Accéder au contenu principal
Le grand invité Afrique

«Il y a une nécessité pour les pays riches de redistribuer les richesses et le pouvoir»

Publié le :

Quelle est la politique de développement pour les pays africains dans un monde et sur un continent en plein bouleversement ? C'est la question que se pose Jean-Luc Stalon. Représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement, à Bangui, en Centrafrique, il a assisté, au cours de sa carrière, aux réussites et aux échecs des politiques de développement. Il a consigné ses observations et ses idées dans un livre intitulé La croissance élitiste.

Jean-Luc Stalon. représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD).
Jean-Luc Stalon. représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). © Flickr/Isaac Billy
Publicité

RFI : Qu'entendez-vous par le terme de croissance élitiste ?

Jean-Luc Stalon : Je me suis rendu compte qu'il était important, pour bien comprendre les inégalités, d'élaborer ce concept de la croissance élitiste, qui est l'ensemble des combinaisons économiques, politiques et sociales qui permettent aux élites de capturer les dividendes de la croissance économique. Quels sont les leviers qui vont leur permettre de conserver leur position de rente et de capturer les richesses.

Justement, quels sont ces leviers, quelles sont ces stratégies de capture des richesses ?

Il y a des leviers d'ordre économique et financier, par exemple les questions de gestion des finances publiques, la structuration de l'appareil productif, mais il y a également des leviers politiques et institutionnels. On utilise le pouvoir pour renforcer la position des élites, mais il y a également des leviers sociaux. Vous verrez que dans certaines sociétés, les questions de linguistique, par exemple la langue, la religion, sont utilisées pour renforcer la position de domination des élites.

Mais c'est également un concept trans-idéologique, parce qu'on observe aujourd'hui, que ce soit dans les zones idéologiques conservatrices ou progressistes, ou même marxistes, indépendamment des idéologies, il y a toujours cette tendance des élites de renforcer leur position et de capturer les richesses.

Et c'est également un concept que je définis comme transfrontalier, c'est-à-dire qu'il s'applique à la fois aujourd'hui dans les pays disons du Nord, dans les pays asiatiques, dans les pays africains, on retrouve ce concept dans les pays d'Amérique latine, on le retrouve un peu partout. Ça s'applique avec des degrés différents, mais ça s'applique quand même partout, dans n'importe quel système.

Cette captation de la richesse par les élites, vous le disiez, c'est un phénomène mondial, mais est-ce qu'elle n'est pas encore plus prononcée ou encore plus insupportable dans les pays où il n'y a pas de système de redistribution, et où il y a une insatisfaction des besoins de base ?

Je voudrais vraiment qu'on regarde ça, surtout dans cette période de turbulence géopolitique. Le premier niveau, c'est qu'il faut vraiment analyser les inégalités à l'échelle du monde. Il y a vraiment une nécessité pour les pays riches de redistribuer les richesses et le pouvoir. Cela se manifeste de plus en plus aujourd'hui, quand on a vu les inégalités qu'il y a pu avoir, par exemple durant la pandémie de la Covid-19, surtout sur la question des vaccins.

Lorsqu'on regarde aujourd'hui la question de la réparation des dégâts climatiques, il y a une inégalité très forte. Donc, quand on regarde tout ça, on se rend compte qu'il y a aujourd'hui une nécessité de revoir un peu la gouvernance internationale. Vous regardez aujourd'hui le droit de vote des pays du Sud dans les organisations internationales comme le FMI et la Banque mondiale reste très limité. Mais même quand on regarde aussi, par exemple, le système fiscal international, on se rend compte qu'il est très en défaveur des pays pauvres. Il est beaucoup plus difficile aujourd'hui pour les pays pauvres d'emprunter sur le marché international que les pays riches.

Mais en ce qui concerne les pays du Sud, pour corriger ces inégalités, il y a lieu de revoir un petit peu le contrat social avec une population qui est très jeune. Ils sont plus exigeants envers leurs dirigeants. Pour renforcer ce contrat social, on doit se lancer dans une transformation des économies des pays africains pour créer de la richesse, pour créer de la valeur ajoutée.

Et le dernier point que j'allais soulever sur la question du contrat social, en particulier en Afrique, c'est toute la grande question du capital humain. Il faut former notre jeunesse, il faut la former dans différents domaines pour qu'on soit équipé pour attaquer le développement - je parle en particulier de l'Afrique - si on veut être au rendez-vous de 2050, de 2100, avec la feuille de route de l'Union africaine, il va falloir accélérer le capital humain.

Est-ce que vous avez le sentiment que des leçons ont été tirées de ces échecs et de ces erreurs du passé ? 

Oui, absolument. On voit quand même aujourd'hui qu'il y a un certain nombre de pays qui font des bonds en avant et commencent à sérieusement transformer leur économie, ne veulent plus dépendre d'économie de rentes et cherchent à s’industrialiser. Par exemple, le Kenya est aujourd'hui le bon élève de la transition énergétique. On voit aussi, il faut le reconnaître, des pays qui font des efforts pour améliorer la go

uvernance, avec un renforcement de l'État de droit, avec le renforcement des droits humains, etc. Ceci étant, ce n'est pas homogène, chaque pays a sa trajectoire, chaque pays a ses circonstances. Il y en a qui vont plus vite que d'autres. Mais je pense que globalement, on peut dire aujourd'hui, il y a une dynamique qui est enclenchée, qu'il y a une pression énorme de la part des populations, de cette jeunesse dont je parlais tout à l'heure. Et je pense qu’il y aura de plus en plus de pression dans les décennies à venir parce que les Africains veulent se développer, ils veulent faire un pas qualitatif en avant.

NewsletterRecevez toute l'actualité internationale directement dans votre boite mail

Suivez toute l'actualité internationale en téléchargeant l'application RFI

Voir les autres épisodes
Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.