système de tutelle pour les femmes: les critiques des footballeurs occidentaux se multiplient à mesure que l'événement approche. En mars 2021, l'international allemand du Real Madrid, Toni Kroos, livrait son sentiment: « Je trouve que l'attribution du Mondial au Qatar n'était pas une bonne chose (...). La première raison, ce sont les conditions des travailleurs (...) puis le fait que l'homosexualité soit pénalisée et punie au Qatar ». « Les travailleurs migrants blessés ou les familles de ceux qui sont morts dans la préparation de la Coupe du monde doivent être pris en compte », a fustigé Lise Klaveness, présidente de la fédération norvégienne, lors d'un discours offensif et remarqué devant le Congrès annuel de la Fifa. « Il n'y a pas de place pour des employeurs qui ne veillent pas à la liberté et la sécurité des ouvriers du Mondial. Pas de place pour des dirigeants qui n'accueillent pas le football féminin. Pas de place pour des pays hôtes qui ne peuvent pas garantir légalement la sécurité et le respect des personnes LGBT+ », a-t-elle asséné, pressant la Fifa de se comporter en « modèle ».

Gianni Infantino lors du 72e congrès de la Fifa à Doha, le 31 mars 2022.
Gianni Infantino lors du 72e congrès de la Fifa à Doha, le 31 mars 2022. AFP - FRANCK FIFE

Des réformes législatives historiques ont été introduites selon la Fifa

De son côté, la Fifa se vante par avance des « normes et pratiques de niveau international » que laissera sa Coupe du monde aux travailleurs. Mi-mars 2022, le président de la Fifa, Gianni Infantino, rencontrait le ministre du Travail du Qatar et saluait les « progrès importants réalisés au cours de la dernière décennie » sur les droits et le bien-être des travailleurs. « Des réformes législatives historiques ont été introduites et ont déjà apporté des avantages concrets à des centaines de milliers de travailleurs migrants, affirmait Gianni Infantino dans un communiqué de la Fifa, juste après sa rencontre avec ce ministre. « Il reste encore des défis à relever - comme dans de nombreux autres pays du monde -, mais les progrès réalisés ces derniers temps sont indéniables, tout comme l'engagement à apporter des changements sociaux positifs », pouvait-on également lire. « Bien sûr, tout n'est pas parfait, bien sûr ce n'est pas le paradis, mais aucun pays n'est le paradis », a estimé Infantino ce jeudi 31 mars à Doha.

L'instance internationale du foot aborde elle aussi une période à risque: le Mondial au Qatar reste entaché depuis l'origine d'accusations de corruption, qui ont emporté la quasi-totalité de ses responsables de l'époque et peuvent à tout moment resurgir. Depuis plusieurs années, les questions éthiques autour des grandes compétitions n'ont fait que croître, faisant des JO ou des Mondiaux de foot des terrains de mobilisation pour les gouvernements, ONG et sportifs eux-mêmes. La Fifa vient d’ailleurs de bannir le foot russe après l'invasion de l'Ukraine. Elle pourra se voir fortement critiquer s’il elle ne parvenait pas à dénoncer d'autres violations des droits de l'homme. Juste avant le congrès de la Fifa, le parti social-démocrate allemand au pouvoir a pressé sa fédération de « mettre sur la table les questions politiques et sociales » liées au Mondial 2022.

Selon le patron du Comité suprême d'organisation du Mondial 2022, Hassan Al-Thawadi, la Coupe du monde au Qatar, la première de l'histoire dans le monde arabe, laissera « en héritage un profond changement social, humain, économique et environnemental ».

Avant l’attribution du Mondial au Qatar, ce pays du Golfe, où les travailleurs immigrés représentent 88% de la population, était déjà pointé du doigt par les ONG qui dénonçaient une exploitation assimilée à « une forme moderne d'esclavage ».

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