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Reportage France

Une formation de magistrats pour les procès liés aux contentieux environnementaux

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La Cour européenne des droits de l'homme examine ce mercredi 29 mars une requête contre l'État français pour inaction climatique. Face aux enjeux climatiques et environnementaux, les ONG se tournent de plus en plus vers la justice. Depuis fin 2020, des pôles spécialisés sur les atteintes à l’environnement ont été mis en place dans chaque cour d’appel. Mais pour que ce contentieux monte en puissance, les magistrats ont besoin d’être formés. Depuis l’année dernière, un cursus dédié a été créé au sein de la formation continue de l’École nationale de la magistrature.

La visibilité et l'essor de la justice environnementale passent aussi par plus de procès et l’élaboration d'une jurisprudence cohérente et dissuasive.
La visibilité et l'essor de la justice environnementale passent aussi par plus de procès et l’élaboration d'une jurisprudence cohérente et dissuasive. © Getty Images/iStock/tzahiV
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Du dépôt d’ordures sauvages par un particulier au trafic international de déchets par le crime organisé, de l’infraction aux règles de chasse au commerce illégal d’espèces protégées, les magistrats explorent la grande diversité des atteintes à l’environnement qui participent à la complexité de ce contentieux, sur lequel les magistrats doivent gagner en compétence, explique Mathieu Saunier, coordinateur de formation continue à l'École nationale de la Magistrature.

« Il y a un gap entre les attentes de la société civile sur les questions environnementales et, du coup, sur la réponse judiciaire et le réel contentieux qui aboutit devant les juridictions pénales ou civiles », souligne-t-il.

« Pour le contentieux pénal, par exemple, il y a seulement 1% du contentieux qui concerne l'environnement. L'idée aussi, c'est de permettre aux magistrats de se former pour être aussi un peu proactifs, notamment les parquets, pour susciter des contrôles et donner davantage suite donc aux atteintes à l'environnement, et pour la partie civile, d'armer les juges saisis de plus en plus, notamment par les associations, pour trancher des problèmes de préjudice écologique », détaille Mathieu Saunier.

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Se former à l'organisation administrative spécifique

Vingt-sept magistrats, du pénal et du civil, suivent cette formation. « J'ai eu l'occasion de me retrouver dans les petits tribunaux où on n'a pas un service pour chaque chose, et donc, je me suis retrouvé très seul face à des dossiers d'environnement. J'ai vraiment besoin de formation, besoin d'aide », reconnaît Simon Champigny, procureur volant.

« C'est un droit qui est très compliqué, parce que c'est basé sur des règles administratives que nous, les juges judiciaires, on n'a pas l'habitude de connaître. Et en fait, les infractions, pour bien les comprendre, il faut comprendre l'organisation administrative des parcs naturels, de l'urbanisme, de la protection des espèces », poursuit le procureur.

► À écouter aussi : COP15 et biodiversité: «Il y a de la justice environnementale à mettre en place entre les pays»

Puis, Simon Champigny ajoute : « La deuxième chose qui est difficile à appréhender, c'est que les réels experts, ce ne sont pas actuellement les juges et les procureurs, ce sont des administrations gérées par la préfecture qui ont des services d'enquête ou de contrôle, qui ne sont pas non plus spécialistes du pénal. Donc souvent, on est leur référent pénal, mais c'est compliqué d'être le référent pénal quand on n'est pas soi-même formé. On a à la fois besoin de beaucoup de théories, mais on a aussi besoin de se parler entre nous, pour savoir ce qu'on fait. »

« L'évaluation du préjudice écologique, c'est nouveau »

« En réalité, il y a plein d'infractions pas très connues pour lesquelles on ne sait pas quoi faire, et on a besoin de se retrouver et de discuter. Est-ce qu'on envoie ça en jugement, ou est-ce que la sanction administrative suffit ? Quelle consigne donner au service d'enquête ? Et j'ai l'impression que c'est quelque chose de très nouveau, pour lequel on est vraiment au tout début », résume Simon Champigny.

La visibilité et l'essor de la justice environnementale passent aussi par plus de procès et l’élaboration d'une jurisprudence cohérente et dissuasive. Là encore, une réflexion collective est nécessaire, souligne Justine, substitut du procureur au pôle spécialisé de Lille.

« L'évaluation du préjudice écologique, c'est nouveau. Les méthodes de calcul, il y en a pas une en tant que telle, et donc ça, c'est quelque chose qui est en construction », explique-t-elle. « La réparation du préjudice aussi est une difficulté. Face à une pollution qui est constatée, qui va remettre en état ? Comment on s'assure que c'est effectivement exécuté ? En pénal, ce n'est pas quelque chose qu'on a l'habitude de voir. »

Au-delà de la formation, les magistrats rappellent que dans des juridictions surchargées, tout est question de temps et d’effectifs, et donc de volonté politique.

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